Du 17 septembre au 17 décembre, Le Crédac accueille la première rétrospective française de la peintre Caroline Bachmann. Avec "Le Matin", les œuvres présentées au Centre d’art contemporain d’intérêt national, soutenu par la DRAC Île-de-France, révèle l’empreinte d’un éternel retour.

 

Le Crédac et le Centre culturel suisse. On Tour se sont associés pour inviter l’artiste suisse Caroline Bachmann à réaliser sa première exposition personnelle en France. En dialogue avec l’artiste, Claire Hoffmann (responsable des arts visuels au Centre culturel suisse et curatrice) et Claire Le Restiff ( directrice du centre d'art le Crédac à Ivry-sur-Seine) ont sélectionné un ensemble d’œuvres récentes.

Et si les œuvres de Caroline Bachmann nous invitaient à remonter le courant du visible et de l'imaginaire ! Ce moment roi. L’instant secret de l'observation contemplative où l'on découvre, au fil des heures, un ciel qui change, des paysages avec des vues du lac dont la couleur se ravise aussi, des natures mortes de fleurs, des visages d’artistes contemporaines. Instant qui révèle la métaphore d’un recommencement où le quotidien tutoie le magique. Du magique et du surnaturel.

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© Le matin, Caroline Bachmann, 2022, Huile sur toile sur douze panneaux. Détail. Coll. Office fédéral de la culture, FCAC (Canton de Genève), FMAC (Ville de Genève), MAMCO

L'artiste semble jouer constamment entre réel et réalité intérieure. Il y a quelque chose du trompe-l’œil aussi. Cette alchimie se fait expérience artistique. Ses peintures respirent l'enfance. Et l'enfance nous raconte pour toujours une histoire, une histoire qui nous garde, nous dit quelque chose d'enfouie. Ici l'intime rejoint l'universel. "Autant de sujets classiques de la peinture européenne du XIXe siècle, traités de manière singulière, tant du côté de l’expérience intérieure que de la représentation" écrit Claire Le Restif, la commissaire de l’exposition et directrice du Centre d’art contemporain d’Ivry.

"le fait de retrouver quelque chose que l’on connait déjà, qui existe en nous de façon latente, qui était comme assoupi"

Cette monographie se déploie dans les trois salles du Crédac et "permet d’offrir un point de vue exhaustif sur la pratique de l’artiste, intégrant une série de dessins rarement exposés et une sélection de peintures de l’artiste américain Louis Eilsheimus (1864-1941) provenant de la collection personnelle de Caroline Bachmann" précise Claire Le Restif.

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© Caroline Bachmann, Vent d’ouest, 2015 Huile sur toile. 40 × 30 × 2,2 cm Collection et courtesy Caroline Bachmann - © Caroline Bachmann, Lune reflet jaune, 2016 Huile sur toile. 30 × 24 × 2,2 cm Collection privée, Genève, Suisse

Depuis 2013, Caroline Bachmann explore une peinture figurative nourrie d’une pratique artistique conceptuelle ainsi que de ses recherches menées pendant dix ans sur Marcel Duchamp avec l’artiste et historien de l’art Stefan Banz (1961- 2021). Ses portraits, ses natures mortes de fleurs, et ses paysages, questionnent la notion de perception, de temps et de ce que l’artiste appelle la "reconnaissance" : "le fait de retrouver quelque chose que l’on connait déjà, qui existe en nous de façon latente, qui était comme assoupi."

Je témoigne à travers cette série que mes contemporaines existent bel et bien

Dans un entretien mené par Claire Hoffmann et Claire Le Restiff, Caroline Bachmann raconte qu'à partir de 2013, elle commence par peindre une série de portrait de huit peintres américains visionnaires, nés au XIXe siècle.

Elle réalise également une série de portraits de femmes artistes également montrée au Centre d’art contemporain : "A la suite d'une visite d’exposition sur la peinture suisse du XXe siècle. J’étais choquée qu’aucune femme ne soit présente dans la série de portraits et d’autoportraits accrochés dans la première salle du musée. Je témoigne à travers cette série que mes contemporaines existent bel et bien."

