Après la Déclaration des droits de l’homme et l’abolition de l’esclavage, les Archives Nationales poursuivent leur exploration des moments-clés de notre vie démocratique. Aujourd'hui, l'ordonnance de 1944 instituant le droit de vote des femmes.

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Ce n’est jamais qu’un simple texte, tapé à la machine sur un papier ordinaire : Article 17.- Les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes. Ces quelques mots n’auront pas coûté trop d’effort au dactylographe, mais, en revanche, ils auront demandé cent cinquante ans de luttes pour passer de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, conçue par Olympe de Gouges pendant la Révolution française, à cette fameuse Ordonnance de 1944, votée avec l'aval du général de Gaulle.

A travers la présentation de ce précieux document, c’est tout un pan de nos conquêtes démocratiques que les Archives nationales mettent en lumière, jusqu’au 9 janvier prochain : celui du droit de vote accordé aux femmes, bien sûr, et, plus généralement, celui de l’égalité femmes-hommes. Plus que jamais, les exigences de ce nouveau volet de leur passionnant cycle d’expositions, « Les Essentiels », entrent en résonance avec l’actualité la plus brûlante.

Une exigence historique: documenter une séquence longue et mouvementée

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Hubertine Auclert (1848-1914), journaliste, l'une des premières à utiliser un néologisme promis à un bel avenir : le féminisme.

L’exposition des Archives nationales est d’abord une passionnante leçon d’histoire. La bataille est engagée dès 1789. D’un côté l’évidence d’un droit, dont l’institution nécessaire est solidement argumentée par Condorcet (Sur l’admission des femmes au droit de cité, 1790), et, de l’autre, l’injustice d’un fait, enracinée dans des vues faussées par une misogynie rampante ou assumée (discours de l’abbé Sieyès des 20 et 21 juillet 1789).

Le XIXe siècle, marqué notamment par le rendez-vous manqué avec la IIe République (qui institue en 1848 le suffrage universel, certes, mais universel moins les femmes), voit émerger des mouvements féministes, se recentrant sur la lutte pour l’égalité des droits civils (salaires, éducation…) et des militantes « suffragistes » (qui jugent que de l’institution des droits politiques des femmes est la priorité absolue). Il faudra attendre 1942 pour qu’au sein des organes de la Résistance, et avec le soutien déterminant du général de Gaulle, on parvienne à l’Ordonnance du 21 avril 1944.

Une exigence démocratique : interroger la société d'aujourd'hui et de demain

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Si l’exposition produit une prise de conscience et une connaissance de l’œuvre accomplie, elle répond aussi à des interrogations : qu’en est-il des femmes aujourd’hui en politique ? Qu’en est-il de l’égalité hommes-femmes dans la société, et que fait-on à ce sujet ? On s’apercevra que l’Ordonnance de 1944 n’était que le début de longs efforts pour une tâche encore inachevée : féminiser, jusqu’à parité, et notamment dans les instances de décision et de pouvoir, la société civile comme la vie politique.

Là encore, les avancées se sont fait attendre, pendant que la participation des femmes à la vie politique observait une stagnation (c’est seulement en 1997 que la proportion de femmes élues à l’Assemblée nationale dépasse 10%). Ce n'est qu'à la fin du XXe siècle – en 1999, précisément – que le principe de parité sera inscrit dans la Constitution, et, en 2014 que sera votée la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Malgré l’œuvre accomplie, le chemin est encore long avant d'atteindre une parité effective.

Une exigence éducative: former les jeunes générations

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Enfin, l’exposition est l’occasion de prendre conscience du courage et de la patience qu'exige la défense d'une cause juste. A cet égard, le dispositif scénographique met en valeur des documents étonnants, comme, par exemple, ces cartes postales de 1914, adressées à la Chambre des députés et diffusées par le quotidien national Le Journal, sous forme de bulletins "Je désire voter", avec nom, prénoms, adresse et signature des intéressées.

Par ailleurs, les Archives nationales facilitent aux enseignants l'accès aux ressources disponibles pour construire une histoire des femmes. Une rencontre aura lieu en effet, le 28 septembre, qui leur fera découvrir ces sources, pour leur permettre de mener leur enquête avec leurs élèves, au-delà de l'exposition, au sein même des archives. A signaler aussi : le dossier « Et les femmes purent enfin voter! », rédigé par Mathilde Guérin, commissaire scientifique de l'exposition, paru dans la revue Mémoire d'avenir.

Les Essentiels, un cycle d’expositions dédiées à l’itinérance

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Jusqu'au 9 janvier 2023, l’Ordonnance du 21 avril 1944, qui a accordé le droit de vote aux femmes, est exposée au public à l’Hôtel de Soubise (entrée libre).

 

Après le succès des deux éditions précédentes (40 000 visiteurs chacune), les Archives Nationales poursuivent le cycle des « Essentielles », conçu, selon Bruno Ricard, directeur des Archives nationales, pour « faire Nation ». Rappelons l’idée initiale : donner à contempler, dans leur matérialité, des actes fondateurs de notre état de droit, et cultiver ainsi chez tous, et notamment les plus jeunes, l’éducation à la citoyenneté et la lutte contre la désinformation.

Les trois expositions, qui seront suivies bientôt d’une quatrième (L’Abolition de la peine de mort, 1981) vont voyager dans l’ensemble des territoires, en métropole et outre-mer. La première, l’Essentiel #1 (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789), a, quant à elle, pris un excellent départ : elle sera visible cet automne à l’hôtel du Département et de la préfecture de Seine-Saint-Denis, à Bobigny.

 

Les Archives nationales présentent les Essentielles