Le Printemps de la ruralité est l’occasion de mettre en lumière une initiative innovante en milieu rural. Installée à Sault, petit village rural du Vaucluse de 1 400 habitants, la Compagnie Le Phare à Lucioles a été créée par le compositeur, musicien et artiste sonore Loïc Guenin en 2005. La création contemporaine de cette compagnie est issue d’une réflexion et d’une expérimentation voulant rapprocher les publics et les musiques, notamment sur le territoire local très rural du village vauclusien.
La Compagnie Le Phare à Luciole est portée par des salarié(e)s permanent(e)s issu(e)s du territoire, formés au fil des années et qui ont pour plus de 50% d'entre elles et eux changé complètement de métier pour se consacrer à la culture. Par ailleurs, pour le maillage local, le lien avec la commune de Sault et avec le maire, Claude Labro, est primordial. A partir de là, les projets de la compagnie ont une présence et une véracité toutes deux acquises auprès des habitants du territoire saltésien et du Parc naturel régional du Ventoux.
La belle histoire de cette compagnie artistique prend une autre dimension lorsqu’elle intègre en 2018 le M![lieu], son lieu de travail situé en plein cœur du village ; outre l’accueil d’artistes internationaux en résidence, la gestion de commandes à des compositrices ou compositeurs et une programmation variée, elle se veut porteuse de projets de partage avec les habitants. L’activité créative de ses acteurs envahit les lieux tous publics du village : école, crèche, maison de retraite… pour tisser une toile culturelle locale impliquant artistes et publics. Récemment ce sont les commerçants qui sont les témoins de cette présence artistique : c’est le projet « Sault, ça s’écoute aussi ! ».
Le Phare à Lucioles a pu monter ce projet en passant commande auprès d’artistes sonores, qui ont été alors rémunérés sous contrat. Carte blanche leur est donnée pour leur création. Une forte collaboration avec l’office de tourisme de Sault a contribué à une meilleure installation du dispositif dans le village.
Ce projet, démarré en 2020, associe artistes sonores et commerçants ainsi que leur commerce, pour aboutir à une courte œuvre musicale. Chaque artiste passe une journée avec un(e) commerçant(e), dans son établissement, afin de s’imprégner de la rencontre avec cette personne, avec l’atmosphère du lieu pour composer, écrire et enregistrer parfois in situ, un morceau musical de 2 à 3 minutes. Chaque œuvre constitue une « pastille sonore », enregistrée sur une plateforme d’écoute, pouvant être téléchargée à l’aide d’un QR-Code affiché sur les façades des commerces participants. Un céramiste local a créé les carreaux, supports de ces motifs à scanner.
Ces échanges ont donné lieu à de belles rencontres et des productions sonores variées. Les commerces ont largement contribué à ce projet. Trente-trois lieux pour trente-trois artistes, et trente-trois pastilles ont ainsi été créées : un parcours musical impressionnant, du plus haut du village, au magasin Biovaleur où Gabrielle Gonin interprète « Un pépin, une pomme », au plus bas du village, à la Loge aux lavandes où Alexandre Roure a créé « Lavandes et oiseaux », témoignant d’une approche intimiste entre la population, à travers la fréquentation des commerces et leurs propriétaires, et la culture qui vient à elle. C’est le but que se fixait Loïc Guénin lorsqu’il a projeté cette action, partant du principe que toutes et tous participent du même écosystème sans se côtoyer vraiment. Le regard des uns vers les autres se défait alors des préjugés ayant pu exister au préalable. La recherche musicale de ces pastilles sort un peu des sentiers battus des standards de la musique, contemporaine ou non, et capter l’attention du public qui parcourt le village et écoute ces morceaux n’est pas vain : il découvre un territoire rural imprégné d’un champ artistique innovant qui l’interroge dans son rapport à ses codes musicaux et lui permet de belles rencontres.
A ce jour, les pastilles ont été écoutées plus de 5 500 fois.
Dans le cadre d’un contrat de filière entre l’État (DRAC PACA), le Centre National de la Musique (CNM) et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Le Phare à Lucioles développe un projet de parcours musicaux à travers le village en collaboration avec l'Office de tourisme et l'association des commerçants de Sault. Quatre "parcours" d'écoute thématiques seront proposés sur une application mobile mais aussi sur une carte papier disponibles dans les commerces, à l'OT et au M![lieu]. Le projet devrait voir le jour ce printemps 2024. Cette application pourra être reprise par d’autres communes.
Loïc Guénin en est convaincu, "l'écoute est la clé du rapport social, du positionnement au monde qui nous entoure" (Interview au JDD – 28/05/2021, màj 05/09/2023).
La parole est donnée sur ce projet !
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