Il avait le visage arrondi de son père et la force tranquille de sa mère. Fils de Pablo Picasso et de Françoise Gilot, administrateur jusqu’au mois dernier de la Picasso Administration qu’il avait fondée en 1995, Claude Ruiz Picasso nous a quittés.
Enfant-muse, mis très jeune en portrait avec sa sœur Paloma par son père et par sa mère, il aura veillé à la mort de son aïeul à préserver et diffuser son héritage.
S'il grandit entre deux artistes dans un monde pétillant de culture et d’idées où les invités du dimanche s’appellent Matisse, Cocteau ou Prévert, loin de lui l’idée de s’inscrire dans les pas de ses parents.
Son père l’emmène pourtant avec lui au musée mais c’est sur la pellicule et la photographie qu’il jette son dévolu.
Après des études partagées entre la France et la Grande-Bretagne, il pose ses valises à New-York. Là, dans la ville de tous les possibles et avec l’énergie de ses 20 ans, il mène de front des études de cinéma et de mise en scène à l’Actor Studio, réalise Tour de manège un film sur Barbara, assiste le photographe Richard Avedon, travaille comme photojournaliste pour Time-Life, Vogue, Saturday Review et a pour voisin d’atelier Andy Warhol.
Devenu pleinement photographe, il se retrouve un temps contraint d’arrêter au décès de son père et rejoint en France l’équipe de Maître Maurice Rheims pour inventorier et estimer plus de 40 000 pièces.
Instigateur du musée Picasso à Paris dont il fut membre du conseil d’administration jusqu’au bout, il se met au service de son rayonnement en donnant à l’Etat des milliers de documents et en facilitant les échanges entre les conservateurs, l’architecte Roland Simounet, le ministère de la Culture et les équipes de la Succession Picasso.
L’Hôtel Salé lui doit d’être aujourd’hui le principal centre d’étude sur la vie et l’œuvre de l’artiste. Outre des tableaux du peintre, on y trouve des œuvres de Braque, Matisse, Miro, Cézanne, Degas ou encore Le Douanier Rousseau ainsi que de nombreuses pièces africaines, ibériques et océaniques.
Tout au long de sa vie, il n’aura cessé de participer à de nombreux projets d’expositions à Paris et ailleurs grâce à son exceptionnelle disponibilité pour prêter les œuvres de sa collection personnelle.
Fervent défenseur du droit d’auteur, il devient ensuite président de la société de perception et de répartition des droits d’auteur pour les artistes visuels où il s’illustre par sa ténacité à protéger les créateurs en signant notamment les premiers accords de réciprocité Est-Ouest entre société d’auteur à Moscou.
Reprenant alors ses activités de photographe, graphiste et designer, il conçoit des pièces en porcelaine, des tapis et des objets en argent que la FIAC de Paris, l’ARCO de Madrid et le Centre International de Recherche sur le Verre de Marseille exposent.
Tout cela sans jamais délaisser les circuits automobiles, sa grande passion après la création et les visites d’exposition, où il aimait disait-il « dessiner la plus belle ligne » au volant de sa Mercedes Gullwing.
« Beaucoup devant un tableau n’attendent pas de voir un clin d’œil, une provocation. Moi je les guette » De la famille qu’il formait avec sa mère, sa sœur et son père, il demeure cette peinture Claude dessinant Françoise et Paloma peint en 1954 où les traits arrondies et le bleu profond de la composition inspirent le calme tranquille de l’union.
J’adresse à sa famille, à ses proches, à sa sœur Paloma, mes plus sincères condoléances.