Madame la députée, chère Céline Calvez,
Madame la maire de Paris, chère Anne Hidalgo,
Madame la maire du 9e arrondissement, chère Delphine Bürkli,
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le président du CSA, cher Roch-Olivier Maistre,
Mesdames et monsieur les conseillers, chère Michèle Léridon, chère Nathalie Sonnac, cher Jean-François Mary,
Monsieur le président-directeur général, cher Reed Hastings,
Mesdames et messieurs,
Chers amis,
Je dois vous avouer que je suis un peu déçu… Je pensais que chez vous, les discours aussi commençaient par un « TOU DOUM ».
Merci pour vos mots, chère Anne, cher Reed.
Passer après vous me donne un peu l’impression d’être le générique de fin.
Alors, pour une fois, j’espère qu’il n’y a pas une option « passer le générique » qui va se déclencher au bout de 6 secondes.
Parce que j’ai des choses à vous dire !
La première chose que je veux vous dire, c’est bienvenue.
Bienvenue à Paris, capitale du cinéma.
Bienvenue en France, patrie des Frères Lumière et de Méliès, des Cahiers du Cinéma et de la Nouvelle Vague.
La France, qui a vu naître le Septième Art, mais aussi le feuilleton – et donc, en un sens, la série !
La France, qui fait rêver tant de spectateurs.
La France, qui a inspiré les plus grands réalisateurs.
Linklater, Scorsese, Malick, Jarmusch, Farhadi, Bertolucci, Nolan, Tarantino, Stanley Donen, Woody Allen, Haneke, tout récemment Kore-Eda et Wes Anderson…
Ils sont nombreux, ceux qui sont venus tourner ici.
Ils sont nombreux, ces cinéastes venus d’ailleurs, qui ont choisi la France, qui ont aimé la France, au point de venir pour y créer.
Cette vocation universelle qui est la nôtre, cette ambition démesurée d’accueillir, sur notre sol, les talents du monde entier, cette conviction que la culture ne connaît pas de frontières, cette ouverture à l’Autre, cette ouverture au monde, c’est notre fierté.
Oui. Dans ce pays, il y a toujours eu – et il y aura toujours – une place particulière pour les artistes, pour les créateurs, pour les précurseurs. Pour les audacieux, les pionniers, les rêveurs. D’où qu’ils viennent, la France sera toujours pour eux une patrie.
Elle sera, non seulement un marché, mais aussi une alliée.
Et aujourd’hui, s’il y a bien une entreprise qui incarne l’audace, la créativité, l’originalité, c’est bien vous.
C’est bien Netflix.
Le public ne s’y est pas trompé.
Vous vous êtes rapidement imposés dans la vie des Français.
Avec une identité forte : Il y a le N rouge, si reconnaissable. Il y a le fameux générique de début – je ne vais pas vous le refaire… Et surtout, il y a vos productions. Elles font désormais partie de notre culture populaire.
Tout le monde attend la partie 4 de La casa de papel. « Plata o plomo » est rentré dans le langage courant.
Relancer l’éternel débat sur : « quel est le meilleur épisode de Black Mirror ? » est toujours un bon moyen de briser la glace.
Et puis, malheureusement pour mes collègues et moi, une grande partie de la population pense que notre vie ressemble à celle des Underwood.
Et je pourrais continuer longtemps. Car il y a tant de vos séries qui sont devenues cultes.
Si Netflix est devenu incontournable, ce n’est pas par hasard.
C’est parce que vous avez pris des risques. Vous avez su vous diversifier.
Vous êtes passés de la location de DVD par correspondance à une plateforme de visionnage en ligne. Puis de la diffusion à la production. Puis des séries aux films.
Vous êtes allés jusqu’à conquérir les Golden Globes et les Oscars.
Les risques que vous prenez sont le plus souvent gagnants.
Et c’est la marque de l’audace, de l’ambition, de l’inventivité.
Ces valeurs sont au cœur de l’ADN de Netflix.
Et elles seront toujours les bienvenues en France.
C’est donc en toute logique, et avec un immense plaisir, que nous vous accueillons ici.
Néanmoins, je crois que vous le savez, la France n’est pas un pays comme les autres.
Ici, la salle tient une place irremplaçable. Parce qu’elle offre une expérience incomparable.
Nos souvenirs de cinéma, ce ne sont pas que les souvenirs des films. Ce sont aussi les souvenirs des salles. A Paris, peut-être plus qu’ailleurs, dans cette ville qui compte plus d’écrans de cinéma qu’aucune autre ville au monde.
Ici, par ailleurs, la culture fait l’objet d’un régime d’exception : Tous ceux qui profitent de la diffusion des œuvres doivent contribuer à leur financement.
Et le droit d’auteur, moral comme patrimonial, est primordial.
