Ce premier temps d’échanges permet de confirmer les partenariats qui ont été scellés entre les accords culturels et ceux de l’habitat social. Ces accords sont formalisés dans un accord-cadre pour la période allant jusqu’en 2023.
Laurent Roturier, Directeur de la Drac relève que : "Dans cet accord, la culture est plus qu’une compétence. Elle est une responsabilité partagée avec celles et ceux de bonne volonté qui veulent s’engager dans le champ de la culture. Je pense à votre organisme qui s’engage avec nous dans une logique de démocratisation culturelle de plus forte solidarité territoriale pour garantir à tous l’accès tout au long de leur vie à une offre culturelle d’une grande qualité."
Laurent Roturier, Directeur de la Drac Île-de-France et Jean-Luc Vidon, président de l’AORIF
De magnifiques projets ont émergé de cette coopération
A Saint-Michel-sur-Orge en Essonne avec la création de ce lion, œuvre monumentale installée dans l'espace public. A Villeneuve Saint-Georges dans le Val-de-Marne avec ces créations de marionnettes géantes et la Compagnie des grandes personnes. A Maurepas dans les Yvelines avec cette école éphémère de cinéma mise en place avec Idéal compagnie. Ces résidences artistiques sont de longues durées. Elles sont cofinancées par les bailleurs sociaux et la DRAC dans ces quartiers qui sont des quartiers prioritaires pour la politique de la ville en lien avec les partenaires de l’État, les préfectures et les collectivités.
© résidence des Grandes Personnes
Le Directeur de la Drac met en exergue le rôle des bailleurs sociaux qui sont des partenaires essentiels dans le développement culturel sans qui la Drac ne pourrait pas agir : "Vous êtes des partenaires essentiels dans ce développement de l'action culturelle avec plusieurs dispositifs qui nous permettent d'agir ensemble. Votre rôle ne se limite pas à la production de logements. Vous intervenez sur le cadre de vie, sur le lien social et à ce titre l'AORIF joue un rôle éminemment actif dans le développement culturel de ces territoires. Trois millions de franciliens bénéficient de logement social et ont ce désir de participer comme nous tous malgré l'éloignement des lieux traditionnels d'accès à la culture."
La structuration des relations de la Drac avec le réseau des bailleurs sociaux est apparue comme une condition indispensable pour le développement et le renforcement de l'action dans ces territoires bien que nous n'agissions pas tout seuls. "Le rôle des collectivités est essentiel. La culture n'appartient à personne, c'est une responsabilité partagée le plus largement possible" a souligné Laurent Roturier et de préciser : "Notre ambition est de contribuer à ce que cette politique commune continue à développer des projets artistiques et culturels au bénéfice de toute la population dans sa diversité. L'accord-cadre signé a pris l'engagement de conjuguer nos efforts et de structurer nos interventions avec tous. Nous allons continuer de développer des actions culturelles en priorité sur les territoires où il y a le plus de besoins. Mais l’État s'engage également à prendre en compte la diversité des territoires, à mieux articuler l’intervention institutionnelle et donc à agir en faveur de l'aménagement culturel du territoire et du développement culturel local. Il permettra une bien meilleure connaissance de ces actions, de favoriser les mises en relations entre les réseaux de la Drac, de l'AORIF et des organismes et de favoriser la coconstruction avec les habitants en s'appuyant sur les ressources des territoires. C'est un véritable enjeu à ce que les habitants et les acteurs locaux soient associés à l'élaboration des projets qui répondront ainsi aux besoins exprimés ou non exprimés."
© AORIF
En termes de moyen : en 2021, la déclination des engagements a permis à la Drac de mobiliser de l'ordre de 100 000 € pour soutenir les projets qui répondaient à ces objectifs.
"En 2022, je peux confirmer que grâce aux moyens que notre Ministre a obtenu au titre du projet de loi de finances 2022, nous pourrons renouveler cet effort, le reconduire en complément de ce que nous faisons également au titre de notre projet culture et lien social afin de renforcer encore l'action culturelle territorialisée." indique le Directeur régional des affaires culturelles.
Action en faveur des artistes et notamment les artistes plasticiens : poursuivre notre action commune
Les artistes et notamment les artistes plasticiens sont aujourd'hui les plus touchés par la situation sanitaire et "nous avons forcément envie de poursuivre notre action commune."
