Marseille 2e - La Tourette - groupe VIII
- département : Bouches-du-Rhône
- commune : Marseille
- appellation : La Tourette - groupe VIII
- adresse : square Protis
- auteurs : André LECOMTE (architecte en chef), René EGGER, Fernand POUILLON (architectes)
- date : 1948-1952
- protection : édifice non protégé
- label patrimoine XXe : Commission régionale du patrimoine et des sites du 28 novembre 2000
L'ensemble de La Tourette s'inscrit dans le cadre de la reconstruction du quartier du Vieux-Port. Dans un contexte de pénurie de matériaux et inflationniste Fernand Pouillon parvient à faire une opération aux prestations de qualité et à coût réduit. Le programme est de 260 logements avec, comme partout ailleurs sur le Vieux-Port, commerces et garages prévus au rez-de-chaussée. Cette opération sera appréciée par les sinistrés et le ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme, ce qui vaudra à l'architecte d'autres chantiers (immeubles du quai du port à Marseille, cité des Sablettes à La Seyne, vieux port de Bastia) et le titre d'"architecte-conseil du M.R.U." pour les départements du Vaucluse, des Basses-Alpes et des Hautes-Alpes. L'opération est livrée presque en même temps que l'Unité d'habitation de Le Corbusier, avec un appartement témoin équipé de mobilier issu des ateliers de Jean Prouvé.
Fernand Pouillon (1912-1986) fait ses études dans le cadre de l'Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts à Marseille et à Paris. La période de la guerre lui permet de rencontrer Eugène Beaudouin à Marseille, et celle de la reconstruction Auguste Perret. Il retient du premier un art de la composition urbaine et des espaces publics, et du second l'importance de la maîtrise de la structure et de la construction ainsi qu' un goût pour le mariage de la modernité et du classicisme, l'actualisation de la tradition. Son écriture et sa démarche s'affirment dans ses premiers grands chantiers d'après-guerre à Marseille et à Aix-en-Provence. Son œuvre, très abondante, se poursuit ensuite en Algérie, en Iran et en Île-de-France.
Rejeté par les censeurs du Mouvement Moderne, honni, critiqué et emprisonné pour sa démarche critique vis-à-vis du monde du bâtiment (et de la spéculation) dans les années 1960, la qualité de son œuvre et la validité de sa pensée sont aujourd'hui reconnues.
René Egger est associé à Fernand Pouillon entre 1944 et 1953. Son œuvre ultérieure est liée aux commandes des ministères de l'Education nationale et de la Santé.
L'ensemble de La Tourette se présente comme un îlot moderne qui couronne le site reconstruit du quartier du Vieux-Port. Contrairement à l'ordonnance monumentale du quai du Port, qui viendra plus tard, l'enjeu était ici de réussir un morceau de tissu banal, placé cependant dans une position stratégique : écran contre le mistral et définition de la nouvelle "skyline" de la vieille ville entre les forts et le clocher des Accoules.
Les architectes s'en acquittent superbement tout en organisant le plan de masse autour d'un cours qui ne sera malheureusement pas planté. D'esprit intemporel, simultanément moderne et traditionnel, cet ensemble architectural surprend par l'évidente simplicité et sensibilité de sa facture nouvelle. Au crédit de la modernité : les typologies de barres et de tour ; l'utilisation systématique de trames pour rationaliser la construction ; l'adoption du dispositif de loggia...
Au crédit de la tradition réinventée : la pierre (en placage sur la première tranche et en blocs pleins sur la seconde) utilisée ici comme un composant industriel ; les éléments de décor qui réinterprètent la tradition méditerranéenne (claustras en céramique, moucharabiehs en bois, sculptures de Jean Amado d'esprit moderne archaïque, bourrelets en pierre qui marquent les niveaux...).
- Rédacteur : Jean-Lucien Bonillo, ensa Marseille, 2002
- Source : 20 monuments du XXème siècle, exposition patrimoine moderne en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, eaml, 2002
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