En ce mercredi matin glacé de novembre, la cloche de la cathédrale Saint-Louis de Versailles sonne dix heures. Une fumée commence à apparaître sur le toit, sous l’œil inquiet des passants. L’alarme retentit. C’est le top départ de cette matinée de manœuvres organisée par le Service départemental d’incendie et de secours des Yvelines (SDIS 78), la DRAC Île-de-France, la Mission sécurité sûreté et audit du ministère de la Culture (MISSA) et la préfecture des Yvelines, dans le but d’éprouver la chaîne de décision et le rôle de chacun, avec un objectif prioritaire pour cette matinée : tester en conditions réelles le "Plan de sauvegarde des biens culturels" (PSBC) élaboré par la DRAC. Pour l’occasion, une délégation de pompiers grecs a fait le déplacement, afin d’observer le savoir-faire français en matière de protection patrimoniale.
Affectée au clergé pour l’exercice du culte, la cathédrale Saint-Louis de Versailles est – comme les 86 autres cathédrales de France – la propriété du ministère de la Culture. Elle est ainsi placée sous la responsabilité directe de la DRAC qui exerce des missions fondamentales de conservation, de protection et d’entretien sur le monument historique, de maîtrise d’ouvrage en cas de travaux de restauration, mais aussi de "responsable unique de sécurité" – rôle confié à l’architecte des Bâtiments de France. Les équipes de la DRAC sont donc en première ligne en cas de sinistre, et se préparent tout au long de l’année au pire, dans un dialogue étroit avec le SDIS.
Un scénario élaboré pour tester les principales manœuvres
Pour cet exercice, que les pompiers qualifient de "manœuvres d’entraînement", il ne s’agit pas de respecter précisément la chronologie du scénario, mais de tester en conditions réelles les points les plus cruciaux : éprouver le matériel, exercer le personnel de la cathédrale et les bénévoles du Bouclier Bleu de France, évaluer la transversalité et l’échange d’informations, et enfin tester le PSBC en exercice avec tous les acteurs en présence.
Pour cette opération inédite, 50 pompiers sont mobilisés. Une fois arrivés sur site, les engins sont déployés sur le parvis et dans les rues adjacentes. Le véhicule du poste de commandement est posté sur le parvis, tandis que le bras élévateur – celui qui avait participé au sauvetage de Notre-Dame de Paris le 15 avril 2019 – prend place près du transept ouest, et la grande échelle près du transept est. Les pompiers pénètrent dans l’édifice et s’aperçoivent que des eaux de ruissellement et des matières incandescentes menacent les œuvres dans la sacristie et la nef. L’expert patrimoine du SDIS prend alors connaissance du "Plan de sauvegarde des biens culturels" et fait appel aux équipes de la DRAC.
Les œuvres de la cathédrale au centre des attentions
Le "plan de sauvegarde des biens culturels" (PSBC) répond à l’objectif de protection du patrimoine culturel rappelé dans le plan ORSEC. Exploité en situation d’urgence, c’est un document simple et pragmatique, qui permet d’identifier les œuvres majeures (priorités 1 et priorités 2) localisées sur un plan, en précisant les consignes de manipulation pour leur déplacement vers une zone de repli sécurisée. Le SDIS possède les plans de la cathédrale et le plan d’évacuation des œuvres.
Le PSBC de la cathédrale Saint-Louis de Versailles a été révisé par la DRAC à l’été 2024, en collaboration avec les équipes du SDIS 78. Les biens retenus sont des objets d’intérêt patrimonial majeur (œuvres, mobiliers, objets du trésor). L’exercice est réalisé à partir des œuvres réelles, mais en nombre plus limité que dans le PSBC réel. Il a pour objectif de tester concrètement le PSBC sur le terrain en déployant les moyens techniques et sécuritaires nécessaires.
La DRAC inscrit son action dans le plan national "Sécurité des cathédrales"
À la suite de l’incendie de Notre-Dame de Paris survenu le 15 avril 2019, la Mission de la sécurité, de la sûreté et de l’audit (MISSA) de la Direction générale des patrimoines et de l’architecture (DGPA) a élaboré un plan d'action "Sécurité des cathédrales", mis à jour à plusieurs reprises depuis.
En Île-de-France, grâce aux crédits mobilisés dans le cadre du plan de relance, la DRAC a réalisé un audit exhaustif des cathédrales Saint-Étienne de Meaux, Saint-Louis de Versailles et de la basilique-cathédrale de Saint-Denis. Ces analyses approfondies ont permis d’identifier les vulnérabilités et de formuler des recommandations ciblées, traduites en actions concrètes pour améliorer la sécurité de ces édifices emblématiques.
Depuis 2020, des travaux d’envergure ont été entrepris, axés sur la prévention des risques et la modernisation des installations. Les équipements électriques et les dispositifs de sécurité incendie ont bénéficié d’une maintenance préventive et curative, tandis que les réseaux de fluides ont été inspectés et optimisés. Un effort particulier a été consenti au nettoyage des combles, afin de réduire les risques d’incendie dus à l’accumulation de poussière. Parallèlement, les procédures de permis feu pour les travaux à risque ont été renforcées, accompagnées de contrôles accrus en partenariat avec les coordinateurs de sécurité.
La formation des intervenants locaux constitue également un pilier de cette démarche. À la cathédrale Saint-Louis de Versailles, des sessions spécifiques ont été organisées pour le personnel de la DRAC et les affectataires religieux, complétant un dispositif global de sensibilisation.
Focus sur les travaux réalisés à la cathédrale Saint-Louis
La cathédrale Saint-Louis de Versailles illustre parfaitement l’efficacité des mesures mises en place dans le cadre du plan "Sécurité des cathédrales". Entre novembre 2022 et mars 2023, le grand comble de l’édifice a fait l’objet d’une opération de recoupement supervisée par l’architecte en chef des monuments historiques. Ces travaux ont permis un nettoyage approfondi des zones empoussiérées et une réduction de la concentration de plomb, facilitant ainsi les interventions futures. Des installations sont également améliorées, aussi bien au niveau de l’éclairage que des systèmes d’extincteurs automatiques au CO2.
Afin de garantir une meilleure accessibilité aux secours, un boîtier de clés sécurisé a été installé et des notices de sécurité détaillant les mesures en place ont été élaborées. Le SDIS 78 a également renforcé sa préparation par des visites régulières et des exercices sur site.
Le PSBC constitue l’un des éléments-clés du dispositif supervisé par la DRAC pour protéger les œuvres que renferme l’édifice. Ce 20 novembre, à deux semaines de la réouverture de Notre-Dame de Paris, il a montré toute sa pertinence et son efficacité.
L'exercice incendie en images
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