"Il ne peut pas y avoir de présence artistique sans artiste. Or les artistes ont aussi besoin de logements pour vivre, d'ateliers pour créer. La crise sanitaire que nous traversons, les conclusions que le rapport Racine avaient rendues en 2020 ont renouvelé notre regard sur le monde de la création et révélé une situation assez crue, assez cruelle même sur la situation des artistes et des créateurs et des auteurs notamment en Ile-de-France, en démontrant aux yeux de tous la précarité, précarité accentuée par le contexte sanitaire" constate Laurent Roturier.
"S'il existe bien une politique ancienne du Ministère pour améliorer le parcours de la vie artistes, c'est bien également celle que nous mettons en place avec les bailleurs sociaux à travers ces attributions d'ateliers-logements pour des artistes visuels professionnels. Depuis ces accords, 850 ateliers-logements ont pu être attribués avec 42 bailleurs sociaux différents. Ce qui montre l'étendue de ce qui a été fait ensemble, et d'ajouter les 150 ateliers logements que les préfets gèrent dans le cadre des conventions d'APL".
© AORIF
Deux objectifs de cette politique
- Répondre à la demande des artistes
- Faciliter l'installation d'artistes sur toute la région. Particulièrement dans les quartiers prioritaires afin que cette présence artistique contribue à favoriser la mixité sociale et favoriser l'émergence de projets artistiques et culturels au profit des habitants.
Deux expériences présentées illustrent les liens entre cultures, arts et logement social
Toutefois, les deux expériences présentées interrogent dorénavant et plus directement nos politiques publiques. D’une part, elles obligent à questionnerles catégories de l’intervention publique. Depuis la Révolution Française, nos politiques – même si la culture est une politique de service public récente – ont été construites sur un modèle sectoriel, en silo. Leurs croisements se sont traduits sous le modèle du volet : la culture est un volet d’une politique de la ville, l’intervention en direction de publics est un volet d’une politique de la culture, les deux sont des volets d’un programme d’aménagement de la ville. Or, dans les cas présentés comme dans les interventions de la première table ronde, il a été constaté que ces politiques – sociales, culturelles, éducatives – disposent certes d’une valeur sectorielle, l’une valant tout autant que l’autre, mais que leur intersectorialité crée de la plus-value.
La matinée proposée par l’AORIF et la DRAC Ile de France a également souligné comment chaque territoire est différent : avec un atout, celui d’adapter in situ toutes démarches sociales et artistiques ; et une faiblesse, celle de ne pouvoir modéliser un processus et un résultat. Elle montre également la prise de risque que cela engage de toutes les parties prenantes et conséquemment la difficulté d’en émettre un seul et unique "mode d’emploi". Reste que la richesse des échanges de la matinée a fait apparaitre quelques points saillants qui seraient nécessaires à approfondir par la suite.
Un système coopératif en 4D
Les projets présentés se sont construits communément entre des personnes (des habitants), des acteurs (culturels et sociaux) et des artistes. Cela demande en amont une « identification des bons relais », pour reprendre les termes de Jean-François Danis. Cela demande aussi une "mise en relation ", a précisé Vincent Rougeot. Bien que chacun doit être conscient de son rôle et de ses attentes ("bien établir les choses" a-t-il été rappelé), c’est cette mise en dialogue, cet échange réciproque, qui créé des territoires momentanés où chacun communique avec l’autre dans son temps propre et la singularité de son espace avec un fil conducteur qui s’impose : celui de la rencontre. C’est donc un polyptique – un "écosystème" que chaque présence artistique dans un quartier doit avant tout établir avec des parties prenantes en équivalence : le bailleur social, les artistes, les personnes qui habitent le territoire. Mais la matinée a aussi révélé toute la pertinence d’un quatrième acteur : le "passeur" culturel, représenté à Bonneuil par la Maison des Jeunes et de la Culture, à Arcueil Gentilly, par l’association "des ricochets sur les pavés". Cette "partie à quatre" demande alors de cheminer ensemble pour apprendre à se connaitre, avoir envie de faire route ensemble, construire communément, chacun dans sa responsabilité, ce qu’il y a à partager. Appréhender la participation des personnes dans un processus qu’il soit à vocation culturelle, artistique et/ou sociale, exige de s’interroger sur la place de chacun, de « ne pas arriver en conquérant » comme l’a souligné Fabrice Guillot, Chorégraphe et directeur artistique de la Compagnie Retouramont, voire même peut être de savoir abdiquer de sa puissance. Le processus qu’engage ces projets est donc tout aussi important que les résultats dont la marge "d’inattendu" a été noté par plusieurs participants.
