2.Les contours d’une recherche
L’histoire de l’enseignement de l’architecture que nous appelons de nos vœux est scandée, en France au XXe siècle, par trois dates essentielles. Venant après un siècle de développement et de continuité, le système Beaux-arts est mis en mouvement ou en crise à trois reprises : en 1903, date de la création des premières écoles régionales ; en 1940, date d’une réorganisation de l’enseignement (dans la foulée de la réorganisation de la profession) accordant un monopole de l’enseignement à l’École des beaux-arts et dépossédant de leur habilitation les écoles d’ingénieurs et d’arts décoratifs ; et enfin en mai 1968, avec l’éclatement de l’École des beaux-arts et la création des « unités pédagogiques d’architecture » – pensées en rupture avec l’ancien système à Paris et en continuité avec lui en région –, devenues aujourd’hui les « écoles nationales supérieures d’architecture ». Aussi, est-ce à partir de ces nouveaux établissements que nous envisageons de travailler sur cette histoire, en constituant un réseau de chercheurs et de documentalistes qui y travaillent. Quelques années seront nécessaires pour les mobiliser, réunir du matériel et engager des recherches ; aussi proposons-nous de développer ce programme durant quatre ans, de 2016 à 2020.
Partant de ces écoles, l’histoire de leur enseignement conduit à en aborder d’autres. Lors de leur création, en effet, les écoles régionales d’architecture furent parfois installées auprès des écoles régionales des beaux-arts de leur ville d’élection, partageant même leur direction, leur administration, des enseignants et un unique atelier d’architecture. Ce cousinage, qui put se prolonger durant trois décennies, mérite d’être examiné. Au-delà de cette constellation dont l’École parisienne des beaux-arts (Ensba) était le centre et dont la section d’architecture figure à ce titre au cœur de notre projet, il sera intéressant de mener des comparaisons avec les écoles d’ingénieurs, qui jusqu’en 1940, proposèrent des enseignements de l’architecture, en recourant d’ailleurs parfois à des professeurs chefs d’atelier de l’Ensba (Gustave Umbdenstok, Jean-Baptiste Mathon, etc.) ; ce travail, esquissé pour l’école Polytechnique, reste à faire pour d’autres (Ponts et Chaussées, Centrale, École spéciale des travaux publics, etc.). On examinera aussi les relations avec l’enseignement des arts décoratifs (école des arts décoratifs proprement dite et nébuleuse des écoles d’arts appliqués), habilité lui aussi jusqu’en 1940 à délivrer un diplôme d’architecte. Enfin on cherchera à comprendre les aspects internationaux de l’enseignement de l’architecture aux Beaux-Arts : école dont la renommée est mondiale jusqu’en 1914, et qui perd ensuite progressivement son attractivité au profit d’écoles privées ou d’écoles étrangères.
Cette histoire est intimement liée à celle du milieu professionnel. Dans le dernier tiers du XIXe siècle, en effet, la question de l’enseignement de l’architecture, de la délivrance d’un diplôme et de la définition des avantages afférents (valorisation du diplôme, reconnaissance du titre, accès à la fonction publique, monopole de délivrance des autorisations de bâtir, etc.) fut longuement débattue au sein des sociétés professionnelles, parisiennes ou provinciales, des plus élitistes aux plus ouvertes, des plus doctrinaires aux plus éclectiques. Constitués en associations ou même en syndicats, ces sociétés sont demeurées très présentes dans le débat sur l’enseignement (artistique ou technique, théorique ou professionnalisant, régionaliste ou académique, etc.) jusqu’à la création de l’Ordre des architectes, en 1940, qui les vida d’une partie de leur substance professionnelle quand les lois de Vichy ne les interdisaient pas purement et simplement. Si, à Paris, la S.A.D.G. peinait à faire évoluer l’enseignement au niveau national, en région L’Association provinciale des architectes français pouvait revendiquer la paternité des écoles régionales.
Dans ce cadre complexe et mouvant, notre ambition est double. Elle est d’une part d’ouvrir des pistes pour l’écriture de l’histoire de l’enseignement de l’architecture à partir des connaissances déjà acquises et de leur mise en perspective européenne. Elle est aussi d’œuvrer à la conservation des traces qui sont en train de disparaître et de nourrir ainsi les recherches futures, en suscitant la collecte d’archives manuscrites et orales, et en numérisant les sources imprimées devenues rares.
- Comité de pilotage
Ce projet sera mené par un comité de pilotage constitué par des chercheurs à l’origine du projet, des membres du Comité d’histoire, de la mission Archives du ministère, du bureau de la recherche architecturale, urbaine et paysagère, ainsi que par les partenaires impliqués dans le projet..
- Comité scientifique
Un comité scientifique a aussi été constitué. Il regroupe des chercheurs ayant signé des travaux liés à ces sujets, en France comme à l’étranger, et des universitaires spécialistes d’histoire de l’éducation.
- Des institutions partenaires
Ce projet, déjà soutenu par la Direction de l’Architecture du ministère de la Culture doit s’assurer, pour aboutir de la collaboration des institutions qui détiennent des informations et pourraient participer à l’élaboration et la diffusion de ces travaux : Académie d’architecture, Archives d’architecture du XXe siècle, Cité de l’architecture et du patrimoine, École des Chartes, École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, Écoles nationales supérieures d’architecture, Institut national d’histoire de l’art, Ordre des architectes, etc.
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