Au tout début des années 1980, émerge l’idée de créer un nouveau festival
de jazz en Basse-Normandie, dans le sud de la Manche, sous la houlette
de Gérard Houssin, alors directeur du Théâtre municipal de Coutances,
avec la complicité et toute l’énergie de Denise et Thierry Giard. Trente ans
plus tard, un modeste festival qui mise à ses débuts sur 4000 entrées est
devenu, avec plus 32000 billets vendus, un rendez-vous à la portée
internationale plus que confirmée. « Jazz sous les pommiers » est devenu
un festival européen majeur, où se rendent les plus grandes pointures du
monde du jazz, au service de l’excellence et de l’ouverture. Cette aventure,
cher Denis Le Bas, vous avez largement contribué à lui donner son âme,
comme directeur de la programmation du festival à ses débuts, puis à la
tête du festival, depuis 26 ans déjà. Il était donc bien naturel de vous
rendre hommage en ce jour anniversaire.
Natif de Villedieu-les-Poêles - tout près d’ici -, diplômé de l’IUT de Tours,
vos premiers pas professionnels vous emmènent vers l’action sociale,
comme animateur dans un foyer de jeunes travailleurs à Cherbourg. Le
batteur amateur que vous êtes s’inspire très tôt, parmi des références
multiples, de l’immense Art Blakey - que vous vous ferez d’ailleurs un
plaisir d’inviter au Festival quelques années plus tard. Vous rejoignez par
la suite l’équipe du Théâtre municipal de Coutances comme régisseur et
animateur, et vous vous impliquez très vite dans l’aventure de ce jeune
festival.
Depuis 26 ans, vous avez su montrer que les plaisirs et les défis de la
programmation n’ont pas de secrets pour vous. Organiser un festival, c’est
toujours trouver des compromis, remplir des cases, se confronter au
casse-tête des disponibilités des artistes, satisfaire ses publics tout en les
ouvrant aux découvertes. Un travail de titan et d’orfèvre, qui se joue parfois
au stylo sur une nappe de café-restaurant ou sur un tableur informatique.
Quand il s’agit de faire le tri des propositions, de canaliser les coups de
coeur, de partir en quête des perles rares, de gérer aussi les caprices des
stars, vous avez toujours su garder le sens de l’équilibre, entre la folle
parade et les concerts rares, des performances exclusives aux after. Votre
capacité fédératrice vous a permis également de bénéficier de l’appui de
l’équipe du Théâtre municipal de Coutances et de l’engagement de
plusieurs centaines de bénévoles passionnés.
Car avec Jazz sous les pommiers, on ne se répète jamais. Votre travail de
programmation a toujours su maintenir et multiplier les passerelles entre le
monde du jazz et ce que vous appelez, d’une très belle expression, les
« musiques cousines » - de la musique de chambre à l’électro et aux
musiques du monde. Cette année encore, le français ce sont Eddy Louiss
et sa fanfare multicolore croisent Paulo Fresu qui tente le croisement avec
le chant corse d’A Filetta. Ce sont Laurent de Wilde aux côtés de Jacques
Gamblin, le quartet de Stéphane Belmondo, Michel Portal, le piano de
Joachim Kühn, les Barbatuques du Brésil, la voix occitane d’André
Minvielle, la batterie d’Aldo Romano, Ron Carter, le Super Rail Band de
Bamako, la voix de Jamie Cullum, la chaleur et la virtuosité manouches du
trio Rosenberg. De l’intimiste aux grands formats, vos cocktails sont
toujours impressionnants, et vous savez jouer avec merveille sur les
moments d’anthologies et les magies éphémères, qui donnent tout son
sens à la notion de « spectacle vivant ».
Et puis il y a l’engagement territorial du Festival. Vous avez oeuvré à
ancrer « Jazz sous les pommiers » dans sa région, en consacrant une
place importante aux pratiques amateurs, en créant des collaborations
avec des établissements comme cette année le collège de Saint-Hilaire-
Du-Harcouët, ou encore avec la participation des écoles de musique de la
Manche. Les hôpitaux et la maison d’arrêt sont aussi de la partie - on
retrouve là votre fibre d’animateur socio-culturel. Vous offrez « Des jazzs
pour des publics », pour reprendre votre expression, et vous réussissez à
toucher aussi bien le néophyte que le spécialiste, en évitant les écueils de
l’ésotérisme auquel une certaine conception du jazz peut parfois se prêter.
Le tout dans un Festival devenu « vert », avec son système de covoiturage,
ses campagnes de recyclage – des aspects essentiels pour une
ville en fête de 11.000 habitants, dont la population quintuple pendant une
semaine.
À la tête du Festival, vous avez su également prouver votre talent pour les
partenariats : la presse, les radios, les télévisions comme France 3
Normandie qui est un partenaire très fidèle de l’événement, les mécènes
viennent s’ajouter aux interlocuteurs institutionnels - le Conseil général, la
ville de Coutances, le Conseil régional, l’Etat via sa Direction régionale
des affaires culturelles.
Je profite de cette occasion pour vous annoncer le renouvellement
du conventionnement du Théâtre municipal pour 3 ans, pour une
quatrième période consécutive.
Les journalistes vous ont apporté une reconnaissance très précieuse dans
un domaine où la réputation et les contacts interpersonnels sont des
ingrédients essentiels de la réussite. Une réussite également pour
Coutances, dont le nom rayonne désormais aussi grâce au jazz.
Vous rendre hommage aujourd’hui, c’est saluer un engagement
exceptionnel, le vôtre et celui de tous ceux qui travaillent à vos côtés,
grâce auquel vous avez donné à « Jazz sous les pommiers » une ligne et
une âme reconnaissables entre toutes. Cher Denis Le Bas, au nom de la
République Française, nous vous faisons Chevalier dans l’Ordre des Arts
et des Lettres.
Discours
Discours de Frédéric Mitterrand prononcé à l'occasion de la remise des insignes de Chevalier dans l'ordre des Arts et des Lettres à Denis Le Bas, directeur du festival « Jazz sous les Pommiers »
Cher Denis Le Bas,
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