La cathédrale de Saint-Étienne de Toulouse, propriété de l’État, conserve un bel ensemble d’une trentaine de tapisseries affectées au culte. Datant du XVIe au XVIIIe siècles et classées au titre des Monuments historiques en 1897, ces tapisseries figurent dans l’inventaire dressé suite à la séparation des Églises et de l’État de 1905.
Le sauvetage d’une prestigieuse collection
En 2000, douze d’entre elles étaient encore exposées sous le buffet d’orgue, dans le chœur, le transept ou la nef. Certaines étaient restées pliées dans un placard humide de la sacristie. Mais, souffrant de déformations dangereuses et de déchirures liées aux modes d’accrochage, de salissures causées par des dépôts de poussière ainsi que de décolorations dues à une exposition permanente à la lumière, elles ont dû être déposées il y a une douzaine d’années.
De longs travaux de conservation pour un patrimoine fragile
Ces œuvres fragiles ont fait l’objet d’opérations pluriannuelles de conservation préventive et, pour certaines, de restauration, surtout depuis une quinzaine d’années.
Des restaurateurs qualifiés sont intervenus sur ces collections : l’entreprise Chevalier conservation (Aubusson et Paris), Montaine Bongrand restauratrice spécialisée dans les tapisseries, et Nadège François, restauratrice de textiles installée à Toulouse.
Aujourd’hui, après traitement, les œuvres ont été photographiées, montées sur rouleaux et stockées à l’abri de la lumière et des insectes, dans des lieux adaptés, sécurisés et contrôlés sur le plan de la température et de l’hygrométrie.
En 2015, une étude spécifique a été commandée par la Direction régionale des affaires culturelles à François Lunardi, spécialiste de soclage d’œuvres d’art, associé à Montaine Bongrand, restauratrice, pour étudier un système d’accrochage sans dommage pour les tapisseries.
De plus, afin qu’elles bénéficient d'un temps de repos assurant leur bonne conservation, une présentation de quatre à six tapisseries a été envisagée une ou deux fois par an à l'occasion de certains moments liturgiques, notamment lors des fêtes de Pâques et de Noël (qui intègrent la fête de saint Étienne).
Ces travaux de pose et de dépose nécessitent l’intervention de personnes qualifiées lors de chaque roulement, pour contrôler l’état des œuvres et superviser les manipulations.
Un groupe de travail s’est réuni en 2015 associant les services de l’État, l’inspection générale des monuments historiques et les représentants du clergé affectataire, pour réaliser une sélection prioritaire de tapisseries à présenter dans les stalles en fonction de leur état et de leur iconographie.
La tenture de la Vie de saint Étienne : une œuvre majeure
Les quatre pièces murales présentées ici font partie d’une série de huit tapisseries (ou tenture) illustrant la Vie de saint Étienne, commandées en 1608 par Jean Daffis, évêque de Lombez et prévôt du chapitre de la cathédrale Saint-Étienne.
Il est à noter que le mobilier du chœur de la cathédrale a été détruit par l’incendie de 1609 et que cette tenture, commandée en 1608 avant l’incendie, a pu prendre place dans la nouvelle organisation du chœur après les travaux qui suivirent l’incendie.
Jean Daffis fit d’abord appel, pour cette commande, à Philippe Mercier, "maître tapissier de la ville d’Aubusson". La première livraison n’ayant pas donné satisfaction, Jean Daffis fit une nouvelle commande à Jean Dumazet, maître tapissier natif de Montauban, habitant Castillon, diocèse de Lombez (Gers), le 17 juin 1609. Jean Dumazet installa son atelier dans l’Hôtel de la Prévôté où il œuvra pendant plusieurs années.
Elles illustrent des épisodes marquants de la vie du saint :
- L’Ordination de saint Étienne (côté nord, à droite vers le chœur),
Au centre de la composition, saint Pierre tient les clefs dans sa main gauche et impose la droite sur la tête de saint Étienne agenouillé devant lui. À l’arrière de saint Étienne se tiennent les six autres diacres agenouillés et derrière saint Pierre, les apôtres. - La Lapidation de saint Étienne (côté sud, à gauche, vers le chœur),
Cette scène représente le martyre de saint Étienne : il est agenouillé au sol, les bras ouverts et encerclé par ses bourreaux qui lui jettent des pierres. Le Christ lui apparaît dans une nuée en haut à droite de la scène tandis qu’à gauche, Saül assiste, consentant, à la lapidation. - L’Ensevelissement de saint Étienne (côté sud, à droite, vers la nef),
La scène se passe dans un paysage champêtre en arrière plan, dont la douceur contraste avec le thème de l’ensevelissement du corps au premier plan. En arrière plan, on aperçoit la ville de Jérusalem. - La Translation des reliques de saint Étienne (côté nord, à gauche, vers la nef).
La tapisserie illustre le transport des reliques de saint Étienne vers l’église de Sion lors d’une grande procession précédée de nombreux chanoines en blanc. À gauche, on aperçoit une partie du tombeau (sarcophage) vide.
Les autres tapisseries de ce cycle, illustrant les miracles du saint, sa prédication et sa condamnation ne sont pas encore restaurées et n’ont pas pu être présentées cette année. Une autre pièce, restaurée et non présentée, illustre une scène plus secondaire : l’apparition en rêve de Gamaliel, au prêtre Lucien, pour lui révéler où se trouve le corps de saint Étienne.
Ces tapisseries sur métier, en laine et soie, qui mesurent 2 m de hauteur et près de 5 m de largeur, ont été créées pour être présentées dans les stalles.
Au-delà de l’iconographie religieuse, elles présentent des scènes vivantes et colorées, chargées de nombreux personnages richement vêtus et de riches décors, dont le détail des fonds, des arbres ou des éléments d’architecture témoignent de la prouesse technique des maîtres tapissiers de ce tout début du XVIIe siècle. Chacune est dotée d’une longue inscription, au bas de la tapisserie, décrivant l’iconographie de la scène ainsi que des armoiries de l’évêque de Lombez : "D’argent à la bande de gueules chargée de trois rosettes d’or, tenues par un diacre et timbrées d’une mitre et d’une crosse".
Coût des travaux
Les travaux de conservation, de restauration, de mise en sécurité des meubles de conservation, d'études et de fabrication du système d'accrochage s'élèvent, sur une période d'une quinzaine d'années, à 172 000 euros pris en charge par la Drac (Conservation régionale des monuments historiques)
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