Cette édition anniversaire s'annonce riche en découvertes et en émotions, marquant un jalon majeur pour cette manifestation emblématique. Grégory Tilhac, directeur artistique de l’événement culturel, se réjouit de cette longévité : "30 ans déjà ! À l’occasion de cette édition anniversaire, on peut dresser un bilan très positif : "Chéries-Chéris" n’a cessé de gagner au fil des années en ambition, en notoriété et en succès public". L’année dernière, le festival a rassemblé plus de 17 000 spectateurs, confirmant sa place unique dans le paysage culturel français.
"Chéries-Chéris" a su traverser les années en promouvant un cinéma libre et émancipateur, avec toujours en ligne de mire la liberté individuelle et collective. "Depuis ses débuts, et aujourd’hui plus que jamais peut-être, le cinéma joue un rôle essentiel dans nos regards sur nous-mêmes, nos émancipations, nos libérations individuelles et sociales", rappelle Grégory Tilhac. Pour cette édition 2024, l’équipe a concocté une programmation d’envergure avec pas moins de 74 longs-métrages et 77 courts-métrages venus des quatre coins du monde, la majorité étant inédits en France. Treize longs métrages concourent en compétition fiction, douze longs métrages pour la section documentaire.
L’édition de cette année s’ouvre avec "Mika ex machina", un film lesbo-queer signé Mika Tard et Déborah Saïag, présenté en première mondiale. Ce film-enquête qui emprunte à la fois à la comédie, au thriller et au cinéma vérité est un exemple parfait de cette effervescence cinématographique propre à "Chéries-Chéris". "Egoist" de Daishi Matsunaga, quant à lui, est un mélodrame romantique gay présenté en première européenne en clôture du festival".
D’autres moments forts permettront de découvrir "Young Hearts" d’Anthony Schatteman, un tendre coming of age belge lumineux et "Crossing Istanbul" de Levan Akin, qui rompt avec les clichés misérabilistes pour dépeindre la réalité des personnes trans.
Cette année encore, le festival explore les multiples facettes des réalités LGBTQIA+, dans un contexte où, malgré des progrès notables, la représentation reste limitée. "À l’aune de l’avancée des droits LGBT en France, on nous pose parfois la question si Chéries-Chéris a encore une raison d’exister et s’il a encore des combats à mener", constate son directeur artistique. La réponse est claire : "Des progrès ont été accomplis dans la société en matière de droits mais les discriminations et les violences persistent, et les représentations ne sont toujours pas suffisantes dans les médias." Le festival s'incarne comme un lieu où les voix marginalisées peuvent se faire entendre, tout en célébrant l’universalité des valeurs humaines. Pour Grégory Tilhac, cet engagement est aussi une invitation ouverte, car "tout le monde est le bienvenu à Chéries-Chéris".
Présenté il y a 30 ans lors de la première édition de Chéries-Chéris, "Go Fish" réalisé parRose Troche fait figure de film pionnier.
Il se distingue par son ton libre et son intrigue libérée des trames dramatiques faites d’ostracisation et de coming-out douloureux. Rose Troche (The L Word), fraîchement diplômée d’école de cinéma, et Guinevere Turner, jeune scénariste (American Psycho) et actrice (The Watermelon Woman), sont alors motivées par l’absence de représentation de la culture lesbienne qu’elles connaissent à Chicago. Elles s’appuieront sur leur communauté artistique pour faire un film décomplexé, dont l’intrigue minimaliste permet l’expression d’un quotidien lesbien peu documenté. Christine Vachon les soutiendra pour produire ce film, aujourd’hui au panthéon du "New Queer Cinema" des années 90.
La projection est suivie d’une rencontre avec Rose Troche, Guinevere Turner, VS Brodie, Anne Crémieux, professeur de civilisation américaine à l'université Paul Valéry Montpellier 3, spécialisée en minorités, genre, sexualité et Anne Delabre, journaliste, autrice et programmatrice du ciné-club Le 7e genre
En avant-programme : EXIT (2000. 4'30") d'Anna Albelo dite La Chocha. Avec : Axelle Le Dauphin - La fin d'une histoire d'amour. Présenté à Chéries-Chéris en 2000. Samedi 16 novembre 15h50, MK2 Beaubourg
Avec "L’Homme blessé" (1983), son troisième long métrage, Patrice Chéreau réalise son film le plus radical et personnel. Influencée par Jean Genet, Fassbinder, Pasolini ou encore Dostoïevski, l’œuvre dérange à l’époque par sa vision de l’homosexualité – vécue dans la souffrance et la marginalité – et ses personnages condamnés par la passion.
