Déposé durant le chantier de restauration des enduits du transept sud, le tableau de la Transfiguration a pu être raccroché le vendredi 6 octobre 2023 au même emplacement, sur un mur désormais clair.
Ce tableau monumental de 3,80 m sur 3,60 (avec cadre) représente la Transfiguration d’après la composition du célèbre tableau de Raphaël daté de 1520 pour le cardinal Jules de Médicis (aujourd’hui sur les cimaises de la Pinacothèque du Vatican). Classée le 29 janvier 1982, cette huile sur toile demeure anonyme et aucune signature n’a été révélée par la restauration.
Grâce au témoignage de l’historien Bulteau, l’on sait que le tableau proviendrait de l’ancien couvent des Jacobins de Chartres (actuel emplacement du couvent des Sœurs de Saint-Paul) et aurait pris place en 1791 dans le transept nord où une chapelle dite de la Transfiguration avait été aménagée contre le mur est (voir ci-contre, l’autel sur le plan de Bulteau ).
Lors de la dépose le 1er juillet 2021, les restaurateurs de peinture Elodie Delaruelle, Lucia Tranchino et Jean Joyerot avaient alerté la DRAC (CRMH) de zones fragilisées et de défauts de rentoilage. Profitant du temps du chantier, une opération de restauration fondamentale a été menée et vient de s’achever.
Malgré une première restauration au début des années 1990, le tableau présentait en effet des désordres et un fort encrassement ; enfin le poids du cadre créait des tensions sur le châssis et des déformations préjudiciables pour la conservation. Quatre mois de travail ont été nécessaires pour mener à bien cette restauration avec une équipe de dix restaurateurs.
Importante pour l’histoire matérielle d’une œuvre, la restauration peut révéler des indices ou des informations sur son parcours. C’est ainsi qu’Elodie Delaruelle a pu repérer que la partie basse de la scène relatant la Guérison du paralytique était mieux conservée que la partie supérieure où se déroule l’épisode proprement dit de la Transfiguration du Christ. Par le style et la nature de la couche préparatoire, la partie originale pourrait être datée du XVIIe siècle. Quant à la partie haute, nombreux sont les personnages réinventés et simplifiés dans un esprit et une technique du XIXe siècle. Enfin, une dernière étape semble avoir été le rechampi du ciel et du haut de la montagne à la fin du XIXe ou au XXe siècle.
Ces informations collectées laissent penser à une usure plus importante en partie haute. La restauratrice propose même d’y voir un éventuel effet de l’incendie de la cathédrale, en 1836, durant lequel la charpente en bois a été entièrement détruite. Si les voûtes en pierre ont résisté à l’incendie, l’eau projetée ou ruisselante a pu mettre à mal la toile peinte. L’hypothèse passionnante, avancée par les restaurateurs, sera difficile à confirmer faute de témoignages précis et détaillés de l’évacuation des objets mobiliers, mais invite à se pencher sur l’histoire du mobilier de la cathédrale avant et après la Révolution.
Cette restauration exemplaire et lourde en terme de moyens humains et financier a été réalisée par une équipe de dix conservateurs-restaurateurs de peinture constituée autour des deux mandataires, Elodie Delaruelle et Lucia Tranchino et par Maxime Seigneury pour le cadre en bois doré. Comme pour le décrochage, l’entreprise Bovis, spécialisée dans la manutention des œuvres d’art, a été retenue pour mettre en place un échafaudage afin de raccrocher le tableau situé à 11 mètres de hauteur sous la rose sud.
Enfin, cette opération de restauration n’aurait pas abouti sans le soutien sans faille de l’association American Friends of Chartres, présidée par Mme Dominique Lallement, qui a pu réunir 32 000 euros et ainsi boucler le budget de la DRAC Centre-Val de Loire.
A tous un grand merci pour cette opération menée avec professionnalisme et au plaisir renouvelé d’embellir la cathédrale Notre-Dame de Chartres.
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