C’est une émotion toute particulière d’ouvrir cette soirée de présentation du
film de Mario Martone, Noi credevamo, qui traduit la force des liens et de la
coopération culturelle entre la France et l’Italie, notamment dans le
domaine cinématographique. Alors que j’étais directeur de la Villa Médicis
j’ai pu mesurer ce lien subtil, ténu, gémellaire j’oserais dire, entre nos deux
pays : cette affinité, elle s’est nourrie du « grand tour », elle a été cultivée
dans l’attraction des ruines, dans le charme des paysages de Toscane,
dans le climat de la terrasse sur Rome et ses vestiges. Elle se nourrit
aujourd’hui des échanges et de la créativité dans le domaine du cinéma,
du théâtre contemporain, de la mode, du design.
Je tiens à cet égard à saluer la qualité et la continuité des engagements
d’Arte dans le domaine du soutien à la production cinématographique
européenne. Je tiens également à remercier chaleureusement Jérôme
Clément pour avoir mis à disposition la magnifique salle du Châtelet et
permettre au film de Mario Martone d’être présenté dans les meilleures
conditions.
Il y a près de 150 ans le royaume d’Italie était proclamé à Turin par le roi
de Piémont-Sardaigne, Victor Emmanuel II de Savoie. C’est cette histoire
de bruit et de fureur que nous raconte dans son ample fresque digne de
Dumas, ce romancier qui vécut pleinement les aventures du Risorgimento
aux côtés notamment de ceux que l’on désignait alors sous le terme de
« brigands ».
On oublie trop souvent les liens puissants qui existent entre le processus
unitaire et l’histoire politique, littéraire, diplomatique de la France du XIXe
siècle, des récits de Dumas aux rencontres nombreuses et secrètes de
Napoléon III avec le « grand architecte » de l’unité, Camillo Benso comte
de Cavour (1810-1859). Le film redécouvre cette période méconnue de
l’histoire européenne, dans le sillage de Visconti (Senso) et d’Ermanno
Olmi (I Fidanzati). Il retrace le destin tourmenté de trois adolescents, deux
issus de la noblesse et un fils de paysan, qui consacrent leur vie à
l’indépendance et à la nation italienne. Leur combat aux côtés des
républicains de Mazzini, de ce Gênois en exil qui fit siennes les idées de
révolution et de république, est un chemin semé d’espoirs, de promesses
et de déceptions à l’image du souffle court de la Liberté dans l’Italie préunitaire.
Je tiens à saluer le travail de Mario Martone, directeur du théâtre de Turin,
metteur en scène au talent reconnu, qui excelle autant dans l’Opéra que
dans le cinéma. Co-produit par les Films d’ici et Palomar, le film de Mario
Martone met en scène une fresque historique ambitieuse, enlevée et
pleine de vérité, servie avec une pléiade d’acteurs à forte personnalité, à
l’image de Luca Lo Cascio, inoubliable médecin psychiatre dans La meglio
gioventù, de Toni Servillo, interprète inspiré dans Il Divo.
Cette cérémonie est l’occasion de dire combien l’Italie et la France, riches
de leur patrimoine cinématographique, sont aussi des pays où l’histoire de
la nation a nourri la création et la vision de soi et des autres, de Sacha
Guitry à Bertrand Tavernier, d’Eric Rohmer à Patricia Mazuy. Cette histoire
de la Liberté et des constructions nationales, c’est une histoire de l’Europe,
ce devrait être un horizon partagé, c’est aussi un regard jeté sur le passé
qui doit nourrir nos ambitions pour l’Europe de la culture et du cinéma
demain.