C’est incroyable ce que la peinture peut faire.
Qui aurait parié, il y a 150 ans, que ce groupe de jeunes trentenaires, qui ne peignaient pas tout à fait comme les autres, nous réunirait en 2023 dans ce magnifique temple qui leur est dédié, le Musée d’Orsay ?
Qui aurait imaginé que leurs œuvres feraient vibrer dans le monde entier, tous les jours, des milliers de personnes, de l’Asie à l’Amérique ?
Malgré leur détermination, leur conviction, ils n’avaient sans doute pas anticipé cette destinée, en préparant la première exposition de la « Société des artistes peintres, sculpteurs, graveurs, etc. » qui a eu lieu le 15 avril 1874 au 35 boulevard des Capucines dans les studios de Nadar.
En peignant le soleil qui se lève à 7h35 dans le port du Havre un certain 13 novembre 1872, on ne pense certainement uniquement qu’à la magie de ce moment, à cette aube primordiale que l’humanité a en partage, cette expérience que chacun peut faire où qu’il soit sur la terre.
Mais il y a certainement quelque chose de prophétique lorsque l’on choisit cette œuvre là pour figurer dans une première exposition libre, dont elle deviendra l’emblème, et lorsqu’on la nomme « impression, soleil levant ». C’est ce titre choisi par Monet, ou plus précisément plutôt par Renoir en bouclant le catalogue. Je laisse les chercheurs nous préciser ce qu’il s’est passé ce soir-là. En tout cas, c’est ce titre qui lance ce mouvement de l’impressionnisme.
Et oui, il y a quelque chose qui se lève dans cette peinture, qui nous émeut et nous grandit, et que chacun comprend.
A l’instar de ce soleil levant, l’impressionnisme porte une espérance, née dans le fracas d’une guerre dévastatrice, qui a déchiré la France, et lui a ravi l’un de ses plus brillants jeunes peintres, Frédéric Bazille. L’impressionnisme c’est le miroir d’un monde en transformation, avec ses trains qui fument, ses remorqueurs, ses débardeurs de charbon et ses raboteurs de parquet.
C’est un mouvement de rupture incompris à ses débuts mais qui a imposé, en quelques décennies, une nouvelle vision artistique, un nouveau rapport entre l’art et la société.
L’impressionnisme c’est, pour moi, le mouvement de la lumière après l’obscurité de cette guerre de 1870. Un mouvement qui accompagne la naissance de la IIIe République et de la société moderne.
Donc un mouvement qui a encore beaucoup à nous dire aujourd’hui par rapport aux temps que nous traversons.
Je voulais vous mentionner une toile, qui me touche particulièrement, qui dit tout de cette capacité à incarner la Nation : c’est La Rue Montorgueil de Claude Monet, la Fête du 30 juin 1878, qu’il immortalise. C’est la première fête nationale organisée en l’honneur de la République après la sombre éclipse de la guerre. Ce n’est que deux ans plus tard que le 14 juillet devient fête nationale.
C’est d’ailleurs ce tableau qui a inspiré Daniel Buren pour la verrière bleu, blanc, rouge qu’il a créée et qui est maintenant une œuvre permanente du Jardin d’hiver de l’Elysée.
Que cette œuvre, La Rue Montorgueil, qui n’a pas été prêtée dans un autre musée en France depuis 2009, puisse être prêtée à Douai, voilà un acte très fort qui me réjouit et qui symbolise cette année de l’impressionnisme.
En 1974, le centenaire de l’impressionnisme avait eu lieu. Que s’était-il passé ? Une grande exposition, au Grand Palais, le musée d’Orsay n’existait pas. Mais c’est tout. Il fallait venir à Paris pour la voir. L’Etat n’avait rien initié de particulier en région. C’est, au fond, en 2024, le mouvement presque inverse que nous portons, que nous avons voulu décider ensemble. Et merci cher Christophe Leribault d’avoir permis à cette petite idée de grandir. Déjà, avec la Partie de bateau de Gustave Caillebotte, ce trésor national, qui a pu très vite partir en tournée, arrivé à Lyon, il sera bientôt Marseille puis à Nantes.