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Vidya Gastaldon, Marie-José Burki, Charlotte Herzig, Renée Levi, Mai Thu © Collection et Courtesy Caroline Bachmann

"J’ai également commencé une série de peintures de fleurs coupées, qui évoque pour moi la célébration et le don, puisque toutes les fleurs représentées m’ont été offertes."

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2016 Jacinthes, Caroline Bachmann, Jacinthes, 2016 Huile sur bois. 40 × 30 × 3 cm © Courtesy Caroline Bachmann - Caroline Bachmann, Iris blanc, 2019 Huile sur bois. 40 × 30 × 3 cm  © Courtesy Caroline Bachmann

"J’ai moins d’imagination que le paysage lui-même."

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©  - Caroline Bachmann, Lune nuages oranges avec cadre, 2015 Huile sur toile. 80 × 80 × 2,2 cm Collection Fonds cantonal d’art contemporain, Genève, Suisse

Le passage du dessin à la peinture. Pour Catherine Bachmann "Les dessins sont des traces de moments précieux d’observation. Sans eux, je ne saurais pas par où commencer, d’autant plus qu’il s’agit toujours du même paysage. Aussi surprenant que cela puisse paraître, je n’invente pas ce paysage, ni les nuages du ciel, ni le rayon de soleil. J’ai moins d’imagination que le paysage lui-même. Alors, au moment où les éléments apparaissent, je les dessine."

"Le dessin me permet de saisir rapidement"

L'artiste explique alors : "Dans l’élaboration de ma peinture, les choix sont exactement les mêmes que dans les dessins. Je ne considère pas nécessaire de produire toutes les variations d’un nuage par exemple. Je n’ai pas envie de me confronter à des problèmes de forme, qui me feraient dévier de ce qui m’intéresse : les vibrations, la matière, la texture des choses. Je peux ainsi me concentrer sur ce que je considère essentiel."

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© Caroline Bachmann, Nuage arc avec cadre, 2016 Huile sur toile. 80 × 80 × 2,2 cm Collection Banque Cantonale Vaudoise, Lausanne, Suisse

"Le dessin me permet de saisir rapidement. Ma main a une liberté et une autonomie par rapport à l’interprétation des formes. Le dessin doit être exécuté rapidement parce que le paysage change à toute vitesse. Ça me permet de peindre un nuage que je n’aurais jamais dessiné comme ça."

"Le lac est un miroir"

Caroline Bachmann habite à Cully en Suisse. Cully, un petit village situé au bord du lac Léman. Ce paysage qui a bercé son enfance est en quelque sorte son exact modèle, sa nature vivante, une traverse entre immobile et mouvant qui façonne son tableau familier. "Le lac est un miroir, une source inépuisable de réserves, de sensations, d’émotions, de visions, que je reconnais, et qui existe quelque part, déjà" confie t-elle.

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© Caroline Bachmann, Lune halo orange avec cadre, 2018 Huile sur toile. 80 × 80 × 2,2 cm Collection Privée, Renens, Suisse

"Si je peins des montagnes, c’est parce que j’étais complétement fascinée parce qu’il y avait derrière ce gigantesque "mur". Pour moi c’est une métaphore du désir. Je célèbre constamment le lac Leman car il m’a été donné. C’est incroyable d’être née là. C’est ma vue depuis mes premières heures de vie.

"J’ai l’impression d’être au service du lac, d’être son scribe, d’enregistrer ses "humeurs".

"J’ai eu une vie merveilleuse" a écrit Marcel Duchamp. Les œuvres de Caroline Bachmann révèlent ce rayonnement.

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Caroline Bachmann, Vaudaire orange, 2021 Huile sur toile. 80 × 80 × 2,2 cm Collection Privée,Valeyres-sous-Montagny, Suisse