À la suite du chantier des collections et de leur transfert, la première phase de travaux bâtimentaire de pré-curage et de désamiantage débute courant novembre sur le site originel, classé dans sa totalité au titre des monuments historiques. En parallèle de ces travaux, une exposition " Une histoire d’amitié, Louis Pasteur et Jean-Jacques Henner " est présentée au Musée national Jean-Jacques Henner à Paris.
Labellisé Maison des Illustres en 2012, le musée Pasteur, ouvert au public depuis 1936, est installé dans l’appartement où l'illustre chercheur passe les sept dernières années de sa vie. Cette dernière période de vie pour Pasteur, 1888-1895, correspond à tous les honneurs de son œuvre scientifique : jubilé, réception de prix… Il est effectivement le bienfaiteur de l'humanité.
Son petit-fils, le Professeur Louis Pasteur Vallery-Radot, attaché à immortaliser l’âme et la quintessence des lieux, s’emploie alors à reconstituer l'appartement dans son aménagement initial (les pièces sont conservées en l'état) et fait don en 1969 à l'Institut Pasteur de tous les meubles et objets ayant appartenu à ses grands-parents. Louis Pasteur et son épouse reposent dans l’impressionnante crypte d’inspiration byzantine du bâtiment historique.
Musée Pasteur © Institut Pasteur/François Gardy
Première phase de travaux sur le bâtiment historique accompagnée par la DRAC Île-de-France
Opération de pré-curage et de désamiantage du bâtiment historique Les travaux de pré-curage et de dépose en conservation, concernent les stricts éléments rapportés, c’est-à-dire les éléments modernes et non patrimoniaux. En revanche les éléments architecturaux d’origine seront conservés : sols carrelés, plinthes, cloisons, menuiseries, corniches et moulures, qui permettent de retrouver la distribution originelle du bâtiment en vue de sa restauration et de sa valorisation au sein du projet muséal. Toutes les menuiseries seront conservées car elles sont d’origine et en bon état sanitaire. Le projet bénéficie du contrôle scientifique et technique de la Conservation régionale des monuments historiques (CRMH) et de l’expertise du service des musées de la DRAC Île-de-France. |
Rencontre avec Laurence Isnard, conservatrice du patrimoine et responsable du musée Pasteur
L’Institut Pasteur est avant tout connu comme un centre de recherche scientifique et pas forcément comme un site patrimonial. Pourriez-vous nous présenter le projet en cours ?
L'Institut Pasteur est un centre de recherche d’envergure internationale dont les objectifs principaux sont la compréhension, la prévention et le traitement des maladies, à travers quatre missions : la recherche, l’innovation, l’enseignement et des actions de santé publique. Du point de vue juridique, c’est une fondation privée reconnue d’utilité publique fondée par décret du 4 juin 1887. Le "campus", terme utilisé par les collaborateurs de l’Institut Pasteur pour désigner le site, s’étend sur cinq hectares au cœur du 15e arrondissement de Paris et regroupe une quarantaine de bâtiments qui témoignent chacun à leur manière de l’histoire de l’architecture depuis la fin du 19e siècle jusqu’à nos jours.
"Repenser l’offre muséale existante, préserver et valoriser l’intérêt patrimonial"
Le bâtiment historique, conçu par Eugène Petit et Félicien Brébant, constitue le site originel. Composé de deux corps de bâtiments reliés par une galerie, il conserve les traces du service de la rage (où des milliers de personnes du monde entier sont venus se faire vacciner à partir de 1888), de laboratoires et des premières salles de cours de microbiologie. Il abrite aussi le musée Pasteur, créé en 1936.
En mai 2022, l’Institut Pasteur s’est engagé dans le projet de réhabilitation et de restauration de ce bâtiment classé dans sa totalité au titre des monuments historiques. Dans ce contexte, il a été décidé de repenser l’offre muséale existante, dont l’intérêt patrimonial doit être préservé et valorisé, en développant de nouveaux espaces d’exposition et de médiation scientifique qui seront largement ouverts aux publics. L’objectif, pour la réouverture du musée envisagée en 2028, est de mieux faire connaitre le patrimoine historique et scientifique de l’Institut Pasteur et de nourrir un dialogue éclairé et constructif entre sciences et société.
