En quoi consiste la mission de contrôle scientifique et technique de la DRAC ?
Le contrôle scientifique et technique de l’État sur les monuments historiques est régi par le Code du patrimoine et est exercé par la DRAC qui le coordonne. Il permet de s’assurer que les interventions, de quelque nature qu’elles soient, garantiront leur conservation et leur transmission aux générations futures tout en préservant l’intérêt qui a justifié leur protection.
La première action est d’analyser les différents projets proposés par la maîtrise d’œuvre, comprenant les études historiques, techniques et scientifiques, commandés par l’Établissement public chargé de la restauration de Notre-Dame de Paris, maître d’ouvrage. Le Laboratoire de recherche des monuments historiques peut être associé.
Cette phase de diagnostic peut nécessiter des investigations archéologiques, scientifiques afin de préciser les préconisations adaptées (tests de nettoyage, étude de polychromie, etc.). La Commission nationale du patrimoine et de l'architecture (CNPA) a été consultée plusieurs fois afin d'avaliser l'état de référence : celui hérité de la restauration d'Eugène Viollet-le-Duc. Les projets ainsi aboutis ont fait l'objet de plusieurs autorisations de travaux délivrées par la DRAC.
Un suivi au quotidien des étapes-clés de la restauration
Au sein de la DRAC Île-de-France, Marie-Hélène DIDIER, conservatrice générale des monuments historiques, assure ce contrôle scientifique et technique.
Le premier dossier remis a été l’étude d’évaluation présentée en CNPA qui a acté le 9 juillet 2020 la restauration à l’identique de la flèche de Viollet-le-Duc et de sa toiture en plomb ainsi que l’utilisation du bois pour la charpente. Le diagnostic concernant cette dernière a été présenté le 25 mars 2021 et a voté une restitution raisonnée de la charpente prenant son essence dans la charpente médiévale, expurgée de toutes les scories ajoutées par les siècles et ne conservant que les ajouts nécessaires à sa pérennité. La restauration du grand orgue a aussi été présentée en Commission nationale le 4 février 2021. Chacun de ces projets a été analysé par la DRAC et présenté devant le comité du contrôle scientifique et technique.
Des avis et autorisations donnés au fur et à mesure de l’avancement du chantier
La DRAC a d’abord été amenée à rendre son avis sur l’étude de diagnostic générale établie à la suite de l’incendie (avis groupé portant notamment sur les voûtes et murs bahuts ; les pignons du grand comble ; les baies et chemins de ronde, les vitraux ; le projet d’extension de l’orgue de chœur ; l’étanchéité des parties basses ; la clôture de chœur ; les garde-corps des tribunes ; les beffrois ; la reconstruction de l’horloge et les nouvelles sonneries pour la flèche), puis sur l’étude de diagnostic de la charpente du grand comble, sur l’étude relative à la restitution des couvertures en plomb et sur l’aménagement du monte-charge depuis la crypte Soufflot.
Les autorisations de travaux ont concerné :
- La sécurisation et sauvegarde suite à l'incendie du 15 avril 2019
- La décontamination des sols et aspiration des parois verticales, des plafonds et des voûtes
- La réalisation de tirants en consolidation de la tribune sud de la nef
- Le dessalement des voûtes hautes
- Le nettoyage intérieur, baies hautes et sacristie - Mise hors d'eau
- La restauration des maçonneries incendiées et restitution des charpentes en chêne dans la zone flèche / transept
- La restauration intérieure en accompagnement des lots techniques et aménagements liés au programme de reconstruction à la suite de l'incendie
- La restitution du second-œuvre, des couvertures et décors de la flèche et des bras de transept (DAT3A) ; Restitution des couvertures du grand comble, achèvement du hors d'eau (chœur et nef) (DAT5B)
- L’aménagement d’un monte-charge dans la chapelle Sainte-Anne
- La restauration du beffroi nord
- La nouvelle scénographie du trésor dans la sacristie
- La conception et l’installation d'une nouvelle châsse-reliquaire pour la Couronne d'épines
- La restauration et aménagement du parcours de visite du massif occidental
- L’aménagement intérieur de 2 chapelles de confession
- L’aménagement intérieur - repose et adaptation de deux clôtures Viollet-le-Duc
- Le parcours de visite du massif occidental de la cathédrale - aménagement scénographique de la salle basse de la tour Sud
- L’aménagement de la chapelle Saint-Guillaume - installation d'un nouvel autel pour la garniture de Viollet-le-Duc et intégration du grand crucifix en bronze du baptême du Prince impérial
- Les travaux de restauration des cloches des beffrois Nord et Sud
Mais la mission de CST ne s’arrête pas là : elle se poursuit tout au long du chantier avec un suivi régulier de l’avancée des travaux. Comme le précise Marie-Hélène DIDIER : "A Notre-Dame, ce n’est un chantier, mais une multitude de chantiers menés simultanément, que ce soit pour la restauration des voûtes, ou pour la restauration de la décoration intérieure, avec les chapelles dès 2020 qui ont nécessité un énorme travail de préparation."
