Le squelette presque complet d’un mammouth a été mis au jour à Changis-sur-Marne, en Seine-et-Marne, le 6 novembre 2012. Une telle découverte, dans son contexte d’origine, est exceptionnelle en France, puisque seuls trois spécimens ont été exhumés en 150 ans : le premier en date, le mammouth « de Choulans », avait été trouvé à Sainte-Foy-lès-Lyon en 1859.
Détail des ossements du mammouth : les deux omoplates
Mammuthus primigenius. Ce mammouth est probablement un Mammuthus primigenius, le mammouth laineux, dont l’une des caractéristiques est d’être doté de longues défenses utilisées pour dégager le fourrage de sa gangue de neige. Pouvant atteindre 2,80 à 3,40 mètres au garrot, il est recouvert de poils et d’une épaisse couche de graisse. Il évolue généralement dans un paysage de steppe herbeuse. L’espèce a vécu en Eurasie et en Amérique du Nord. Le mammouth de Changis-sur-Marne aurait vécu entre 200 000 et 50 000 ans avant notre ère ; c’est donc un contemporain de l’Homme de Néandertal. Bien acclimaté aux régions froides, le mammouth disparaît d’Europe occidentale il y a 10 000 ans, à la suite du réchauffement climatique, le dernier spécimen s’éteignant au large du détroit de Béring il y a 3 700 ans.
Vue du fragment de crâne du mammouth
L’homme et le mammouth. La fouille actuelle permettra de préciser l’âge du proboscidien (mammifère à trompe) et, peut-être, les circonstances de son décès – noyade ou envasement sur quelque berge de la Marne, chasse – et s’il a fait l’objet d’un charognage par des prédateurs ? La découverte d’un éclat de silex, en relation directe avec le pachyderme, montre l’intervention de l’homme sur la carcasse. Une étude tracéologique du silex déterminera son usage ; une étude archéozoologique détectera les éventuelles traces de découpe sur les os de l’animal. La découverte de Changis-sur-Marne est exceptionnelle, car l’association de l’homme et du proboscidien n’est avérée que sur deux sites du Paléolithique moyen en Europe de l’Ouest : Lehringen et Gröbern en Allemagne. À ceux-ci s’ajoute le site de Ranville, dans le Calvados, où un éléphant antique (Elephas antiquus) a été charogné il y a environ 220 000 ans. Enfin, les fouilles de Tourville-la-Rivière, en Seine-Maritime, ont révélé, en 2010, des aurochs, des chevaux, des ours, des lions et des panthères charriés il y a 200 000 ans par la Seine. Face à cette manne, des pré-Néandertaliens, fins connaisseurs de leur territoire, avaient opéré des prélèvements de matières animales (viande, tendons, peaux…). Dans un proche avenir, archéologues et paléontologues devront comprendre si le mammouth de Changis a été abattu par des Néandertaliens, ou si ces derniers ont charogné l’animal après un décès naturel. Cette découverte contribuera au débat qui anime la communauté scientifique autour de la capacité prédatrice de l’homme de Néandertal. L’ultime enjeu porte sur la datation précise de l’événement, par des méthodes radiométriques et chronostratigraphiques.
Dégagement des ossements du mammouth
La fouille de Changis-sur-Marne. L’animal a été découvert dans une carrière de Changis-sur-Marne, à l’occasion de la fouille préventive d’un site artisanal gallo-romain, lui même remarquable. Les premiers ossements sont apparus dans le front de taille de la carrière. Face à l’intérêt de la découverte, la direction régionale des Affaires culturelles (Drac) d’Île-de-France a mis en place une opération de sauvetage, menée conjointement par la Drac et l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), avec la collaboration du Muséum national d’Histoire naturelle à Paris, du laboratoire de Géographie physique du CNRS de Meudon et du groupe CEMEX qui exploite cette carrière. Il s’agit de la première fouille scientifique de ce genre en France. Elle s’achève début novembre.
Le service régional de l’Archéologie (direction régionale des Affaires culturelles d’Ile-de-France). En lien avec ses partenaires (collectivités territoriales, opérateurs d’archéologie), le service régional de l’Archéologie veille à l’application de la législation et de la réglementation sur les fouilles et les découvertes archéologiques. Il prescrit et contrôle les opérations d’archéologie préventive (diagnostics et fouilles). Il lui revient également d’assurer des fouilles programmées et des prospections annuelles en concordance avec les recommandations nationales. Enfin, il contrôle les dépôts de fouilles. Il veille à la publication des résultats des recherches et peut organiser des actions d’animation et d’information du public. Il dispose d’une documentation archéologique actualisée et accessible à tous.
Aménagement : CEMEX, Contrôle scientifique : Service régional de l'Archéologie (Drac Île-de-France), Recherche archéologique : Inrap, Responsable scientifique : Grégory Bayle, Inrap
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