"2023, une année charnière dans la dynamique du projet"
Quel est l’objectif de cette première étape du chantier de réhabilitation et de restauration du bâtiment historique ?
La première étape du chantier bâtimentaire, qui débute en ce mois de novembre 2023, concerne le curage et le désamiantage de toutes les installations techniques majoritairement localisées dans les anciens laboratoires. Ces travaux sont essentiels car ils vont permettre de retrouver les cloisons et les sols historiques. On y verra plus clair après le retrait de l’ensemble de ces éléments, notamment pour penser les espaces dévolus au futur musée de l’Institut Pasteur.
Conditionnement des plaques de verre de la collection du musée Pasteur © Musée Pasteur/Institut Pasteur
Combien d’étapes avant la réouverture du musée de l’Institut Pasteur ?
Beaucoup je pense. Mais avant tout la priorité du moment c’est l’écriture du projet scientifique et culturel du musée. 2023 est une année charnière dans la dynamique du projet avec la finalisation du chantier des collections, le transfert des collections vers un espace de stockage externe et les premiers échanges entre la maitrise d’ouvrage et le groupement de maitrise d’œuvre dont l’agence d’architecture Lagneau est le mandataire.
Comment se traduit l’accompagnement de la DRAC Île-de-France ?
Le projet bénéficie d’une part du contrôle scientifique et technique de la Conservation régionale des monuments historiques (CRMH) car le bâtiment est classé dans sa totalité par arrêté du 13 novembre 1981 et d’autre part de l’expertise et des conseils du service des musées car le musée Pasteur est labellisé Maisons des Illustres depuis 2012. Au-delà du soutien financier, l’accompagnement exigeant de la DRAC est un gage de qualité et de réussite pour le projet culturel et patrimonial.
Comment s’est déroulé le chantier des collections qui s’est achevé en juin dernier ?
"12 406 biens culturels de la collection inventoriés, récolés, photographiés, informatisés"
Ce chantier conduit en collaboration avec la société GRAHAL (Groupe de Recherche Art Histoire Architecture Littérature) a été extrêmement important. Il n’est d’ailleurs pas encore totalement terminé car nous sommes en train de finaliser la migration des données sur notre base de gestion des collections. Il a permis d’inventorier, récoler, photographier, informatiser et préparer le transfert des 12 406 biens culturels de la collection.
On imagine une véritable ruche où restaurateurs et restauratrices du patrimoine sont à pied d’œuvre : est-ce un peu cela ?
Effectivement neuf conservateurs-restaurateurs de différentes spécialités (bois, textile, métal, arts du feu, sculpture, peinture, cadre, photographie, arts graphiques…) sont intervenus à différents moments du chantier soit pour stabiliser les œuvres avant leur départ soit pour établir des préconisations et un chiffrage des interventions à programmer en amont de leur réintégration dans le musée.
Ce chantier a-t-il permis de belles surprises, des découvertes aussi ?
Conditionnement des instruments scientifiques de la salle des souvenirs scientifiques © Institut Pasteur/musée Pasteur
Oui, il y a eu plusieurs moments forts. Chaque jour avait son lot de surprises et parfois de stress aussi. Le moment le plus insolite se rapporte peut-être au traitement du placard au-dessus de l’office proche de l’entrée du musée. Personne au sein de l’équipe n’avait jamais vu ce qu’il contenait. Lorsqu’après un important déballage de tissus et mobiliers divers, nous avons découvert le berceau de la famille Pasteur sur lequel sont inscrits les noms des enfants et des petits-enfants, nous avons été collectivement très émues.
Premiers objets sortis des vitrines - salle des souvenirs scientifiques © Musée Pasteur/Institut Pasteur
Mais, l’opération la plus emblématique et la plus complexe a concerné le traitement de la salle des souvenirs scientifiques. Comment faire pour sortir de ces vitrines étroites les ballons en col de cygne, les tubes en U et autres montages expérimentaux fragilisés par le temps ? Quels conditionnements retenir pour éviter les altérations ?