Une présence artistique dans la durée
© résidence des Grandes Personnes
D’où l’importance de la durée des présences artistiques. Si les tables-rondes ont su éviter l’écueil de chercher à la mesurer, tous les participants se sont entendu sur le besoin d’inscrire cette démarche coopérative dans la durée. Edouard Zembeaux a ainsi souligné la nécessité de « prendre le temps » même si certains participants dans la salle ont indiqué comment ce temps n’était que rarement comptabilisé, notamment en termes de rémunérations pour les artistes. Reste que la présence artistique territoriale, ce qui la distingue de l’intervention, est une action structurante dans le temps. Il convient donc que dans la présente synthèse "nous nous y attardions". A l’instar de Philippe Chaudoir, les tables rondes ont évoqué trois temps dans la présence artistique : celui de la préparation ("temps de la condensation"), celui où les parties prenantes prennent le temps de se connaitre, de cheminer, voire d’établir des "diagnostics partagés", temps nécessaire aux conditions d’une rencontre tranquille et apaisée ; le déroulé en lui-même ("temps de la concentration") où la "convivialité est nécessaire" et enfin les suites, ce "temps de la contamination" où artistes, habitants, bailleurs font un "pas de côté"afin que chacun ne soit pas où il est prévu, conforme et conventionnel, mais où il n’est pas attendu. Voilà qui demande à se pencher sur "que faisons-nous après la fête" ?
Une mutation des pratiques professionnelles
Cette manière de "grandir ensemble" demande à "casser les codes" comme a appelé à le faire Édouard Zembeaux, non dans un esprit d’innovation mais d’utilité. «"Déplacer les bornes" de ses métiers, "réfléchir à nos postures" comme l’a indiqué Carole Ziem, engagent en effet chacune des parties prenantes à se réinterroger. Il a été communiqué comment ces résidences avaient questionné tout aussi bien les différents services des bailleurs sociaux ("services techniques dans les accroches de la Compagnie Retouramont") qu’un gardien de résidence (Opaly à Arcueil-Gentilly). A ce titre, l’artistique n’est pas "un outil" (qui peut "s’instrumentaliser") mais il participe d’une méthode et d’un protocole "tiers". Pour les parties prenantes, il n’y a pas de "mise en danger" mais la capacité ensemble à "prendre ses responsabilités" dans son métier et sa fonction. Françoise Liot la nomme "professionnalité". Et cette "professionnalité" doit reconnaître que chacun (le bailleur, l’artiste, l’acteur culturel, la personne) a bien une place entière (e.n.t.i.è.r.e.) dans le projet mais qu’il est aussi un tiers (u.n. t.i.e.r.s). Et cette posture pourrait bien demander une nouvelle "ingénierie territoriale" dont les contours seraient à approfondir.
Vers de nouvelles manières d’habiter
La présence artistique au sein des résidences sociales, si elle recoupe différents objectifs, a aussi une ambition : changer la perception de son propre environnement. Ces nouvelles manières d’habiter que révèlent ces présences artistiques créent également de nouveaux usages qui « changent les points de vue » : les points de vue sur l’habitat en « reculant notre horizon » comme le dit Edouard Zembeaux, les points de vue sur soi-même et sur l’autre en "trouvant une solution à l’obstacle" (Fabrice Guillot) pour aller là où nous n’avions pas prévu de nous rendre : voilà comment des jeunes se sont formés aux métiers de cordistes avec la Compagnie Retrouamont, voilà comment des plus vieux se sont découverts des talents de graphistes avec la Compagnie des Grandes Personnes. Avec comme conditions le temps, la qualité artistique et la participation des locataires.
Avec une question finale qui demanderait approfondissement : ces projets de longue durée sont de l’ordre du sensible, mais quelles traces en restent-ils ? quels impacts peuvent-ils être mesurer ? Quels nouveaux critères d’évaluation autres que quantitatifs sommes-nous en mesure d’inventer communément ?
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