En Centre-Val de Loire, le patrimoine rural connaît une reconnaissance croissante en tant que monument historique protégé, avec 54 granges, 11 halles à poteaux, 29 moulins à eau et une dizaine de fermes déjà inscrits. Bien que ces chiffres restent modestes, ils reflètent une prise de conscience progressive de la valeur essentielle de ce patrimoine omniprésent dans nos zones rurales.
Cette situation s'explique notamment par la richesse et la complexité de ce patrimoine. Qu'est-ce que le patrimoine rural exactement ? Vaste et fascinant, il recouvre une extraordinaire diversité de réalités : château en pleine campagne, halle urbaine construite pour un marché agricole, ferme domaniale... La multiplicité des types d'édifices (lavoirs, fermes, moulins, pigeonniers, machines agricoles) et la variété des appellations (domaine, métairie, locature) reflètent la richesse de notre héritage rural.
Plusieurs défis stimulent aujourd'hui la valorisation de ce patrimoine. Il reste encore à découvrir et à faire connaître, ce qui représente une formidable opportunité. Heureusement, le Service Patrimoine et Inventaire (SPI) œuvre depuis 1964 à le recenser et à le documenter méthodiquement. Son précieux travail consiste à photographier et décrire un maximum de sites, constituant ainsi une base documentaire exceptionnelle. Pour accéder à la protection de monument historique, un édifice doit démontrer un intérêt d'art et d'histoire significatif au niveau régional, en répondant à des critères exigeants : rareté, authenticité, intégrité, exemplarité.
Par ailleurs, chaque bâtiment rural possède son identité propre, parfaitement adapté à son territoire, à la taille de l'exploitation et aux matériaux locaux. Cette « infinie variété » fait toute la singularité et le charme de ce patrimoine, même si elle complexifie les comparaisons, contrairement aux châteaux ou aux églises qui suivent des codes architecturaux plus standardisés. Enfin, ces édifices ont souvent évolué au fil du temps pour s'adapter aux progrès techniques du XIXe et XXe siècle, perdant parfois leur authenticité d'origine.
La ferme du Bas-Durenet dans l’Indre, exemple d’un patrimoine rural
Face à ce constat, la conservation régionale des monuments historiques en Centre-Val de Loire s'efforce de prendre en compte ce patrimoine fragile. L'inscription au titre des monuments historiques de la ferme du Bas-Durenet à Mauvières, dans l'Indre, en septembre 2025, en témoigne.
La ferme située dans un petit hameau de cette commune, nichée au cœur du Parc naturel régional de la Brenne, a traversé les siècles. Elle est constituée de plusieurs bâtiments organisés autour d’une cour ouverte : un logis, un petit bâtiment bas abritant four à pain et toit à porcs, une petite maison pourvue d’une pièce unique avec placard et cheminée et enfin une grange à poteaux.
Les recherches en archives ont permis de retrouver un plan de 1842 dressant un état des lieux de la ferme à cette date et qui complète celui délivré par le cadastre ancien de 1833. Ces plans permettent d’identifier les deux bâtiments les plus anciens de la ferme : le logis et la grange. Grâce à l’étude menée sur les fermes de la Brenne par Renaud Benarrous, chercheur associé au SPI, des analyses en dendrochronologie (datation par les cernes du bois) avaient déjà été menées sur ces deux bâtiments. Elles permettent de dater la charpente du logis de 1611-1612 et celle de la grange sur poteaux de 1515. Outre la datation des bois, l’analyse en dendrochronologie permet une étude fine des ouvrages . Elle a permis ici de souligner la bonne conservation de la charpente de la grange qui pourrait être complète, et l’originalité de sa mise en œuvre. Néanmoins, cette grange ne possède pas la charpente la plus ancienne de la région, loin de là. La grange aux moines de Berthenay en Indre-et-Loire (37) a par exemple été datée de 1299. Mais sa bonne conservation, son originalité et son ancienneté ont constitué autant d’arguments en faveur de sa protection.
En outre, la grange de la ferme du Bas-Durenet incarne parfaitement l'architecture traditionnelle de la Brenne : la charpente sur poteaux, la présence de l’ouverture principale sur le mur- pignon, le décor sobrement chanfreiné des encadrements de baies en pierre. Au-delà de la seule grange, la ferme dans son ensemble est représentative des fermes de la Brenne, ayant conservé son organisation initiale autour d’une cour ouverte, laquelle constituait un espace de travail à part entière.
Ce qui a convaincu les experts, c'est l'authenticité préservée de l'ensemble. Désaffectée dès la première moitié du XXe siècle, la ferme n'a pas eu à s'adapter aux machines agricoles modernes. Les ouvertures n'ont pas été élargies, les bâtiments n'ont pas été transformées en habitations. Le propriétaire a même mené des restaurations respectueuses, saluées par le label « Maisons Paysannes de France, Patrimoine rural » dès 1990.
Ancienneté, authenticité, représentativité, intégrité : la ferme du Bas-Durenet remplit beaucoup de critères. Son inscription au titre des monuments historiques participe pleinement à la reconnaissance du patrimoine rural régional.
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