Dans un monde qui se replie sur soi où les idéologies enveniment les sociétés et les œuvres, où la création stéréotypée gagne progressivement les écrans, où les formules toutes faites appauvrissent les représentations du monde, la France continuera à offrir aux créateurs – aux scénaristes, aux réalisateurs – les meilleures conditions pour incarner leur propre vision. Elle continuera à soutenir les auteurs. Elle continuera d’être le pays de la diversité de création.
Je me réjouis que vous vous installiez à Paris. Car je crois que nous avons, mutuellement, beaucoup à nous apporter.
Votre rayonnement mondial est une chance pour la création française.
Dix pour cent, Le chant du Loup ou J’ai perdu mon corps, qui vient d’être nommé aux Oscars, pourront être vus par vos 158 millions d’abonnés, dans le monde entier. C’est grâce à vous.
Dans vos productions, vous vous efforcez de représenter l’ensemble de la société. Vous savez que pour les programmes parlent à tous, il faut qu’ils parlent de tous. Et vous avez montré que vous saviez particulièrement représenter la France dans toute sa diversité, avec Banlieusards, avec Family Business, avec Mortel…
Je suis certain qu’une collaboration fructueuse va naître entre nous, dans le respect des règles de la politique culturelle et fiscale de notre pays.
D’ailleurs, elle a déjà commencé.
Depuis 2018, vous contribuez au financement du CNC.
Depuis 2015, vous avez investi près de 200 millions d’euros en France.
J’en profite pour vous dire que nous attendons tous avec impatience The Eddy de Damien Chazelle, et Arsène Lupin avec Omar Sy.
Et vous avez d’ores et déjà annoncé votre volonté d’investir plus. C’est une excellente nouvelle. Vous êtes un partenaire de poids pour l’industrie audiovisuelle française et pour nos talents.
Et nous allons nous rapprocher davantage encore.
La loi relative à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, que je défendrai au Parlement dès le mois de mars, sera l’occasion d’intégrer pleinement, dans notre modèle, les nouveaux acteurs.
Elle permettra, pour la première fois, de réaffirmer dans la loi trois grands piliers de notre modèle :
- l’importance du préfinancement,
- le recours à la production indépendante et déléguée ;
- et le droit d’auteur à la française – désormais à l’européenne ;
Parce qu’une nation souveraine, c’est une nation qui doit savoir protéger la liberté de sa création, Conserver la maîtrise de son patrimoine, et assurer des conditions de travail dignes aux auteurs et aux entreprises qui l’ont créé.
J’ai présenté la trame du décret d’application de cette loi cette semaine aux professionnels.
Le décret précisera ce cadre protecteur.
Ce cadre vise avant tout à mettre tous les acteurs – historiques ou nouveaux – sur un pied d’égalité.
Les seules différences seront fondées sur la place qu’occupent les œuvres dans le service.
Mais il sera possible d’y déroger par un accord interprofessionnel, qui sera ensuite homologué par mes soins.
C’est l’un des axes forts de cette loi de faire confiance à la négociation entre les professionnels.C’est pour cela que j’ai confié une mission d’accompagnement et de facilitation à Monsieur l’Ambassadeur Pierre Sellal, qui sera accompagné de Florence Philbert, la directrice générale de l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles.
Enfin, un mot sur la chronologie des médias.
Je sais qu’elle cristallise un équilibre extraordinairement subtil.
Je sais aussi qu’elle relève, au premier chef, de la négociation interprofessionnelle.
Mais le Gouvernement, en unifiant le régime de financement de la création applicable, crée les conditions pour que les règles évoluent.
Je pense qu’il serait logique que de nouveaux diffuseurs comme Netflix puissent négocier, dans cette chronologie, une fenêtre qui reflète réellement leur contribution au préfinancement des œuvres.
C’est donc une transformation d’ensemble du modèle de financement de la création que nous abordons aujourd’hui.
Cette transformation, nous ne la ferons pas contre Netflix.
Nous la ferons avec vous.
Avec les plateformes, bien sûr, mais en particulier avec Netflix.
Avec vous, qui êtes les premiers à avoir mis un pied sur le marché français. Un marché que d’autres convoitent aussi, désormais.
Chers amis,
Entre Netflix et la France, ça n’a pas toujours été simple.
Au début, il y a eu de la timidité – un peu.
De la méfiance – beaucoup.
Il y a eu des erreurs, de part et d’autre.
Peut-être des incompréhensions.
Mais, au bout du compte, nous avons compris que nous ne pouvions pas vraiment vivre l’un sans l’autre. Aujourd’hui, c’est une nouvelle étape qui s’ouvre dans notre relation.
Je suis heureux que nous avancions. Ensemble.
Je vous le dis sincèrement : je crois qu’un « plan cœur » est possible entre nous.