La restauration de deux chapelles, test dès 2020
Il a été souhaité par la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre de réaliser grandeur nature deux chantiers de restauration de deux chapelles et de leur travée attenante : la chapelle Notre-Dame-de-la-Guadalupe, située côté nord de la nef, chapelle sans décor peint, et la chapelle Saint-Ferdinand au décor peint, ouverte sur le déambulatoire. Le but était d’établir un protocole de restauration et d’évaluer le temps de sa mise en œuvre afin de préciser le diagnostic de la maîtrise d’œuvre. La DRAC a participé activement à ces restaurations.
Le Laboratoire de recherches des monuments historiques (LRMH) a été également fortement impliqué dans le projet. La chapelle Saint-Germain restaurée en 2018 sous la maîtrise d’ouvrage de la DRAC a servi de base de réflexion. Les peintures murales de la chapelle Saint-Ferdinand, dessinées par Eugène Viollet-le-Duc, ont retrouvé tout leur éclat d’origine. Marie-Hélène DIDIER explique : "Elles étaient en bon état sous la crasse accumulée au fil des ans hormis les parties altérées par des fuites d’eau anciennes. La travée du bas-côté de la nef attenante à la chapelle Notre-Dame-de-la-Guadalupe a révélé sur sa clef de voûte des vestiges de fleurs de lys dorées sur un fond bleu, sans doute hérité d'un décor de fête (mariage ou baptême princier dans la première moitié du XIXe siècle). Les fleurs des grilles ont révélé l’éclat de leur dorure."
Ces deux chantiers ont montré que la cathédrale recèle de nombreux éléments inconnus qui ont fait l’objet d’un relevé précis et accroissent la connaissance technique et historique de l’édifice.
La DRAC Île-de-France est très attentive à ces recherches. Il en est de même de la sculpture des chapiteaux qui réapparaît dans toute sa qualité. Le vitrail de la chapelle Saint-Ferdinand, de l’époque de la restauration de Viollet-le-Duc, a été aussi entièrement restauré en atelier.
Son nettoyage a remis en valeur la qualité de création et picturale de ces vitraux indissociables du projet global de restauration de la cathédrale réalisé par Viollet-le-Duc, chaque vitrail de chaque chapelle étant différent. Le nettoyage de la pierre a fait également l’objet de protocoles comparatifs de différents produits existant sur le marché ainsi que dans l’utilisation du laser.
La restauration a déployé ces protocoles sur l'ensemble de la cathédrale révélant ainsi des trésors inédits. L'ensemble de la pierre a retrouvé sa blondeur, que seul Viollet-le-Duc avait sans doute déjà connu. Les parties détruites ont été reconstruites à l'identique en particulier la voûte de la croisée du transept mettant en valeur le savoir-faire des entreprises monuments historiques françaises. A cela s'ajoute la restauration des luminaires et en particulier des lustres qui éclatent désormais de leur couleur dorée. Il en est de même des grilles du chœur. Ce dernier lui-même est un bijou de raffinement avec son sol de marqueterie de marbre, ses stalles, son maître-autel, ces statues du vœu de Louis XIII. Ces différents éléments ont fait l'objet de restaurations simultanées nécessitant un œil attentif et permanent afin de pouvoir répondre aux choix techniques et esthétiques qui se présentaient toutes les semaines. Il en est de même des restaurations de l'ensemble des peintures murales de Viollet-le-Duc et de l'intérieur remarquable de la sacristie, unicom de complémentarité: architecture, sculpture, peintures, mobilier e particulier les vitrines du trésor, , ferronnerie, objets religieux de première importance.
Marie-Hélène DIDIER a été frappée au fil de ce 5 années par l’inventivité d’Eugène Viollet-le-Duc : "C’est un précurseur de l’art nouveau assez exceptionnel, car l’on retrouve des fleurs de lys semblables à celles des stations de métro, 40 ans plus tard. Et l’on a la même créativité sur l’orfèvrerie dont les motifs évoquent très directement l’art nouveau. Le nettoyage a permis de faire le lien entre les motifs et les matériaux. Les découvertes sur les couleurs, recouvertes d’une crasse uniforme marron, ont été formidables, de même que la découverte des larmes de la Vierge Marie sculptées dans la pierre".
Ces découvertes ont permis d’approfondir la connaissance de l’édifice et d’en restituer tout l’éclat lors des phases de restauration.
Pleinement investie dans ses missions patrimoniales, la DRAC Île-de-France a ainsi pu accompagner au mieux l’ambitieux projet de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
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