Zuzanna Czebatul est née en Pologne et vit et travaille à Berlin. Son exposition dans le centre d’art est la première réalisée en France. Son titre, The Singing Dunes, s’inspire du phénomène du "chant des dunes", le crissement émis par le frottement des grains de sable des déplacements de dunes dans le désert. Le mouvement incessant des déserts de sable est utilisé par l’artiste comme métaphore du nomadisme, de la transformation des connaissances et des civilisations, des migrations, de l’altération des formes construites et de l’évolution des croyances.
Zuzanna Czebatul, Vortex (l’Aube d’un Nouveau Jour), 2020. Béton et pigment, 12 x 10 m. Vue de l’exposition The Singing Dunes de Zuzanna Czebatul, CAC-La synagogue de Delme, 2020. Photo : OH Dancy.
Au rez-de-chaussée, s’étend au sol une œuvre monumentale in situ, réalisée pour la synagogue en relation avec ses formes architecturales. Elle a été conçue par l’artiste selon la technique de l’Opus Sectile, qui utilisait des marbres taillés pour la décoration de pavages et de marqueteries. Développé sous l’antiquité romaine puis au Moyen-Âge dans les édifices publics et l’habitat privé, ce dallage figure un sol carrelé fictif pris dans un maelstrom aspirant les éléments architecturaux originels de la synagogue (l’Arche sainte, les fenêtres et les colonnes de l’entrée) pour finir absorbé dans un trou noir. Entre vision psychédélique et sable mouvant, cette création que l’on peut fouler ou découvrir en vue plongeante, offre en trompe-l’oeil un somptueux revêtement monumental. Digne de l’ensemble décoratif original de la synagogue aujourd’hui disparu, il évoque également les thématiques chères à l’artiste, le mouvement et les fluctuations inhérentes au passage du temps, qui modifient et transforment les formes, les savoirs et les cultures.
Zuzanna Czebatul, Vortex (l’Aube d’un Nouveau Jour), 2020. Béton et pigment, 12 x 10 m. Vue de l’exposition The Singing Dunes de Zuzanna Czebatul, CAC-La synagogue de Delme, 2020. Photo : OH Dancy.
La métaphore suit son cours à l’étage avec un ensemble de sculptures représentant des pastiches de vestiges d’une pseudo-antiquité égyptienne excavés du désert. Pétris d’incohérences historiques et de visions fantasmées sur cette époque, ces tronçons de sculptures, une fois reconstituées, se veulent la réplique exacte d’une des nombreuses sphinges ayant servi au décor du film Les dix commandements de Cecil B. DeMille (1923), première production la plus coûteuse de l’histoire d’Hollywood. Tourné dans le désert californien, ce péplum se déroulait au sein d’un décor monumental de ville antique en extérieur volontairement ensablé, jusqu’à ce que des archéologues le découvrent à partir des années 60. Ces (fausses) sculptures évoquent tant le chantier de fouille, où elles auraient été découvertes, que le dispositif muséal dans lequel les décors du film ont fini par être exposés. Mettant en scène une archéologie aussi artificielle que le décor retrouvé, Zuzanna Czebatul met au même niveau plusieurs strates historiques : l’antiquité égyptienne, l’exode du peuple juif, le cinéma hollywoodien, l’archéologie contemporaine et les migrations actuelles. Elle nous place face au « désert du réel » de notre époque contemporaine où les origines du pouvoir ne sont pas aussi naturelles et neutres qu’elles n’y paraissent, le plus souvent issues de multiples fictions produites arbitrairement. De tout temps, la culture dissimule l’idéologie du moment. A chacun de savoir la mettre à jour.
Zuzanna Czebatul, Leur Nouveau Pouvoir (Tête), 2020. Polystyrène, acrylique et sable, 160 x 110 x 120 cm. Vue de l’exposition The Singing Dunes de Zuzanna Czebatul, CAC-La synagogue de Delme, 2020. Photo : OH Dancy.
Zuzanna Czebatul travaille principalement dans le champ de la sculpture, fabriquant ses propres matériaux pour concevoir des œuvres qui fusionnent souvent produits culturels et productions artistiques. Elle porte son intérêt à l’esthétique des sculptures anciennes, aux formes modernes d’affichage, à la mode et aux produits commerciaux. Ses recherches portant sur les relations de pouvoir entre l’objet et le spectateur, elle travaille souvent avec des matériaux et des thèmes évoquant les concepts de puissance ou de faiblesse grâce à des effets d’opposition, convoquant humour et érotisme kitsch. Ses sculptures apparaissent tour à tour effondrées, détruites, dégonflées ou fragmentées et malmènent les concepts de monumentalité, d’édifice public et d’architecture-symbolique rattachée traditionnellement à cette pratique. La réalité et l’artificiel nourrissent un dialogue permanent dans lequel elle tente de mettre en avant la fluidité ou la flexibilité de la politique, du marché de l’art ou du corps humain. Ses œuvres mettent souvent en place des structures solides, des idéologies et des politiques qui posent cette question : comment souhaitons-nous vivre ?
Zuzanna Czebatul, Leur Nouveau Pouvoir (Pattes), 2020. Polystyrène, acrylique et sable, 140 x 140 x 50 cm. Vue de l’exposition The Singing Dunes de Zuzanna Czebatul, CAC-La synagogue de Delme, 2020. Photo : OH Dancy.
Exposition du 3 juin au 20 septembre 2020. Centre d’art contemporain La synagogue de Delme, 33 rue Poincaré – 57590 Delme. Tél. : 03 87 01 43 42. Ouverture du mercredi au dimanche de 14h à 17h30.
Afin de protéger les médiatrices et les publics du centre d’art, quelques consignes s'appliqueront à votre visite :
- visite à tour de rôle
- 10 personnes maximum en groupe constitué (famille et amis) dans la synagogue
- créneau de visite de 15 minutes (selon l'affluence)
- attendre son tour de visite dans le jardin
Nous vous rappelons également les gestes barrières à appliquer :
- port du masque obligatoire
- nettoyage des mains au gel hydro-alcoolique mis à disposition
- distance de sécurité d’un mètre
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