Là ce sont 170 chefs-d’œuvre de l’impressionnisme qui vont être en partance dans plus de trente musées. C’est vraiment une échelle inédite, exceptionnelle, absolument exemplaire.
Un grand merci à toutes les équipes du Musée d’Orsay qui rendent cette aventure possible. Je ne méconnais pas les difficultés que cela engendre pour vous qui veillez à l’intégrité des œuvres, qui devez réaccrocher les salles, concevoir de nouveaux parcours… Merci parce que c’est une exposition d’une ampleur inégalée qu’on va avoir ici à Paris, au musée d’Orsay, j’en salue les commissaires, Sylvie Patry et Anne Robbins. Mais c’est aussi, dans toute la France, une projection des collections nationales sur tout le territoire.
J’ai évoqué, La Rue Montorgueil, je voulais évoquer deux autres exemples qui me tiennent à cœur. Le Balcon de Manet qui n’a pas été prêté en France depuis 20 ans alors qu’il a été prêté à 11 grands musées à travers le monde. Ce tableau va être prêté à Bordeaux. Et La Table de cuisine de Cézanne qui n’a pas été prêté depuis 50 ans et qui sera prêté à Saint-Denis à La Réunion. Deux tableaux majeurs mais je pourrais citer tous les autres qui sont dans le dossier de presse. C’est vraiment inédit.
Ce déploiement national est en quelque sorte une forme d’extension du Festival Normandie impressionniste qui avait été créé sous la houlette de Laurent Fabius et qui, en quatre éditions, a déjà permis de construire une solide relation avec le Musée d’Orsay. Ce sont déjà des centaines d’œuvres que le musée d’Orsay a prêté dans des musées. Merci Monsieur le maire, cher Nicolas Mayer Rossignol, d’avoir veillé à ce que ce projet se poursuive. La 5e édition s’annonce flamboyante et je sais que vous en dévoilerez ici-même toutes les richesses la semaine prochaine.
De la Normandie impressionniste à la France impressionniste, il y a un pas de géant, que nous allons accomplir ensemble, grâce à la mobilisation de vous tous. C’est une mobilisation de plus d’une trentaine de partenaire partout sur le territoire. C’est vraiment exceptionnel.
Cela permet aussi de montrer, et c’est vraiment toute ma conviction, le rôle majeur des musées dans notre société, comme lieu de connaissance, d’émotion, de découvertes, de partage, qui permettent de fédérer les publics, surtout dans le temps que nous traversons.
Ce sont des lieux, non seulement d’un accès démocratique à l’art mais des lieux de citoyenneté au chacun peut trouver, tout au long de la vie, à l’école ou en dehors, des ressources, des clefs de compréhension pour se sentir pleinement appartenir au monde qui nous entoure.
Je crois que nous avons, plus que jamais, besoin de puiser dans ce vaste monde fabuleux des musées, ce monde de connaissances, de beauté… pour redonner sens à notre humanité
En 2024, Cézanne, Monet, Renoir, Manet, Pissarro, Morisot, Sisley, Degas, Van Gogh et tant d’autres vont faire de nos musées un véritable Tour de France impressionniste.
J’espère que cela va attirer énormément de visiteurs de France et de partout dans le monde, qui vont eux aussi faire ce Tour de France impressionniste, et pas qu’un Tour de France olympique mais c’est une forme d’olympisme impressionniste que nous portons en 2024.
Ce sera à chaque fois l’occasion de redécouvrir des histoires particulières, des histoires locales. On pense beaucoup à la Normandie mais l’histoire de l’impressionnisme est ancrée dans beaucoup de villes en France, à Nice, à Besançon, à Arles, etc..
Du plus haut niveau d’excellence au plus grand des partages, c’est la devise que moi-même, j’ai voulu donner à ces initiatives, voilà qu’on aura un Printemps impressionniste tout l’année en 2024 et ce chemin de lumière pour sortir de toutes ces obscurités qui nous assaillent.