Enfant en couleur, à jamais lumineuse dans les toiles de son père, Maya Ruiz-Picasso s’est éteinte.
« Rien ne peut être fait dans la solitude », disait Pablo Picasso, son père, cent fois inspiré par les traits et le caractère de celles qui l’entouraient. Première fille de Pablo, Maya Ruiz-Picasso faisait partie de ceux qui ont illuminé la vie et la création du peintre. Nous devons à leur complicité des toiles fabuleuses tirées de la magie de l’enfance, en tension avec l’actualité brutale alentour. Ainsi, en 1938, Picasso a-t-il peint María de la Concepción, vite surnommée Maya dans de superbes toiles longtemps demeurées inconnues : Maya à la poupée, Maya à la poupée et au cheval, Maya au costume de marin, Maya au bateau et Maya au tablier.
Rendue possible par la dation exceptionnelle à l’Etat de Maya Ruiz-Picasso en 2021, l’exposition en cours au Musée Picasso nous dit avec justesse le lien si privilégié du peintre avec sa première fille. Au prisme des peintures, du carnet de dessin, de la statue et de l’œuvre ethnographique qui composent le don, on devine ainsi un Pablo Picasso soucieux du moindre détail – et insoucieux de mélanger les styles quand il s’agit de restituer les scènes du quotidien partagées par sa fille Maya Ruiz-Picasso et sa compagne Marie-Thérèse Walter.
Merveilleuse témoin du processus de création de son père, Maya Ruiz-Picasso a continûment œuvré pour le partage et la transmission de cette œuvre. C’était, selon les mots de son fils Olivier Widmaier Picasso « une mission » pour Maya Ruiz-Picasso qui pensait que « ces œuvres devaient retourner à l’Etat, pour tous. ». Au-delà des dons d’œuvres réguliers, Maya Ruiz-Picasso a également partagé avec celles et ceux que l’œuvre passionnait ses précieuses connaissances pour soutenir la recherche historique et scientifique. Nous lui en resterons toujours reconnaissants et ce souvenir imprègnera en 2023 l’année Picasso, initiée avec mon homologue espagnol, qui marquera le cinquantième anniversaire de la disparition de l’artiste.
Assistante à dix-neuf ans du Mystère Picasso, nous perdons aujourd’hui une grande amie du partage des arts qui aura pris soin toute sa vie durant d’aider le public à décrypter ce mystère sans jamais le dissoudre.
J’adresse à sa famille et à ses proches mes sincères condoléances.