La ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, a présenté un projet de loi destiné à faciliter la restitution de biens culturels relevant du domaine public et ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre le 30 janvier 1933 et le 8 mai 1945 par l’Allemagne nazie et par les autorités des territoires qu'elle a occupés, contrôlés ou influencés, notamment le régime de Vichy, désigné dans la loi par l’expression consacrée « l'autorité de fait se disant "gouvernement de l’État français" ».
« Le pillage et la spoliation des biens des juifs en Allemagne, en France et dans toute l’Europe occupée, qui a notamment visé les biens culturels - objets d’art, tableaux, livres -, ont dans bien des cas précédé la déportation et l’extermination, dans un double mouvement d’effacement et de destruction. Ces dépossessions ont été de véritables arrachements à l’histoire intime comme collective. Identifier et retrouver ces biens culturels et les restituer aux ayants droit des victimes, c’est aujourd’hui faire œuvre de justice, mais aussi œuvre de mémoire, pour permettre aux descendants des familles juives spoliées de retrouver leur histoire. Cette loi-cadre sera une étape décisive pour faciliter et accélérer les actes de justice que représentent les restitutions de biens spoliés. Et garder vivante l’humanité de celles et ceux à qui on a refusé le droit de vivre » déclare Rima Abdul Malak, ministre de la Culture.
Ce projet de loi marquera une étape historique dans le long chemin de réparation entamé depuis 1995 avec le discours du Vélodrome d’Hiver prononcé par le Président Jacques Chirac, reconnaissant la responsabilité de l’État français dans la déportation des juifs de France durant la Seconde Guerre mondiale. Le décret du 10 septembre 1999 avait permis la création de la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations antisémites pendant l’Occupation (CIVS), chargée d’examiner les demandes individuelles présentées par les victimes ou par leurs ayants droit, de proposer des mesures de réparation ou d’indemnisation, et de rechercher les ayants droit. Le décret du 1er octobre 2018 avait étendu les attributions de la CIVS pour qu’elle puisse se saisir de sa propre initiative, ce qui avait donné un nouvel élan à la recherche sur les œuvres spoliées et renforcé l’action publique menée pour leur restitution.
En 2019, le ministère de la Culture a créé en son sein la Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945, un service spécifique chargé de faire la lumière sur les biens culturels à la provenance douteuse conservés par les institutions publiques, qu’il s’agisse des œuvres dites MNR (Musées nationaux récupération), des livres spoliés ou des œuvres entrées dans les collections permanentes.
Ces efforts nouveaux ont permis d’aboutir à la loi d’espèce n° 2022 218 du 21 février 2022, qui a spécifiquement permis la sortie du domaine public de 15 œuvres des collections publiques françaises, restituées aux ayants droit de leurs propriétaires victimes de persécutions antisémites, dont le tableau de Gustave Klimt « Rosiers sous les arbres » conservé par le musée d’Orsay. Contrairement aux œuvres MNR, les œuvres spoliées entrées dans les collections publiques ne peuvent être restituées que par l’adoption d’une loi spécifique permettant de déroger au principe d’inaliénabilité de ces collections.
Le projet de loi-cadre présenté ce jour va permettre de faciliter le processus de restitution des œuvres spoliées relevant du domaine public de l’État et des collectivités territoriales. Il crée dans le code du patrimoine une dérogation au principe d’inaliénabilité limitée aux différentes formes de spoliations liées à des persécutions antisémites perpétrées pendant la période nazie : la personne publique prononcera la sortie du domaine public de tout bien culturel qui s’est révélé avoir été spolié entre l’accession au pouvoir d’Adolf Hitler le 30 janvier 1933 et la capitulation allemande le 8 mai 1945, aux seules fins de sa restitution à ses propriétaires légitimes. La décision de sortie des collections ne pourra intervenir qu’après avis d’une commission administrative spécialisée, chargée d’établir les faits, d’apprécier l’existence et les circonstances de la spoliation et de recommander la restitution. Cette mission sera naturellement confiée à la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS).
Ces nouvelles dispositions soulignent l’engagement croissant de l’État et des collectivités territoriales à faire la lumière sur la provenance des biens de leurs collections. C’est une responsabilité qui incombe aux propriétaires publics : les œuvres spoliées, qui n’auraient pas dû entrer dans les collections publiques et y ont été intégrées dans l’ignorance de cette spoliation, doivent faire l’objet d’une restitution à leurs propriétaires persécutés ou à leurs ayants droit. Cet engagement politique a été réaffirmé par la Première ministre le 15 juillet 2022 lorsqu’elle a rappelé, à l’occasion d’une restitution de biens spoliés pendant l’Occupation, la détermination de la France à « rendre justice ». « Alors que la guerre revient en Europe, alors que les voix des derniers survivants s'éteignent, alors que l'antisémitisme tue encore, nous poursuivrons inlassablement notre travail de mémoire, de paix et de transmission », avait déclaré Elisabeth Borne.