Plus de cinquante participants étaient réunis au sein de la Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts, dont des gestionnaires de biens inscrits au registre « Mémoire du Monde », des candidats à son inscription, des responsables de patrimoine documentaire, et des membres du comité « Mémoire du monde ».
Organisée par la Commission nationale française pour l’UNESCO (CNFU) en collaboration avec la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) des Hauts-de-France, cette journée fut une opportunité pour explorer comment les nouvelles technologies peuvent enrichir et transmettre notre patrimoine documentaire.
Le programme « Mémoire du monde » de l'UNESCO
Le programme « Mémoire du monde » a été lancé par l'UNESCO en 1992 pour lutter contre l'amnésie collective, grâce à la préservation des précieux fonds d'archives et des collections de bibliothèques du monde entier, tenant compte des coutumes et des pratiques culturelles.
Le patrimoine documentaire mondial appartient à tous et à toutes. Ainsi, il doit être entièrement préservé et protégé, et accessible en permanence à tous et à toutes, sans entrave.
Ainsi, le programme « Mémoire du monde » possède les objectifs suivants :
- Faciliter la conservation du patrimoine documentaire mondial, en particulier dans les zones touchées par des conflits et/ou des catastrophes naturelles ;
- Aider à assurer un accès universel au patrimoine documentaire ;
- Mieux faire prendre conscience, partout dans le monde, de l'existence et de l'intérêt du patrimoine documentaire.
L’événement s'est ouvert avec des personnalités engagées dans la valorisation et la préservation du patrimoine : Michèle Ramis, présidente de la Commission nationale française pour l’UNESCO (CNFU), Fackson Banda, chef de l’Unité du programme « Mémoire du Monde » de l’UNESCO, François Parain, adjoint au chef du bureau des affaires internationales du ministère de la Culture, et Paul Rondin, directeur de la Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts.
Alexandre Navarro, secrétaire général de la Commission nationale française pour l’UNESCO, a rappelé les initiatives de l’UNESCO dans le domaine de la culture, mentionnant également le « Prix UNESCO / Jikji Mémoire du Monde » attribué chaque année à un projet innovant de préservation du patrimoine documentaire.
Agnès Magnien, présidente du Comité français « Mémoire du Monde », a replacé le rôle et les activités du comité dans une perspective de sensibilisation, de conservation et de valorisation du patrimoine documentaire, en mettant l’accent sur la nécessité de favoriser les collaborations. Elle a également souligné l’importance d’apprendre des initiatives internationales, tout en partageant les expériences et savoir-faire locaux, dans un esprit d’imagination et d’originalité.
Le numérique comme passerelle vers un patrimoine vivant et partagé
Après une visite de la cité, musée interactif et participatif riche de joyaux architecturaux, la première table ronde, intitulée « Le numérique au service du patrimoine », a débuté avec Laurent Dierckens, directeur du lieu culturel Le Labo de Cambrai, qui a présenté un projet visant à démystifier les bibliothèques patrimoniales et à désacraliser les contenus grâce au numérique, afin de les rendre accessibles et populaires.
Laurence Richard, responsable de la bibliothèque patrimoniale de Laon, a ensuite partagé l’expérience de numérisation des archives de la bibliothèque de Laon. Depuis 15 ans, ce projet a permis de redécouvrir des œuvres oubliées et de les intégrer dans des projets éducatifs, comme l’interprétation de chants grégoriens par des élèves, redonnant vie au patrimoine.
Enfin, Catherine Leroi, cheffe du service culturel du château d’Angers, et Stéphanie Vitard-Gibiat, directrice du Repaire urbain et responsable du service Angers Patrimoine, ont détaillé le travail de numérisation de la tenture de l’Apocalypse, rendant cette œuvre accessible dans d’autres lieux sous une forme immersive.
Innover pour transmettre : rendre la mémoire accessible et immersive
La journée s’est poursuivie avec un échange autour de « L’imagination au service des publics et de la mémoire ». Anne Lejeune, directrice des Archives départementales de la Somme, et Raphaël Baumard, directeur des Archives départementales de l’Aisne, ont présenté des solutions pour rendre le patrimoine accessible « hors les murs ». Ensemble, ils ont évoqué des initiatives simplifiant le discours scientifique et incluant les internautes dans la valorisation des archives, comme des plateformes collaboratives où le public peut contribuer à enrichir la documentation.
Aurélien Gnat, directeur du Mémorial de l’internement et de la déportation-Camp de Royallieu, a pour sa part exposé les défis du projet de réalité mixte au mémorial de l’internement et de la déportation de Royallieu, qui intègre des innovations technologiques pour transmettre la mémoire sans altérer l’intégrité du site historique. Des tests avec des groupes pilotes permettront de valider des choix tels que l’utilisation de sons, d’ambiances immersives et de mises en situation sans identification de visages, afin de maintenir la dignité des lieux et des personnes.
Pour une culture accessible : partenariats et réseaux au service du patrimoine
La dernière table ronde, intitulée « Partenariats et réseaux », a mis en lumière des initiatives concrètes pour renforcer la valorisation du patrimoine documentaire. Roseline Lefebvre, vice-présidente d’Archipop, a expliqué comment la mémoire intime, privée et familiale peut devenir un bien collectif. Elle a illustré cet objectif par des projets qui donnent vie aux images et archives, permettant de construire un récit commun. Ces initiatives aident les communautés locales à s’approprier leur histoire en créant des ponts entre mémoire personnelle et collective.
Amandine Haslin, chargée de mission patrimoine écrit à l’Agence régionale du livre et de la lecture (AR2L), a ensuite présenté des collaborations fructueuses avec des enseignants pour développer des projets éducatifs autour du patrimoine régional « oublié ». Par exemple, des expositions virtuelles et des exercices d’analyse et d’écriture, destinés aux élèves de collège, permettent de sensibiliser les jeunes générations tout en valorisant le patrimoine local.
Pour clôturer ces échanges, Frédéric Nowicki, conseiller numérique à la DRAC Hauts-de-France, a détaillé les actions menées pour soutenir la numérisation et la coopération entre acteurs culturels. Il a évoqué des outils numériques et portails qui facilitent l’accès au patrimoine, mais aussi des initiatives favorisant la recherche et l’innovation. L’objectif est de démocratiser la culture et d’encourager des usages variés, qu’il s’agisse d’éducation artistique, de découverte ou de préservation du patrimoine documentaire.
En conclusion, Agnès Magnien a souligné la qualité des interventions, la richesse et l’inventivité des initiatives décrites, ainsi que la sincérité des témoignages associant ambition, réalisme et mobilisation des acteurs. La « Mémoire du monde » est bien une mémoire commune à la préservation et valorisation de laquelle chacun, individuellement et collectivement, peut prendre sa part.
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