Je suis particulièrement heureux de vous accueillir aujourd'hui, ici, dans ce
ministère qui est la maison commune de tous ceux qui comme vous sont
attachés à l'art et à la culture.
A vrai dire j'aurai préféré vous recevoir dans la Tour, que nous appelons
désormais Médicis, puisqu'elle est maintenant sous la responsabilité de ce
ministère qui l'a acquise il y a quelques semaines. J’aurai aimé imaginer
avec vous tous, sur place, du haut des tours, ce que ce lieu emblématique
pourrait devenir pour symboliser le renouveau urbain de ces quartiers et
inventer un nouvel équipement culturel.
Mais le préfet de la Seine Saint Denis, dans sa grande sagesse, m'a fait
remarquer que nous courrions tous de grands risques, la Tour n'étant plus
aujourd'hui en état de recevoir un public nombreux.
Je m’y rendrai donc avec vous, messieurs les préfets et les maires, et
quelques journalistes, d’ici quelques jours.
Je m’y suis rendu moi-même à trois reprises depuis l’automne 2010.
J’ai demandé à mes services de suivre ce projet avec la plus grande
attention. En novembre 2011, j’ai missionné un administrateur très
compétent et passionné par le projet - Jérôme Bouet – à qui nous devons
les 21 propositions pour relancer le partenariat entre l'État et les
collectivités territoriales dans le domaine culturel.
Il s’est adjoint les compétences de Yvane Chapuis qui a contribué pendant
plusieurs années à faire des Laboratoires d’Aubervilliers un lieu
d’expérimentation au plus près de l’excellence et des citoyens.
Tous deux ont rencontré des élus, des acteurs culturels, des associations ;
ils ont organisé des réunions de travail pour construire, avec vous et les
acteurs les plus éminents, en quelque sorte en temps réel et non pas dans
la relative froideur des audits et des enquêtes techniques, un projet qui fait
sens pour ce territoire.
Je suis convaincu que nous allons réaliser ensemble un projet
exceptionnel.
Tout nous y invite en effet.
D'abord la transformation impressionnante de ce territoire de Clichy-sous
Bois et de Montfermeil, particulièrement du quartier des Bosquets.
La construction de milliers de logements, le remodelage urbain qui
l'accompagne, l'arrivée prochaine du métro, puisqu'une des 56 gares de la
grande boucle de métro du Grand Paris sera implantée là, à quelques
mètres de la Tour, tout cela va changer radicalement la vie des habitants.
Votre engagement citoyen, politique, professionnel, vous tous qui êtes les
premiers acteurs du développement et du progrès de ce territoire, est, lui
aussi, remarquable, et sans lui rien n'aurait été possible.
Je veux saluer en particulier l'action pour la culture des maires, Claude
Dilain maintenant sénateur, Xavier Lemoine et Olivier Klein. Cette action
est ancienne, elle a déjà porté beaucoup de fruits. L'initiative de Jérôme
Bouvier de réaliser en 2006 deux manifestations, « Clichy sans clichés » et
« Des nouvelles de la banlieue » a elle aussi marqué les esprits.
Enfin, atout majeur, la Tour elle-même est une chance qu'il faut saisir : la
capacité d'accueil, la densité qu'elle offre sont des avantages
considérables pour un équipement culturel, qui doit pouvoir recevoir du
public, ménager des espaces plus intimes d'étude et de travail, faciliter la
circulation et les échanges.
Réhabilitée, son aspect extérieur repensé, la tour sera le symbole de
l'avenir du quartier et de son ouverture au monde, un symbole de progrès
et de réussite.
Ce projet de la Tour Médicis, j'en ai une vision que je voudrais vous faire
partager, même si je serai bien entendu très attentif à ce que vous me
direz.
Une telle ambition ne peut se concrétiser que si elle est comprise et
partagée, y compris bien sur par la population la plus proche.
Le projet s'inspire de la Villa Médicis à Rome que je connais bien. Mais il
s'en inspire en l'adaptant, en la transformant.
L'accueil d'artistes du monde entier et de toutes les disciplines me paraît
être au coeur du projet.
La présence d'artistes, leur séjour à Clichy-Montfermeil, les recherches
qu'ils entreprendront, les oeuvres qu'ils créeront en lien avec le territoire
environnant, la manière dont ils transmettront leur travail, tout cela peut
contribuer à transformer le regard porté sur le quartier : le regard de
l'extérieur, le regard aussi que les habitants portent sur eux-mêmes. C'est
un enjeu essentiel.
Les artistes les plus talentueux nous apprennent à regarder le monde, du
plus lointain au plus proche, à le comprendre et à agir sur lui. L'art
contribue à nous rendre acteurs et auteurs de nos vies individuelles et de
notre destin commun.
En plus des résidences d'artistes, le projet de la tour Médicis devra
comprendre une école.
Il faut aider les jeunes des quartiers à accéder à la formation aux métiers
artistiques et culturels.
Ces métiers, comme par exemple dans le secteur des arts plastiques et
visuels, ainsi que des arts appliqués, offrent de réels débouchés
professionnels.
L'expérience de Science Po Paris qui a bâti depuis dix ans, avec succès,
des filières spécifiques pour les jeunes des quartiers nous sera précieuse.
Mais nous devons aussi offrir une chance d’entrer dans les métiers de la
culture à des jeunes qui n’ont pas le bac : une école de la seconde chance
pourrait aussi voir le jour dans ce projet.
Enfin, le projet devra offrir une programmation culturelle ouverte sur le
monde, avec des concerts, des spectacles, des expositions, des
projections, des conférences.
Cette programmation devra attirer naturellement la population proche et,
bien au delà, le public parisien et francilien.
Elle devra divertir, sensibiliser, former, faire découvrir de nouveaux
horizons.
Il nous reste bien entendu un chemin à parcourir pour réaliser ce projet.
Ce chemin nous allons le faire ensemble ; votre soutien, cher Claude
Dilain, cher Xavier Lemoine, cher Olivier Klein, acquis dès l'origine, même
avant que je ne découvre moi-même la Tour, sera déterminant.
Bertrand Delanoë et Claude Bartolone m'ont fait savoir qu'ils approuvaient
la démarche.
De grandes entreprises privées habituellement engagées dans le soutien à
la culture et l'insertion des jeunes ont été contactées et plusieurs d'entre
elles ont fait connaître leur intérêt.
Des discussions ont commencé avec l'Institut Français, l'Ecole nationale
supérieure des beaux arts, la Cité de la musique, le centre Pompidou, le
château de Versailles, le musée du Quai Branly et se poursuivront avec
d'autres établissements publics ainsi qu'avec le tissu extrêmement riche et
dense des institutions culturelles franciliennes.
Nous allons rechercher des partenariats à l'étranger. De grandes
universités, des fondations pourraient conclure des accords pour des
résidences d'artistes. La France est très sollicitée dans ce domaine, son
image culturelle est excellente.
La réhabilitation de la tour et le fonctionnement ultérieur donneront lieu à
une diversité des financements, publics et privés, français et
internationaux. Bien entendu la conjoncture budgétaire est tendue, même
si le budget du ministère est protégé. Mais nous devons faire preuve
d'audace.
Ce que nous inventons ensemble aujourd'hui, c'est un projet original, un
projet qui mise sur l'avenir, sur la jeunesse, sur l'ouverture au monde, sur
la capacité des artistes et de l'art à transformer la vie.
Je vous remercie tous très chaleureusement de votre confiance.