La cité épiscopale de Meaux forme un ensemble historique exceptionnellement bien conservé, composé de plusieurs monuments historiques protégés par des remparts antiques et partagés entre les deux propriétaires État/Ville. Afin d'assurer la bonne conservation de cet ensemble et améliorer sa mise en valeur, Ville et État se coordonnent pour le lancement d’un programme de restauration dont une partie est inscrite au contrat de plan État-Région 2021-2027 pour un montant de 1,83 M€ fléché sur la restauration et le réaménagement du parcours de visite et la valorisation du musée Bossuet. Un programme de restauration de la cathédrale en cours concerne l’ensemble de la façade occidentale et se déroule en plusieurs phases depuis 2022, du nord vers le sud. Fin avril, la partie de la Tour noire — une tour en pan de bois du 15e siècle — a démarré.
Charpente de la Tour noire de la Cathédrale Saint-Étienne de Meaux © Nicolas Thouvenin
La Tour noire de Meaux : une construction temporaire depuis plus de cinq siècles
La façade occidentale de la cathédrale Saint-Étienne de Meaux se reconnaît entre toutes grâce à la présence d’une curieuse construction recouverte de bardeaux de châtaigniers surnommée "la Tour noire". Monté rapidement au 15e siècle sur le socle de pierre d’une tour inachevée, cet ouvrage en pan de bois était conçu à l’origine comme un clocher temporaire… qui n’a jamais été remplacé par une tour de pierre.
L’histoire de la construction de la cathédrale de Meaux a connu de nombreuses péripéties. Si la présence d’une église et d’un baptistère à Meaux est attestée dès le 7e siècle, la première pierre de l’édifice gothique que l’on découvre aujourd’hui est posée dans le chœur vers 1185.
Au siècle suivant aboutit la construction du transept et des deux premières travées de la nef. Il faudra toutefois attendre la fin du 16e siècle pour voir l’achèvement des trois dernières travées de la nef et de la façade occidentale avec ses tours.
Cathédrale Saint-Étienne de Meaux © Nicolas Thouvenin
La base en pierre de la tour sud est pourtant commencée dès le 14e siècle, mais en 1358, les travaux sont interrompus en raison de troubles politiques et d’un vaste incendie qui ravage la cité. Entre 1422 et 1439, Meaux est occupé par les Anglais et les travaux sont à nouveau interrompus. La tour noire est érigée sous l’épiscopat de Jean-du-Drac entre 1459 et 1473 et recueille les cloches du clocher roman qui vient d’être abattu. En 1540, les cloches sont installées dans la tour nord en pierre qui vient d’être achevée. La tour sud restera en l’état.
Cathédrale Saint-Étienne de Meaux © Nicolas Thouvenin
Le chantier de restauration constitue une formidable opportunité de mieux connaître la tour noire
La tour noire, coiffée d’ardoises, conserve toute sa structure en pan de bois d’origine et une toiture en pavillon dotée d’une belle charpente ancienne. À la fin du Moyen-Âge, le pan de bois était apparent, avec remplissage en torchis.
On ignore à quelle date les murs, sans doute fragilisés, ont revêtu un parement de bois ou d’ardoises, mais toutes les représentations anciennes connues, depuis le 17e siècle, représente la tour noire ainsi parée.
Cathédrale Saint-Étienne de Meaux © Nicolas Thouvenin
Le chantier de restauration constitue une formidable opportunité de mieux connaître la tour noire. L’analyse des traces d’outils et des marques de construction ou encore la datation des bois par dendro-chronologie apporteront de précieuses informations.
Le portail Sainte-Anne, niché sous la tour noire, dernier portail de la façade occidentale, sera quant à lui restauré lors de la prochaine phase de travaux.
Le projet de restauration : une nouvelle vêture pour la tour noire
Le pan de bois de la tour noire a probablement été recouvert d’un revêtement protecteur mixte d’ardoises et de bois dès le 17e siècle. Cette couverture est restaurée en 1802, puis à la fin des années 1970, la tour revêt un essentage de châtaigniers neuf.
Quarante ans plus tard, les parties les plus exposées aux intempéries souffrent d’un état de dégradation avancé et la tour est placée sous un filet protecteur pour prévenir la chute d’éléments sur la voie publique. Les études de restaurations sont lancées.
Cathédrale Saint-Étienne de Meaux © Nicolas Thouvenin
La charpente est globalement en bon état, mais certaines poutres sablières sont exposées à la pluie. Le remplacement complet de l’essentage permettra d’y remédier, couplé avec une reprise du système d’eau pluviale.