Portrait de Pasteur dans son laboratoire de l’École Normale Supérieure par Albert Edelfelt © Institut Pasteur / François Gardy
Enfin le décrochage du célèbre portrait de Pasteur dans son laboratoire de l’École normale supérieure par Albert Edelfelt (1854-1905) qui trônait jusqu’alors dans la grande salle à manger, a concrétisé le début des opérations de transfert des œuvres. Ce fut un moment bref mais très fort.
Certaines de ces collections offrent-elles plus d’émotions que d’autres ?
Ma plus grande émotion est sans aucun doute la découverte dans les réserves, des classeurs dans lesquels sont rangés les portraits photographiques des "Mordus" venus se faire vacciner depuis la mise au point du vaccin antirabique. On y voit des femmes, des hommes, des enfants de tout âge et de tout horizon. Après la pandémie du Covid-19, je mesure de façon très sensible comment la mise en œuvre de la vaccination antirabique, a pu transformer la société à la fin du 19e.
Réserve du musée Pasteur © Musée Pasteur/Institut Pasteur
Où sont conservées aujourd’hui les biens du Musée ?
Les collections ont rejoint un espace de stockage de la société CHENUE, prestataire retenu pour le déménagement des collections et leur anoxie. Situé dans le Nord de Paris, ces réserves externes nous permettent de maintenir un accès aux collections afin de programmer les restaurations nécessaires et poursuivre les mouvements d’œuvres dans le cadre d’une politique de musée hors-les-murs qui participe au rayonnement du musée.
C’est extraordinaire de pouvoir participer à la rénovation d’un lieu aussi emblématique ? Comment vivez-vous cette expérience ?
Je suis effectivement très heureuse d’avoir rejoint l’Institut Pasteur et de piloter cette transformation muséale qui associe sciences, patrimoine et histoire mais je suis aussi très consciente de la responsabilité qui m’incombe. C’est un beau challenge !
© Musée Pasteur/Institut Pasteur
Comment est née l'idée de présenter une exposition dédiée à l’amitié entre Louis Pasteur et le peintre Jean-Jacques Henner ?
Le peintre Jean-Jacques Henner (1829-1905) a réalisé entre 1876 et 1877, les portraits de Louis Pasteur (1822-1895), de sa fille, Marie-Louise (1858-1934) et de sa belle-fille, Jeanne Boutroux (1854-1932), épouse de son fils, Jean-Baptiste. Ces trois portraits présentés depuis 1936 dans le grand salon du musée allaient, dans le cadre des travaux, être emballés et retirés de la vue du public pendant au moins quatre ans. Connaissant le Musée national Jean-Jacques Henner, également labellisé Maisons des Illustres, j’ai pensé qu’il serait judicieux de profiter de l’occasion unique des travaux pour valoriser ces œuvres hors des murs du musée de l’Institut Pasteur. Maeva Abillard, conservatrice du Musée Henner s’est tout de suite montrée très enthousiaste par cette proposition de dépôt. L’idée d’une exposition dossier sur l’amitié entre le scientifique et l’artiste a surgi tout naturellement au fil de nos échanges.
"Une histoire d’amitié, Louis Pasteur et Jean-Jacques Henner"
L’exposition "Une histoire d’amitié, Louis Pasteur et Jean-Jacques Henner" est présentée au Musée Jean-Jacques Henner du 15 novembre 2023 au 3 mars 2024.
En raison de la restauration et de la réhabilitation du bâtiment historique de l’Institut Pasteur, classé au titre des monuments historiques, dans lequel se trouve le musée Pasteur, le musée Pasteur a proposé la mise en dépôt des trois portraits réalisés par Jean-Jacques Henner (1829-1905) à la fin des années 1870 : celui de Louis Pasteur (1822-1895), celui de sa fille, Marie-Louise Pasteur (1858-1934) et celui de sa belle-fille Jeanne Boutroux (1854-1932).
Affiche de l'exposition © Musée Jean-Jacques Henner
Le Musée Jean-Jacques Henner a décidé de consolider cette collaboration en consacrant une exposition-dossier à l’histoire de la longue amitié qui a lié l’illustre scientifique et le peintre talentueux. Les archives du Musée Henner (agendas du peintre, lettres de Pasteur, ouvrages dédicacés) sont ici richement complétées par les généreux prêts du musée Pasteur (photographies, sculpture, archives, peintures, dessin). Ces œuvres et documents éclairent leur relation d’un jour nouveau et de nombreuses similitudes entre les deux hommes peuvent être esquissées.
