Cinéaste rare, Sophie Fillières nous a quittés à 58 ans.
Issue de la première promotion de la Femis, elle trouve très vite sa place dans le monde du cinéma qui la repère grâce à Des filles et des chiens, court métrage récompensé en 1991 du Prix Jean Vigo. Dès les premières images, on sent son tempérament de réalisatrice : drôle, vive, percutante. A la Femis, elle rencontre aussi ses camarades-amis de toujours, avec lesquels elle n’hésite pas à partager des projets et co-écrire des films – à l’image de Noémie Lvovsky, et c’est ensemble qu’elles écriront leurs premiers « longs » respectifs. Tout au long de sa vie, elle a régulièrement travaillé avec ceux qu’elle aimait et mis son talent de scénariste au service des autres, de Xavier Beauvois (Nord) à Noémie Lvovsky (Oublie-moi), de Philippe Grandrieux (Sombre) à Arnaud et Jean-Marie Larrieu (Un homme un vrai), ou Julie Bertuccelli (La Dernière folie de Claire Darling).
Film après film, Sophie Filières construit alors un univers unique, bâti sur la combinaison décapante d’un ton décalé, d’une image léchée et d’acteurs fétiches – souvent des actrices, qu’elle découvre et fait mûrir d’un film à l’autre, à l’image de Sandrine Kiberlain dont elle filme les premiers pas à l’écran. Dans chacun de ses six longs-métrages sortis en salle, elle met en scène des personnages complexes dans des situations absurdes et comiques, servies par son talent d’écriture et de cadrage. Surréalistes, décalés, touchants : les portraits qu’elle dessine ne ressemblent à aucun autre et permettent aux comédiens d’exprimer toute la palette de leur talent et au spectateur de s’évader, à chaque fois, dans un univers nouveau, à contrepied des standards de la comédie et du drame psychologique.
Cette générosité fantaisiste qui révèle mille talents face à la caméra, elle l’étend aux jeunes réalisateurs qui viennent chercher des conseils auprès d’elle. Ce sera le cas de Nicolas Maury, qu’elle a accompagné dans l’écriture de son premier film, Garçon Chiffon, et de toutes et celles et ceux pour qui elle rédigera de main de maîtresse des scénarios ciselés, et qui aujourd’hui ont perdu une amie, une complice, une boussole.
Génie de la comédie et experte de l’image, Sophie Fillières a continué, même affaiblie, à vivre sa passion : l’année prochaine, nous découvrirons son dernier film Ma vie, ma gueule, sur les écrans. Le cinéma français perd aujourd’hui prématurément une Grande petite au talent foisonnant.
J’adresse à sa famille et à ses proches mes plus sincères condoléances.