Des protections anti-volatiles seront installées pour protéger l’ouvrage restauré et empêcher la pénétration des oiseaux dans l’édifice. À l’intérieur de la tour, les bois de charpente altérés seront remplacés et des renforts métalliques seront posés afin de limiter les déformations et de consolider la structure.
La consultation des archives a confirmé la présence ancienne d’ardoises sur les élévations : les bardeaux de châtaigniers couvraient les parties verticales du parement tandis que l’ardoise formait une jupe autour des parties en pente, plus fragiles. C’est le parti de restauration qui est retenu, plus durable et conforme à un état historique bien documenté.
Cathédrale Saint-Étienne de Meaux © Nicolas Thouvenin
Les baies médiévales bouchées parfaitement visibles sur la photo ci-dessus correspondent aux ouvertures de l’ancien clocher. Elles seront remises en valeur par la restauration.
Les maçonneries de pierre du massif sud et les coursières seront nettoyées, les pierres cassées remplacées, les reprises en ciment purgées, les éléments sculptés - gargouilles, feuilles de choux des corniches – restaurés...
Des interventions viendront garantir la mise hors d’eau du massif : étanchéité, traitement des fissures, pose de protections, mais aussi la mise en sécurité : garde-corps, circulations. Le système de sécurité incendie sera entièrement révisé et mis en conformité avec les normes en vigueur.
Cathédrale Saint-Étienne de Meaux © Nicolas Thouvenin
Enfin, la colonie de chauve-souris de la cathédrale retrouvera son habitat à l’issue des travaux grâce à l’installation de chiroptières. Elles bénéficieront de nichoirs temporaires pendant le chantier.
Le chantier : une pluralité de savoir-faire au service de la restauration
La DRAC Île-de-France
La cathédrale est propriété de l’État et monument historique classé depuis 1840. Le ministère de la Culture assure l’ensemble des travaux de restauration par l’intermédiaire de la DRAC Île-de-France, service déconcentré du ministère de la Culture placé sous l’autorité du préfet de la région.
Cathédrale Saint-Étienne de Meaux © Nicolas Thouvenin
En son sein, la Conservation régionale des monuments historiques, composée d’architectes, ingénieurs, techniciens et conservateurs, assure la maitrise d’ouvrage.
L’Architecte en chef des monuments historiques (ACMH)
© Nicolas Thouvenin
Michel Trubert et son agence assurent la maitrise d’œuvre de l’opération. Après avoir conçu le projet de restauration, il coordonne et supervise sa mise en œuvre avec les entreprises de travaux.
L’économiste, le coordinateur SPS et l’électricien
Un économiste indépendant, le cabinet Pilte, concourt au chiffrage des coûts de l’opération et un coordinateur santé sécurité, BTP Consultants, veille au respect des bonnes conditions de travail pour l’ensemble des intervenants. Enfin, l’équipe de l’entreprise Cerelec s’occupe de la mise en conformité de l’installation électrique et des installations de sécurité incendie.
Les charpentiers
L’entreprise Cruard effectue les interventions de charpente suivant des techniques traditionnelles de remplacement de bois et d’assemblage.
Les couvreurs
© toiture Le Ny
Les couvreurs de l’entreprise Le Ny effectuent une pose au clou des ardoises et de l’essentage de bois qui recouvrent le pan de bois de la tour.
© : Le Ny et SARL Richard
Les bardeaux de châtaignier (ou tavaillons) sont en bois issus de la gestion forestière durable, fendus au départoir, un fer droit non affuté, et non pas sciés, pour limiter les déformations face aux intempéries.
Les maçons et tailleurs de pierre
La cathédrale Saint-Étienne a été construite dans un calcaire local extrait des anciennes carrières de Varreddes et d’Isles-les-Meldeuses. Sa finesse de la pierre la rend très fragile.
Maçon, tailleur de pierre © Léon Noël
Les parements sont d’abord nettoyés et débarrassés des micro-organismes par l’entreprise Léon Noël. Certains blocs sont ensuite ragréés, voire remplacés et les tailleurs de pierre s’attachent à resculpter les parties manquantes des frises ornées et des gargouilles.
Le ferronniers soudeurs
ferronnier© Picard Dubosq
L’entreprise Picard Duboscq prend en charge les ouvrages de métallerie et de serrurerie. Outre les garde-corps, elle restaure artisanalement la croix sommitale de la tour.
Légende image d'entête "Cathédrale Saint-Étienne de Meaux" © Nicolas Thouvenin
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