C’est avec une grande émotion que j'ai appris que Michel Tournier s'était éteint. "Ne gaspille pas le temps, écrivait-il dans Vendredi ou les Limbes du Pacifique, c'est l'étoffe dont la vie est faite". Il ne la quitte aujourd'hui qu'après l'avoir magnifiée.
Longtemps dominé par son exigence, Michel Tournier ne nous offrit son premier roman qu’à quarante ans passés. Ce fut d’emblée une révélation pour le public comme pour ses confrères qui découvraient un merveilleux prosateur. « Vendredi ou les limbes du Pacifique » sera aussitôt récompensé par le grand prix du roman de l’Académie Française. Plus tard, pour le « Roi des Aulnes », il obtint le prix Goncourt en 1970 à l’unanimité.
Dès ses premières œuvres, c’est le souffle de la liberté que ses lecteurs ont trouvé chez Michel Tournier. Placée sous le signe du mythe, l’ambition de son œuvre était à leur mesure – il n’a eu de cesse de créer des mondes pour mieux parler de notre Histoire.
Grand romancier, Michel Tournier était également un grand lecteur, fin connaisseur du domaine allemand, un écrivain dont la philosophie avait été le premier amour, toutes choses qui marqueront profondément son œuvre.
Cet amour de la sagesse, ce goût pour la métaphysique, Michel Tournier aura su les satisfaire par d’autres moyens que le concept. Il restera comme l’un des rares écrivains dont les romans, les contes, les nouvelles pensent, questionnent, réfléchissent sans jamais nous priver des bonheurs du récit. Une littérature d’idées, sans doute, mais pas une littérature à idées.
Ce soir, mes pensées vont à ses proches.