Mesdames et messieurs les ambassadeurs,
Mesdames et messieurs les ministres,
Monsieur le président-directeur du musée du Louvre,
Mesdames et messieurs les présidents et directeurs de musées,
Mesdames et messieurs,
Chers amis,
Combien d’artistes peuvent se targuer, 500 ans après nous avoir quittés, de réunir une assemblée aussi illustre que celle de ce soir ?
Il faut tout le génie d’un Léonard de Vinci.
Son génie, et son mystère.
Car l’aura de Léonard tient autant à ce qu’il nous a légués qu’au mystère qui l’entoure.
Comment un seul homme a-t-il pu se saisir, non seulement de la peinture, mais aussi de la sculpture, de l’architecture, de l’ingénierie militaire, de l’anatomie, des mathématiques ?
Comment a-t-il pu maîtriser, au point de les révolutionner, tant de disciplines, tant de domaines du savoir et de la pratique ?
« Il y a quelque chose de surnaturel, dit Vasari, dans [une telle] accumulation de la beauté chez un même individu. »
Quelque chose de surnaturel.
De surhumain.
D’insaisissable.
Quelque chose d’aussi insondable que le Saint Jean-Baptiste, à la beauté androgyne, qui a suscité les interprétations les plus contradictoires.
D’aussi impénétrable que le Portrait de Musicien, dont on ne sait s’il est vraiment musicien, et dont l’identité reste une énigme.
D’aussi prodigieux que La Joconde, qui « a l’éclat de la vie » et dont on a déjà tout dit ; un tableau presque sacré.
Oui : il y a une part de sacré, dans son œuvre et dans sa personne.
Une part de sacré, une part de secrets.
Depuis cinq siècles, beaucoup ont tenté de les percer, comme lui tentait de percer les secrets du monde.
Paul Valéry est l’un d’entre eux.
« Le secret de Léonard […], écrit-il, est […] dans les relations [qu’il trouva] […] entre des choses dont nous échappe la loi de la continuité. »
Ce qui fait que Léonard est Léonard, ce qui fait que nous le célébrons encore, un demi-millénaire après sa mort, c’est qu’il regarde là où les autres ne regardent pas.
Il voit ce que les autres ne voient pas ; imagine ce qui n’existe pas.
Il voit les choses comme un tout, et les décompose en parties.
Il observe les mouvements, et les décompose en instants.
Ses idées sont des formes ; les dessins sont ses mots.
« Il est le maître des visages, des anatomies, des machines.
Il sait de quoi se fait un sourire. […]
Il traduit dans [un] universel langage tous ses sentiments avec clarté. »
Il a pour désir profond de rechercher la vérité.
De connaître l’homme, et le monde, et l’univers.
Il y a en lui une volonté de tout questionner.
Une urgence de comprendre et de créer.
C’est cette ambition démesurée, cette obsession pour la grandeur, cette « rigueur obstinée » , qui, certes, ont laissé nombre de ses œuvres inachevées, mais qui l’ont aussi, inlassablement, poussé à se dépasser.
Se dépasser, jusqu’à devenir cet homme universel.
Cet artiste absolu.
Cet esprit hors normes, qui n’a ni précédent, ni équivalent.
Léonard a su contourner les obstacles que sa naissance lui avait imposés.
Il a su inverser le cours des choses.
Faire mentir le destin qui lui était tracé.
Dessiner le chemin de sa propre liberté.
C’est par la culture qu’il a su s’élever.
S’émanciper.
C’est par la culture, aussi, qu’il a noué et renforcé une amitié indéfectible entre l’Italie et la France.
Léonard est le symbole du lien indestructible entre nos deux pays.
Un lien que nous avons célébré, le 2 mai dernier, à Amboise, avec le Président de la République, et le Président de la République italienne.
Un lien plus fort, plus profond, plus éternel que les aléas qui parfois nous éloignent.
Un lien qui jamais ne doit se rompre.
Et je souhaite saluer l’engagement de Dario Franceschini, ministre italien de la Culture, et de son prédécesseur, Alberto Bonisoli, pour permettre que nos efforts communs aboutissent.
Pour permettre, entre autres, que L’Homme de Vitruve soit avec nous.
Ils n’ont pas pu être parmi nous mais je sais, Madame l’ambassadrice, que vous leur transmettrez les remerciements de la France.
Avec cette exposition, ce n’est pas seulement l’artiste ou le savant que nous célébrons.
C’est l’un des précurseurs de l’idée européenne.
