Il était le crooner français, un acteur facétieux et brillant. Guy Marchand nous a quittés ce vendredi 15 décembre. Le « guignol des Buttes-Chaumont » - comme il se surnommait lui-même - faisait partie du patrimoine culturel de tous les Français pour ses chansons et ses rôles mythiques à la télévision et au cinéma.
Fils d’un ferrailleur et garagiste communiste du XIXe arrondissement de Paris et d’une mère au foyer qu’il adore, le gamin de Belleville grandit loin des beaux quartiers et du milieu artistique. « Ma jeunesse, elle a l’odeur de pisse du boulevard extérieur » confiait-il à la revue Schnock. Il fréquente les cinémas et les clubs de jazz avec assiduité, parfois avec son ami de toujours Claude Moine, alias « Eddy Mitchell ». Devenu officier parachutiste après son service militaire, il intervient comme conseiller technique sur le tournage du film Le Jour le plus long sorti en 1962, écopant même d’un petit rôle qui sera coupé au montage.
Sa carrière artistique démarre avec la chanson La Passionata, tube de l’été 1965, qui révèle au public sa voix grave mais aussi son humour décalé. Sa discographie sera riche de nombreuses chansons à succès : Hey Crooner, Chanteur de charme ou encore Moi, je suis tango, pour laquelle il reprend le Libertango d’Astor Piazzolla.
En 1971, il démarre véritablement au cinéma avec Boulevard du rhum aux côtés de Lino Ventura et Brigitte Bardot. L’année suivante, il joue pour François Truffaut dans Une belle fille comme moi. Dès ses débuts, Guy Marchand s’impose en second rôle inoubliable, attirant le regard tout en manifestant sa complicité avec ses partenaires de jeu.
Mari colérique dans Cousin, cousine de Jean-Charles Tacchela en 1975 ou officier supérieur aigri dans Coup de torchon de Bertrand Tavernier en 1981, il obtient l’année suivante le César du meilleur acteur dans un second rôle pour Garde à vue de Claude Miller.
En 1982, Destinée, écrite sur une musique de Vladimir Cosma pour le film Les Sous-doués en vacances, devient son plus grand succès musical. La même année, les paroles « Destinée, on était tous les deux destinés, à voir nos chemins se rencontrer » bercent encore le slow de Thierry Lhermitte et Christian Clavier dans le film Le Père Noël est une ordure, achevant d’inscrire cette chanson au panthéon de la culture populaire française.
Dès lors, il poursuit avec succès les seconds rôles comme dans Coup de foudre de Diane Kurys en 1984, L’Été en pente douce de Gérard Krawczyk en 1987 ou Noyade interdite de Pierre Granier-Deferre en 1988, cumulant au total quatre nominations aux César sans compter sa victoire en 1982.
De 1991 à 2003, il incarne à la télévision le personnage culte de Nestor Burma, le redoutable détective privé imaginé par l’écrivain Léo Malet. Huit saisons durant, Guy Marchand a su s’approprier un personnage et son univers, et les nombreuses retransmissions de la série seront toujours suivies avec attention par un public conquis.
Profondément attaché à sa liberté, Guy Marchand ne se sera fermé aucune porte, continuant le cinéma devant la caméra de Christophe Honoré avec le film Dans Paris, interprétant avec humour son propre rôle dans la série Dix pour cent, sans hésiter à explorer de nouvelles voies musicales et littéraires.
Après son autobiographie Le Guignol des Buttes-Chaumont en 2007, il publie plusieurs romans dont Le Soleil des enfants perdus, prix Jean Nohain 2012.
En 2020, son dernier album Né à Belleville sonnait comme un retour aux sources pour un artiste qui n’avait rien oublié du Paris de son enfance. Il aura été jusqu’au bout un homme de passion, mêlant la télévision, la chanson, le cinéma mais aussi le jazz, le tango, le saut en parachute ou encore la boxe et le polo. Guy Marchand a croqué la vie impatiemment, éperdument, passionnément.
Sa voix de crooner et sa « gueule » de cinéma demeureront attachées à notre patrimoine culturel et à tant de chapitres de nos vies.
J’adresse mes sincères condoléances à sa famille et à ses proches.
Rima Abdul Malak