Pourtant le cinéaste subjugue dans sa manière de traiter, entre tendresse brute et quête d’une pureté impossible, l’"amour envahissant". Sur un brillant scénario coécrit avec Hervé Guibert (récompensé d’un César), il développe, avec un lyrisme sombre, des thèmes forts : la complexité du passage de l’adolescence à l’âge adulte, le premier émoi adolescent, le trafic des sentiments, l’amour discordant… Les décors, choisis avec soin (la gare déserte, les toilettes comme lieu de drague), continuent à exercer la fascination, de même que l’interprétation de Vittorio Mezzogiorno, Roland Bertin et surtout de Jean-Hugues Anglade, admirable d’intensité fiévreuse et de lâcher-prise dans son premier grand rôle.
La projection est suivie d’une rencontre avec Jean-Hugues Anglade, Jean-Marie Charuau, l’assistant personnel de Patrice Chéreau pendant quinze ans, et Anne Delabre, journaliste, autrice et programmatrice du ciné-club Le 7e genre
Les thèmes explorés cette année sont toujours nombreux et variés : de l’amitié à la parentalité queer, en passant par la déconstruction du genre, l’accueil des réfugiés LGBTQIA+ en Europe ou encore la sexualité des seniors. Parmi les œuvres en compétition, le festival met en avant "Slow", un film lituanien qui aborde avec finesse l’asexualité, un sujet encore rarement exploré au cinéma.
Pour Grégory Tilhac, cette richesse thématique illustre un mouvement plus large : "Les cinéastes promeuvent de plus en plus l’idée de "fluidité" à tous les niveaux : fluidité du genre, de l’orientation sexuelle, mais aussi au niveau des formes cinématographiques". Cette fluidité est au cœur de l’expression cinématographique de cette édition, où l’audace narrative flirte avec les genres pour mieux les transcender. Avec "Tout ira bien", drame subtil et émouvant, couronné du Teddy Award à la Berlinale 2024, Ray Yeung poursuit son exploration lumineuse des réalités de la communauté queer senior, après le succès d'"Un printemps à Hong-Kong". Chaque plan de ce mélodrame réaliste est empreint d’une douceur infinie, capturant à la fois la lumière, la tendresse et une cruauté sous-jacente, dépeinte avec une sensibilité exquise. Pour "Concerning My Daughter", adapté du roman de Kim Hye-Jin, le premier long métrage de Lee Mi-Rang se révèle comme une fresque poignante et esthétiquement maîtrisée qui interroge les fractures de la société sud-coréenne contemporaine. Il pose un regard audacieux sur des sujets sensibles tels que les droits des personnes LGBT+ et la condition des personnes âgées en maison de retraite. Bien plus qu’un plaidoyer social, il devient un hommage à la capacité de comprendre l'autre, célébrant discrètement les soignants, les amoureux, et les mères, tout en explorant la complexité des liens interpersonnels dans une société en pleine mutation.
À l’occasion de cet anniversaire, Grégory Tilhac adresse également un hommage vibrant aux nombreux cinéastes qui ont marqué "Chéries-Chéris" depuis sa création. Citant des noms tels que Derek Jarman, François Ozon, Gregg Araki et Sean Baker, lauréat de la Palme d’Or 2024, il exprime toute sa gratitude envers ceux qui ont contribué à faire du festival ce qu’il est aujourd’hui.
Le 30e Chéries-Chéris promet donc une programmation éclectique et engagée, reflétant la vitalité d’un cinéma LGBTQIA+ en constante évolution, et rappelant avec force l’importance de ce rendez-vous culturel. Ce festival n’est pas seulement une célébration de la diversité, mais un espace de dialogue et de découverte, où chacun est invité à se retrouver, à réfléchir et à rêver.
"Chéries-Chéris" dans les cinémas MK2 Beaubourg, MK2 Quai de Seine et MK2 Bibliothèque
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