Car Léonard a éprouvé, réellement, « l’art d’être européen ».
Il a vu dans les frontières, non pas des barrières, mais des invitations à les traverser, à dialoguer, à échanger.
C’est par lui, par nos artistes, par leurs mouvements que l’Europe – avant d’être telle qu’on la connaît, avant même de se doter d’institutions – était une communauté de destin.
Une communauté de valeurs, de langues, de mémoires.
Une communauté qui a mis les pères fondateurs sur la voie de l’Union.
En Léonard, je vois aussi une incarnation de l’universalisme français.
De cette vocation qui est la nôtre.
La vocation d’accueillir, sur notre sol, le génie du monde entier ; et de faire dialoguer les cultures.
Je veux le dire avec force : il y aura toujours, dans ce pays, une place pour les artistes, pour les créateurs, pour les inventeurs.
Pour les audacieux, les pionniers, les rêveurs.
D’où qu’ils viennent, ils trouveront toujours en la France une patrie.
Oui : la France est une terre d’artistes.
Notre culture est faite de ces créateurs venus d’ailleurs, qui, comme Léonard, ont choisi la France.
Ont créé en France.
Ont aimé la France.
Intimement. Viscéralement. Totalement.
Notre culture, c’est celle de Goya et de Kundera ; de Chagall et de Fitzgerald ; de Pei et de Hemingway ; de Stravinsky et de Kieslowski ; de Brancusi et de Giacometti.
C’est celle de Picasso, Chahine, Cioran, Senghor, Beckett, et Thomas Mann.
C’est celle de Kore-eda, venu tourner son dernier film à Paris – comme Scorsese, Haneke ou Farhadi avant lui.
Notre culture, c’est celle de Léonard de Vinci, appelé auprès de Louis XII, logé par Charles d’Amboise et protégé de François Ier – qui « l’ont aimé avant même de l’avoir connu ».
Mesdames et messieurs,
Chers amis,
C’est une immense fierté pour moi d’inaugurer cette exposition.
Et c’est une immense fierté de le faire avec vous.
A plus d’un titre, elle est historique.
Vous venez de le rappeler, monsieur le président, cher Jean-Luc Martinez : c’est la première fois que l’œuvre de Léonard est présentée dans une telle plénitude.
Et je veux remercier, très chaleureusement toutes celles et ceux qui le permettent.
En premier lieu, les prêteurs.
Merci pour votre participation, pour votre générosité.
Merci de rendre cet événement possible.
Je salue la présence parmi nous des dirigeants des plus prestigieuses institutions d’Europe, d’Amérique, de Russie : la Royal Collection, l’Ermitage de Saint-Pétersbourg, le British Museum, la National Gallery de Londres, la Pinacothèque vaticane, la bibliothèque Ambrosienne de Milan, la Galerie nationale de Parme, l’Accademia de Venise, le Metropolitan Museum de New York, le Kimbell Art Museum, le musée des Beaux-Arts de Budapest, la faculté des Beaux-Arts de Porto, l’Institut de France, et tant d’autres.
Un grand merci, aussi, aux mécènes de l’exposition.
Et merci à vous, monsieur le président, cher Jean-Luc, pour votre implication.
Je sais que vous n’avez ménagé ni votre temps, ni votre énergie.
Pour présenter ce projet ambitieux.
Et pour aller convaincre, partout, de prêter des œuvres.
Je veux vous en remercier, et remercier avec vous :
Les deux commissaires de l’exposition : Vincent Delieuvin et Louis Frank.
Ainsi que toutes les équipes : du Louvre, du Centre de recherche et de restauration des musées de France – notre laboratoire d’excellence en matière de collections de musées, et du ministère de la Culture.
Seul le Louvre pouvait réaliser ce tour de force.
Cette exposition ne pouvait se tenir qu’ici.
Mais elle n’a pas été conçue que pour la France.
Elle a été conçue pour le monde.
Car c’est cela, aussi, la vocation universelle de la France.
C’est cela, le message que nous voulons porter, par-delà nos frontières.
Cet universalisme, qui était ce en quoi Léonard croyait.
Qui était ce à quoi il aspirait.
Ici, quatre mois durant, nous allons montrer le Beau et le rendre accessible au plus grand nombre.
C’est ce que nous nous employons à faire, ici, au Louvre, comme dans tous nos musées.
Avec la conviction que la culture apaise.
Qu’elle rapproche.
Qu’elle réconcilie.
Vive Léonard, et vive l’amitié franco-italienne.