Située au 160 rue Oberkampf Paris XI, la piscine Oberkampf est un établissement privé, toujours en fonction aujourd’hui, qui accueille notamment un public scolaire. Un changement de propriétaire a momentanément interrompu l’exploitation de la piscine entre février 2022 et septembre 2023, faisant craindre un changement de fonction pouvant mener à une dénaturation ou une disparition de celle-ci. Dès 2020, la mairie du 11e arrondissement s’était saisie du sujet en demandant une étude patrimoniale au département de l’Histoire de l’architecture et de l’archéologie de la ville de Paris. En février 2022, la mairie se tourne vers la DRAC pour étudier la possibilité d’une protection de l’édifice au titre des monuments historiques. Après la conduite d’une étude par les services de la DRAC, de nombreux échanges avec le propriétaire actuel, et l’expression d’un avis favorable de la commission régionale du Patrimoine et de l’Architecture, la piscine Oberkampf a été inscrite au titre des monuments historiques le 25 août 2023.
Une des premières piscines hors-Seine parisiennes des années 1880
Après une pratique du bain et de la natation à Paris presque entièrement liée à la Seine et aux canaux, les premières piscines hors-Seine sont créées dans les années 1880. D’initiative d’abord privée, ces établissements comprennent des bains divers (bain de siège, bain complet froid ou chaud, chaleur humide, vapeur sèche, douche), des services médicinaux (hydrothérapie, inhalations, fumigations) et un bassin de natation servant à l’apprentissage et à la pratique sportive. Ils bénéficient de l’eau de condensation des machines à vapeur d’usines ou de gares près desquelles ils s’installent, ou de puits artésiens. Les bassins sont par ailleurs couverts, et donc utilisables toute l’année, ce qui n’était pas le cas auparavant.
Affiche des Bains parisiens de 1887
La piscine Oberkampf ouvre en 1887 sous le nom de Bains parisiens et propose les services de bains à la fois médicinaux et à visée sportive, ainsi qu’un restaurant au bord du bassin. Elle est le 6e établissement de ce type à ouvrir à Paris (le premier étant la piscine de Château-Landon en 1884), avant que la municipalité n’en construise d’autres la décennie suivante. La piscine est située dans un immeuble disposé en fond de cour appartenant à un ensemble abritant un programme mixte mêlant logement et activité commerciale. L’architecte Auguste PERRIN a conçu cet établissement de bains pour Claude-Marie CATHIARD, adjoint au maire du 3e arrondissement, qui loue les lieux à un exploitant. Le bassin est de petite taille, couvert initialement par une charpente métallique à verrière zénithale (au plafond), et partiellement entouré par des cabines.
Vue de l’entrée de la piscine depuis la cour intérieure
Une évolution dans un style empreint d’Art déco vers 1920
Comme les sept autres piscines conçues durant les deux dernières décennies du siècle, la piscine Oberkampf a été modifiée durant les années 1920, période où de nombreuses piscines sont également construites. Son bassin est ainsi agrandi sur le côté, formant désormais un L, forme unique qui résulte des contraintes du lieu ; sa couverture est remplacée par une voûte en pavés de verre, ce qui est peu commun parmi le corpus des piscines parisiennes, et les cabines sont remplacées. Ses modifications sont moindres que la plupart des autres piscines qui lui sont contemporaines. Elle conserve notamment son vestibule d’origine garni de vitraux évoquant la destination des lieux, une cheminée dans la cour et la couverture mise en place dans l’entre-deux guerres. Son bassin d’origine est toujours bien lisible malgré l’ajout de la partie en retour d’équerre, et ses dimensions n’ont pas été affectées par les nouvelles normes mises en œuvre ailleurs à partir des années 1920. Elle est un témoin des premières piscines parisiennes et des évolutions qui furent les leurs par la suite.
Vue intérieure de piscine avec les cabines surplombant le bassin en forme de L
Au-delà des affiches diffusées dans les années 1880, qui sont une des rares sources figurées sur cette période, Louis Aragon évoque les lieux tels qu’il a pu les connaître, dans le chapitre 21 de son roman Aurélien, publié en 1944, et dont l’action se déroule vingt ans plus tôt : "Aurélien arrêta sa voiture en haut de la rue Oberkampf, presque aux boulevards extérieurs. […] Il y avait alors très peu de piscines à Paris. […] C’était un boyau d’eau verte, assez propre, bien éclairé, faisant sur le côté un coude avec une branche latérale pour le petit bain, où allaient les enfants et les gens qui ne savent pas nager. […] Il plongea. […] Il se donna en fermant à demi les yeux l’illusion de l’immensité."
Un des vitraux du vestibule
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