Un attachement commun à leur terroir d’origine
Jean-Jacques Henner est issu d’une famille de paysans alsaciens. D’origine modeste mais cultivés, ses parents se sacrifient pour lui donner accès à des études. Sa vie durant, faisant carrière à Paris, Henner n’en oublie pas pour autant sa région natale à laquelle il reste viscéralement attaché. Il rentre ainsi dans le Sundgau en fin d’été chaque année pour se ressourcer loin de l’agitation parisienne durant un à deux mois. Il aime à se promener dans la campagne environnante, profiter de son verger et de ses animaux.
Louis Pasteur, plus âgé de quelques années que Henner, est né à Dole, dans le Jura en Franche-Comté, région frontalière de l’Alsace. Son père Jean-Joseph, après avoir servi dans l’armée de Napoléon, reprend son métier de tanneur. Il est convaincu que sa condition modeste n’est pas une fatalité. Il lui inculque des valeurs liées au travail, à la volonté et à l’ambition dont le jeune Louis se souviendra toute sa vie. Aussi sait-il s’entourer d’un cercle choisi de professeurs, médecins, commerçants, officiers… De ces ancêtres issus de la montagne, ancrés dans un pays qui forge des caractères combatifs, tenaces, il en acquiert bien des traits. Louis Pasteur est à l’image de son milieu.
Des liens d’amitié avec toute la famille Pasteur
Les séances de pose avec Marie-Louise et Jeanne ont consolidé les liens entre Henner et toute la famille du savant. Pasteur eut cinq enfants mais seuls deux ont atteints l’âge adulte, Jean-Baptiste (1851-1908) et Marie-Louise. Pasteur invite Henner à venir lui rendre visite à Arbois en août 1876 mais le séjour n’a pas lieu. La famille Pasteur accompagne avec grand plaisir Henner lors de visites au Salon, la plus grande manifestation artistique de la capitale. Henner est régulièrement invité à dîner chez la famille.
Une profonde admiration pour l’art de Henner
De sa formation première, Pasteur conservera un intérêt pour l’art durant toute sa vie. Il ignore les artistes novateurs tels que les Impressionnistes, leur préférant Couture, Dubois ou Perraud, négligeant Courbet et méprisant Manet. Très admiratif de l’art de Henner, il commande en juin 1876 le portrait de sa fille Marie-Louise, future épouse de René Valléry-Radot, qui est achevé le 12 juillet. Le modèle âgé alors de 18 ans est représenté de trois quarts sur un fond brossé vert foncé, comme le sont habituellement les portraits de Henner. Seules deux taches rouges, un nœud dans les cheveux de la jeune fille et un ruban attaché autour de son cou, ressortent de la composition. Henner apporte un soin particulier au traitement des carnations du visage. Ces séances de pose sont documentées par les agendas du peintre et les lettres de Pasteur.
Anonyme, Portrait de Jean-Jacques Henner, vers 1858, photographie, Paris, archives du musée national Jean-Jacques Henner
Le 14 novembre 1888, Henner assiste à l’inauguration de l’Institut Pasteur, qui est à la fois un dispensaire où l’on vaccine contre la rage, un lieu d’enseignement et de recherche, en présence du président de la République, Sadi Carnot.
"Pasteur ne sera pas inhumé au Panthéon"
Henner en est très affecté par la disparition de son ami le 28 septembre 1895. Il assiste à ses obsèques nationales le 5 octobre et visite ensuite le 18 décembre 1896 la crypte dans laquelle Pasteur est inhumé au sein même de l’Institut Pasteur. C’est sa famille, et notamment Madame Pasteur, qui est à l’origine du choix de faire reposer la dépouille du grand homme au sein de son Institut, signe de son indépendance, le Gouvernement ayant pourtant souhaité une inhumation au Panthéon. Le peintre participe au comité en vue d'ériger une statue en l’honneur du grand homme, dont la charge est confiée au sculpteur Falguière.
Photo d’accroche de l’article en vignette sur le site : Dépoussiérage du cadre du célèbre portrait ... © Institut Pasteur / François Gardy
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