Le coffre reliquaire est original dans sa forme ainsi que dans ses dimensions. Il s’agit d’une cuve de pierre, composée de quatre plaques assemblées, mesurant 1,83 mètre de long et 70 cm de hauteur. Le socle et le couvercle d’origine sont aujourd’hui perdus, toutefois les côtés sont finement sculptés de seize scènes illustrant la vie du Christ. La Nativité, l’Adoration des mages, l’Entrée à Jérusalem ou encore la Crucifixion ou l’Ascension sont figurées sous des arcades en plein-cintre, s’ouvrant grâce à de souples tentures sculptées dans la pierre. Ces scènes sont encadrées de deux frises décoratives, d’architectures en partie haute et de palmettes en partie basse, rappelant d’autres œuvres contemporaines. Quelques traces de polychromie anciennes laissent, enfin, imaginer l’aspect chatoyant que devait revêtir l’objet à l’époque de sa création.
Ce coffret reliquaire, de par sa qualité et son exposition au sein de l’abbatiale de Fécamp, interroge et suscite des débats depuis le XIXe siècle. Assez rapidement daté du XIIe siècle grâce à ses parentés avec d’autres œuvres de la même époque, sa fonction pose encore aujourd’hui question. Les érudits du XIXe siècle y ont successivement vu un sarcophage destiné à l’inhumation d’un abbé du monastère de Fécamp, tandis que d’autres y voyaient un reliquaire. Or, la distinction est importante. Un sarcophage est destiné à recevoir un corps entier, afin de procéder à son inhumation. Tandis qu’un reliquaire abrite des fragments de corps saints, tels que des os, du textile ou des cheveux. Les études de Sara E. Jones de 1985[1] et de Katrin Brockhaus en 2005[2] apportent de nouveaux éléments, essentiels pour expliquer la disposition du coffre dans le chœur de l’abbatiale et l’importance de sa réinstallation, opérée par la mairie de Fécamp et la CRMH Normandie.
Ces études établissent, d’abord, que le coffre serait bien un reliquaire et non pas un sarcophage, à la lumière de ses dimensions. Mesurant 1m83 de long mais seulement 48 cm de large, celui-ci serait trop étroit pour accueillir un corps entier. Ensuite, qu’il serait lié à un événement important dans l’histoire de l’abbaye de Fécamp : la translation des corps des saints Flavien, Conteste, Sens (ou Sidoine) et Affre et des saintes Perpétue et Geneviève, le 3 mars 1162. Décrite dans un poème écrit à Fécamp au XIIIe siècle, le Poème français de Madrid, cette cérémonie s’est déroulée en présence du roi Henri II, roi d’Angleterre et duc de Normandie, de Henri de Pise, légat apostolique et de nombreux évêques, nobles et clercs de la région. Aujourd’hui vide, le coffre a en effet été remplacé par un autre reliquaire commandé par Antoine Bohier au XVIe siècle, démonté et ses panneaux exposés les uns à côté des autres et scellés dans le mur d’une chapelle du déambulatoire[3].
C’est une nouvelle page de son histoire qui s’écrit en 2023 puisque la mairie de Fécamp, accompagnée de la DRAC Normandie, de l’architecte du patrimoine Virginie Leca et des entreprises Legrand, restaurateur de sculpture et Deconihou, ferronnier d’art, a entrepris la réinstallation du coffre dans le chœur de l’église abbatiale. Plusieurs questions se sont alors posées : quel emplacement choisir pour l’œuvre ? Quels dispositifs de sécurité imaginer pour la protéger tout en l’offrant à la vue des fidèles et des visiteurs ? Comment assurer l’accès de l’objet au plus grand nombre malgré son emplacement dans le chœur ? Le choix de positionner les panneaux dans le chœur s’est rapidement imposé, puisque leur présentation dans un mur d’une chapelle ne permettait pas une bonne compréhension de l’objet et de sa fonction originelle. Un socle a donc été imaginé afin de lui redonner sa forme et d’en sécuriser les quatre côtés. Afin de protéger le reliquaire, posé près du sol, une lisse en métal a été réalisée, de couleur noire afin de s’harmoniser au mieux avec les ferronneries des grilles du chœur. Le couvercle, plus récent que l’objet, sera fixé et patiné afin de mieux s’intégrer à l’ensemble.
Le retour des objets et du reliquaire du Précieux Sang en septembre et la réinstallation du coffre en décembre 2023 marquent donc la fin d’une année riche pour l’église abbatiale de Fécamp.
[1] Sara E. Jones, « Les reliefs du XIIe siècle de l’abbaye de Fécamp : nouvelle preuve de leur datation et leur destination », Annales du Patrimoine de Fécamp, n°2, 1995. Merci à Virginie Sampic pour l’indication de ces sources bibliographiques.
[2] Katrin Brockhaus, « Le prétendu sarcophage des ducs, nouvelle hypothèse sur sa fonction d’origine », Annales du patrimoine de Fécamp, n°17, 2010.
[3] Jean-Pierre Durand-Chédru, « Note à propos du coffre funéraire de l’abbatiale de Fécamp », Annales du patrimoine de Fécamp, n°23, 2018.
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