Seul le prononcé fait foi
Monsieur le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, cher Jean-Noël BARROT,
Mesdames, Messieurs,
Comme cela a été le cas pour d’autres progrès technologiques par le passé, il n’y a pas à opposer culture et innovation, à condition que cette nouvelle technologie soit mise au service des créateurs, au service de la préservation du patrimoine, au service de de la diversité culturelle, du droit à l’information et de la liberté d’expression.
C’est la raison pour laquelle nous avons fait de la culture un axe central de ce sommet, et que nous avons associé chercheurs, artistes et citoyens du monde entier pour réfléchir ensemble à cet enjeu.
L’accès à une information fiable et de qualité est un socle fondamental de nos démocraties. Parce qu’il permet l'exercice éclairé du libre arbitre, ce droit à l’information constitue même en réalité une véritable condition de la démocratie.
C’est désormais aussi un immense défi, avec l’ampleur que la désinformation a pu prendre à l’ère numérique. Le phénomène est encore plus grave avec les possibilités ouvertes par l’IA, à travers la manipulation des images et des vidéos et le risque d’affaiblir la frontière entre mensonge et vérité. L’intégrité de l’information devient un enjeu central de la confiance démocratique.
Aujourd’hui, médias et journalistes ont bien pris conscience de la nécessité absolue de coopérer.
Un certain nombre d’initiatives ont déjà été lancées sur ce sujet majeur : je pense notamment au projet StatCheck, développé en partenariat avec l’INRIA, Radio France et Radio Canada, ou encore au projet Spinoza, porté par Reporters sans frontières et l’Alliance de la presse d’information générale, qui fournit aux journalistes des outils d'IA pour analyser et vérifier les sources d'information.
En Europe, nous avons pris des mesures décisives, avec le DSA, Digital Services Act, entré en application en février 2024. Ce cadre réglementaire responsabilise les grandes plateformes numériques en les mettant face à leurs obligations pour évaluer et limiter les risques liés à la désinformation, collaborer avec les fact-checkers et garantir l’accès aux données pour les chercheurs.
Ces avancées sont majeures, mais elles ne suffisent pas pour mieux prendre en compte l’irruption de l’IA dans nos vies. Aujourd’hui, l’intégrité de l’information produite par les médias et les journalistes est menacée par une production automatisée de contenus synthétiques, parfois non vérifiés, qui viennent concurrencer les audiences et peuvent favoriser la désinformation. L’information produite par les IA ne fait pas nécessairement l’objet d’un contrôle éditorial, contrairement à l’information produite par les médias et les journalistes, et c’est tout le problème.
Je ne veux pas céder malgré tout au pessimisme, car ici comme ailleurs, l’IA n’est pas seulement un défi, elle est aussi une opportunité. Elle peut permettre aux médias et aux journalistes de mieux remplir leur mission, d’explorer de nouveaux formats et d’améliorer l’expérience des publics. Les exemples que j’ai donné tout à l’heure en sont la preuve.
La question fondamentale que nous pose l’IA, c’est bien celle de son usage. Il est impératif que cette innovation s’applique dans le respect des principes éthiques et démocratiques. À ce titre, les médias ont formulé des demandes légitimes qui doivent tous nous alerter et nous guider.
D’abord, mettre fin au pillage des données en garantissant le respect des choix des éditeurs d’alimenter ou non les systèmes d’IA.
Ensuite, assurer la traçabilité des sources d’information et prévoir des contreparties financières.
Enfin, sécuriser un cadre de rémunération équitable pour l’exploitation des contenus journalistiques. *** Mesdames et Messieurs,
Nous vivons un moment de vérité quant à l’IA et son utilisation. La position de la France est claire. C’est à nous, citoyens de sociétés démocratiques, de définir les usages de l’IA et de veiller à ce qu’elle serve nos valeurs, et non pas l’inverse.
Nous devons donc réaffirmer ensemble l’importance d’une approche globale et responsable. Une approche qui allie régulation et innovation, qui mobilise les acteurs publics et privés, et qui place l’éthique au cœur des décisions technologiques.
Je veux remercier chaleureusement l’OCDE et VIGINUM pour l’organisation de cet événement. Merci également à tous les participants, chercheurs, journalistes, représentants de la société civile, qui se mobilisent pour défendre une information intègre et de qualité.
L’information est un bien commun. Préservons-la, protégeons-la, et faisons en sorte que l’intelligence artificielle soit un outil au service d’une information fiable et de qualité, et donc au service de la démocratie.
Je vous remercie.
|
Discours
Discours de Madame Rachida Dati, ministre de la Culture Evènement « Protéger l’intégrité de l’information à l’ère de l’IA » Paris Mardi 11 février 2025
Partager la page