Le Centre Claude Cahun est membre du Réseau Diagonal et du Pôle des Arts Visuels des Pays de la Loire, il bénéficie du soutien: de la Ville de Nantes, du département de la Loire-Atlantique, de la Région des Pays de la Loire et de la DRAC.
Exposition Terres d'Anne-Marie Filaire
Le Centre Claude Cahun pour la photographie contemporaine présente l’exposition Terres d’Anne Marie Filaire jusqu’au 12 mars 2022 dans sa galerie située 4, rue de Richebourg à Nantes
À l’occasion des Journées de rencontre autour de la photographie PhotographeS, l’artiste viendra parler de son travail à 16h le 3 mars à l’amphithéâtre de l’école des Beaux Arts de Nantes
La question du territoire raconte une histoire, celle du 20e siècle, celle des crises économiques, des guerres et des mouvements de populations, celle des confrontations et celle de ces individus oubliés ou volontairement laissés de côté qui construisent, habitent et détruisent ce territoire.
« Le territoire ne vaut que par les moyens d’en sortir » écrivait Gilles Deleuze. Les images d’Anne-Marie Filaire, elles, racontent un territoire qu’on a sorti de lui-même, un territoire dépossédé de toute définition géographique. Un territoire déplacé, comme les images d’Anne-Marie Filaire qui nous portent là où nous ne pensions pas aller, là où il n’y a rien à voir, circulez! Mais les images d’Anne-Marie Filaire ne circulent pas, elles arrêtent, elles creusent, elles arpentent, elles épuisent des masses de terre qui n’auraient jamais du être montrées. Depuis trois ans, Anne-Marie Filaire regarde ces terres de Paris excavées des profondeurs des sous-sols de la capitale pour construire le Grand Paris Express qui définit le territoire du Grand Paris. La terre n’est rien, ce sont les déplacements des corps qui comptent. C’est donc le réseau de transport qui détermine ce nouveau territoire en construction. Pour creuser ce réseau, les terres enfouies sont extraites par des tunneliers qui cassent les molécules de la terre. Cette terre mise à nue, sans fard, sans habit, sans eau n’avait pas à voir le jour. Sous le soleil elle devient une boue grise et compacte entre carton et goudron. Cette masse, arrachée au noyau du sol est ensuite déversée au-delà des banlieues, sur les pourtours de l’Ile-de-France : Annet, Chelles, Villeneuve-sous-Dammartin deviennent des extensions de Paris. Les villes qui accueillent les nouvelles gares se transforment en purs trajets, stations, passages, seul compte le temps de parcours d’un point A à un point B. Le territoire s’efface, seul reste le paysage. C’est celui-ci qu’Anne-Marie Filaire récolte à travers un road trip photographique. Anne-Marie Filaire, regarde, explore, collecte, remonte des paysages sans ancrage, des paysages comme des personnages de film perdus dans un désert, des paysages qui cherchent leur définition. Comment raconter une terre déplacée ? Comment la montrer ? À la manière de ses travaux réalisés en Palestine, Anne-Marie Filaire offre un regard complexe sur des paysages suspendus. Nous voyageons entre ciels et terres avec des photographies qui plongent dans des zones désertes qui semblent tout droit sorties de films de Michelangelo Antonioni. Nous sommes pourtant aux portes de Paris. Anne-Marie Filaire capte ainsi les derniers déserts urbains avant leur complète disparition.
Exposition Le Modèle et son artiste, regard sur les collections du musée de la Roche-sur-Yon
Le Centre Claude Cahun pour la photographie contemporaine présente l’exposition Le Modèle et son artiste, regard sur les collections du musée de la Roche-sur-Yon jusqu’au 6 mars 2022 à l’Atelier 1, rue de Chateaubriant à Nantes.
Dans son livre Histoires naturelles, Pline l’Ancien évoque la naissance de la peinture avec l’idée du portrait. Selon lui, l’origine de la peinture remontrait à la volonté d’une jeune fille de garder une trace de son amant malgré tout : malgré le temps, l’espace et la guerre qui appelle ce dernier. Le soir avant le départ du jeune homme elle trace sur un mur, à l’aide d’une bougie, les contours de l’ombre projetée de son amant. Il part à la guerre, ses traits seuls demeurent. Cette légende raconte toute la force des images : rendre présent malgré tout, représenter ce qui échappe, contenir l’autre dans un cadre et le garder. La peinture ne se résume pas au portrait, bien sûr, mais lorsqu’il s’agit de saisir les corps l’enjeu de la représentation devient vital : que retient-on dans ces images ? Lorsqu’on pense à l’artiste et son modèle une foule d’images arrive dans l’histoire de l’art : des corps alanguis sur des canapés, des corps dénudés, offerts sans défense aux regards scrutateurs ou bien des corps fiers et méprisants dirigés vers les cieux sans plus aucune attache avec nos problèmes grégaires. Seulement, si on inverse la proposition, si l’artiste et son modèle devient le modèle et son artiste d’autres réalités plus crues occupent le centre du cadre.
Cette inversion ouvre la voix à la manière dont l’histoire s’écrit par la représentation des corps. Elle dévoile que le corps modèle, pris comme canon, comme emblème cache plus qu’il ne montre. La question n’est plus de savoir ce que le corps représente mais comment il est représenté et de quelle façon cette représentation raconte un individu certes, mais aussi et surtout, une société, une idéologie. La peinture ou le dessin ont, depuis des millénaires été utilisés pour raconter les sociétés humaines. La photographie les a, depuis le XIXe siècle, rejoints pour évoquer toute la force de la représentation : rendre de nouveau présent. Les images, parfaits fantômes, constituent nos outils premiers pour lutter contre la peur du néant. Seulement dans cette lutte on en oublie souvent l’impossibilité première de cadrer le vivant. On n’arrête pas un corps qui souffle et l’épaisseur d’un corps, la société qui le nourrit, s’évapore quand on tente de le saisir. Que reste-il de nous dans ces images ?
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