L’exposition "Eugène Carrière, de tendresse et d’amitié" met en lumière les nombreuses facettes de cet artiste à travers des regroupements esthétiques soigneusement pensés. Elle dévoile les influences qu’il a reçues des maîtres du passé tout en soulignant les innovations qu’il a partagées avec ses contemporains, comme Auguste Rodin et Antoine Bourdelle. Cette exposition souligne aussi l’héritage d’Eugène Carrière, notamment son empreinte sur les photographes de la génération suivante et sur ses élèves, qui ont hérité de son approche novatrice. Son enseignement, profondément tourné vers l’expérimentation et l’audace, a ouvert la voie à de nouveaux courants artistiques. Eugène Carrière, en sublimant l’intime, a laissé une empreinte durable sur l’art moderne.
un tête-à-tête avec l’émotion pure
Les œuvres d’Eugène Carrière sont un tête-à-tête avec l’émotion pure. Avec ses tonalités monochromes, il exprime une intensité rare, presque palpable. Son travail se concentre sur le portrait et les scènes d’intimité familiale, où chaque geste et chaque regard révèlent son obsession pour les nuances subtiles de l’âme humaine. En réduisant volontairement sa palette de couleurs, Eugène Carrière dépasse les limites de la peinture traditionnelle. Il cherche à rejoindre les codes universels de la sculpture, du dessin, de la gravure, voire de la photographie, pour capturer l’essence même de ses sujets, bien au-delà de leur simple apparence.
Peintre influent, il entame sa formation à Strasbourg avant de poursuivre à Saint-Quentin, où il est marqué par l’œuvre de Maurice Quentin de La Tour. Il affine ensuite son style à l’École des beaux-arts de Paris sous l’enseignement d’Alexandre Cabanel. Bien que peu enclin à suivre les conventions académiques, Eugène Carrière s’affirme au Salon dès 1877. Dans les années 1880, il adopte une palette monochrome de bruns et de gris, inspirée du sfumato de Léonard de Vinci, du clair-obscur de Rembrandt et Velázquez, et du naturalisme de Théodule Ribot.
Habitué des cafés et salons littéraires, il fréquente notamment le salon d’Edmond de Goncourt, dont il réalise le portrait en 1893. Son œuvre explore le thème de la lecture, qu’il voit comme un moment d’introspection. Ses compositions souvent silencieuses mettent en scène des figures féminines absorbées dans une contemplation, un thème également traité par des contemporains comme Fantin-Latour, Dalou et Besnard dans des cadres intimes et familiaux.
La maternité occupe une place centrale dans l’œuvre de l’artiste, influencée par sa propre vie familiale et ses six enfants. Il érige la femme en symbole de la nature et de la vie, peignant la figure maternelle comme une incarnation universelle, presque sacrée. Ce thème inspire d’autres artistes, dont Antoine Bourdelle et Medardo Rosso. Il se passionne également pour la représentation du corps féminin, qu’il approche comme un hommage à la nature.
Eugène Carrière ne pratique pas la photographie, néanmoins, son œuvre est déterminante dans l'évolution de cet art. Son ami Émile Zola est l’un des premiers à s’y essayer, photographiant ses enfants dans des scènes rappelant les portraits intimes du peintre. Avec ses tons ocres et bruns et ses thèmes familiaux, Eugène Carrière inspire la génération de photographes "pictorialistes" qui, dès 1890, explorent un art monochrome imitant la peinture à travers des manipulations de négatifs. Ce mouvement, soutenu par des revues comme "Camera Work", crée des parallèles esthétiques, notamment entre les œuvres de Carrière et celles d’Edward Steichen.
l’Académie Carrière s'ouvre aux femmes
Eugène Carrière devient également un mentor pour une nouvelle génération d’artistes. Il fonde en 1898 l’Académie Carrière, où il incite ses élèves à cultiver leur propre vision, loin de l’imitation. Bien que son style soit monochrome, il inspire des peintres comme Henri Matisse, André Derain et Jean Puy, qui, avec des palettes vibrantes, donnent naissance au Fauvisme. L’Académie se distingue par son ouverture aux femmes, offrant une plateforme à des artistes féminines comme Octavie Charles-Paul Séailles et Laure Ettighausen-Isaac.
En 1910, Antoine Bourdelle résume ainsi l’influence pédagogique de Carrière : "Tu nous offrais peu de matière sur tes toiles, mais suffisamment pour nous captiver, comme si ta vision prophétique nous ouvrait des portes vers l’infini de nos possibles."
Le musée des Avelines a concouru au label " Exposition d’intérêt national" afin de développer et faire valoir son ambition scientifique à l’échelle nationale, notamment par le biais de partenariats avec de grandes institutions publiques.
Le musée municipal détient l’un des plus importants fonds de peintures et de dessins réalisés par cet artiste grâce aux dons de Charles Oulmont (1883-1984) et de sa veuve Renée Christiane Bourgeon-Oulmont (1897-1992). Cet ensemble inédit est aujourd’hui mis en valeur dans le cadre de l’exposition aux côtés d’œuvres issues de collections privées et 19 institutions publiques.
Une culture accessible à tous
La politique des publics du musée des Avelines prend en compte la nécessité de développer les quatre axes suivants offrant un accès à la culture pour tous :
- Un événementiel de qualité en lien avec les partenaires institutionnels et associatifs de proximité ;
- Une dimension participative ;
- Des animations familiales et intergénérationnelles ;
- L’éveil à la pratique artistique, particulièrement pour les jeunes publics.
L’œuvre d’Eugène Carrière mise en lumière par deux musées franciliens. Si le musée des Avelines, à Saint-Cloud, présente le talent du maître des portraits et des scènes de vie, le musée Eugène Carrière de Gournay-sur-Marne (Seine-Saint-Denis) explore un autre aspect de l’artiste symboliste. L’exposition "Eugène Carrière, dreyfusard, humaniste et féministe" met en avant ses engagements profonds, révélant une facette militante du peintre, impliqué dans les grands débats de son époque.
Exposition : "Eugène Carrière, peintre humaniste et engagé", du 6 octobre 2024 au 30 mars 2025
"Eugène Carrière est quelque chose de plus qu'un peintre, il est un admirable et visionnaire poète, et il a mis dans ses toiles plus que de la peinture, il y a mis de la plus noble bonté et de la plus haute philosophie." Octave Mirbeau
Cette exposition met en lumière l’engagement humaniste au cœur de la pensée et de l’œuvre d’Eugène Carrière. Dès 1871, avec sa lithographie intitulée "Les Droits de l’Homme", Carrière amorce une quête artistique et personnelle pour la justice, la tolérance et la liberté, inspirée par sa proximité avec les milieux populaires. Profondément affecté par l’Affaire Dreyfus, Carrière traduit ses convictions dans sa peinture, toujours universelle et sans dogmatisme. Son ouverture d’esprit le positionne à l’avant-garde des idées de son époque, faisant de son œuvre un écho aux grandes questions sociales et politiques.
Musée Eugène Carrière, Gournay-sur-Marne 5 Rue Ernest Pêcheux, 93460 Gournay-sur-Marne
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