2 donations majeures pour les cultures arctiques : d'un geste, deux mondes
À l’occasion de l’inauguration du nouveau parcours permanent du musée de Boulogne-sur-Mer, "Mondes arctiques", consacré aux cultures autochtones du Grand Nord américain, deux ensembles exceptionnels ont officiellement intégré les collections publiques françaises.
Cette cérémonie, en présence de nombreuses personnalités institutionnelles et diplomatiques, marque une étape décisive pour le rayonnement du musée et la reconnaissance des expressions artistiques arctiques en France.
Les deux remarquables donations ont été saluées à cette occasion :
- La donation Rogoff : confiée par Madame Alice Rogoff, femme d’engagement et grande connaisseuse des cultures autochtones d’Alaska, cette donation réunit 132 œuvres d’art contemporain et d’artisanat : masques, sculptures, textiles, objets de vannerie, œuvres en fanon de baleine, coquillage, ivoire ou os. Le corpus fait dialoguer des artistes confirmés et des figures montantes de la scène artistique autochtone contemporaine.
- La donation Baud-Jacot : constituée par MM. Claude Baud et Michel Jacot, grands collectionneurs de l’art inuit, la donation rassemble 350 œuvres figuratives issues du Nunavut et du Nunavik : sculptures en pierre, estampes, dessins, textiles. Elle permet de documenter de façon inédite les dynamiques artistiques et sociales portées par les coopératives du Nord canadien, tout en révélant la diversité des imaginaires spirituels et des formes de transmission.
Un fonds sur le Grand Nord américain enrichi
Ces collections, rares en France par leur qualité et leur cohérence, viennent enrichir un fonds déjà exceptionnel, fondé sur les collectes réalisées dans les années 1870 par l’explorateur boulonnais Alphonse Pinart, pionnier de la recherche ethnographique en Alaska. Elles permettent aujourd’hui au musée de proposer une lecture élargie et actualisée des mondes arctiques, inscrite dans le temps long et dans la pluralité des regards.
Pour Hilaire Multon, directeur régional des affaires culturelles des Hauts-de-France, cette opération s’inscrit dans une dynamique plus large :
« Ces objets et ces œuvres sortent aujourd’hui des circuits privés pour entrer dans les collections publiques. C’est une chance, un honneur et une responsabilité. Cela s’inscrit aussi dans une histoire longue et exigeante – ne l’oublions pas : celle du regard que les musées portent sur les expressions artistiques du monde entier. Il y a plus de 30 ans, l’exposition Les Magiciens de la terre avait provoqué un choc (…). Parmi les œuvres présentées alors, certaines provenaient déjà des régions arctiques. Elles annonçaient, avec courage et parfois provocation, ce mouvement de désassignation des regards que les institutions culturelles françaises ont poursuivi depuis. »
Le musée de Boulogne-sur-mer célèbre ses 200 ans avec vous !
À l’occasion de son bicentenaire, le musée de Boulogne-sur-Mer ouvre ses réserves au regard du public. Depuis le 1er mars 2025, 200 objets issus de ses collections sont dévoilés chaque mois sur les réseaux sociaux et le site du musée : céramiques, peintures de Salon, artefacts du Pacifique, trésors de la Manche…
Le public est invité à voter pour ses œuvres favorites. Deux pièces seront élues chaque mois pour intégrer une exposition participative qui verra le jour en 2026. Une manière inédite de revisiter deux siècles d’histoire à travers le regard des visiteurs d’aujourd’hui.
Un protocole exigeant d’intégration aux collections publiques
Leur entrée dans les collections publiques a suivi un processus rigoureux, conforme aux règles fixées par le code du patrimoine. Chaque ensemble a été instruit par la Commission scientifique régionale des acquisitions (CSRA), qui a rendu un avis motivé au regard de l’intérêt scientifique, historique et artistique des œuvres. Ce travail d’expertise, conduit par les équipes du musée avec le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) des Hauts-de-France, a permis de garantir une intégration conforme aux exigences de l’appellation « musée de France » et de sécuriser juridiquement ces entrées dans le domaine public.
Désormais protégées au titre des collections publiques, ces œuvres deviennent inaliénables, imprescriptibles et insaisissables, au service de la connaissance et de la transmission.
Quel est le rôle de la commission scientifique régionale d’acquisition ?
Créées par la loi du 4 janvier 2002, les commissions scientifiques régionales d’acquisition jouent un rôle central dans la protection et l’enrichissement des collections des musées de France. Organisées par les Directions régionales des affaires culturelles (DRAC), elles réunissent des experts chargés d’évaluer, de manière collégiale, la pertinence scientifique, patrimoniale et artistique des projets d’acquisition, qu’ils soient réalisés à titre gratuit (donation, legs) ou à titre onéreux (achat).
Tout projet d’intégration d’un bien dans une collection d’un « musée de France » doit obligatoirement faire l’objet d’un avis favorable de cette commission. Cette validation est un préalable indispensable à l’inscription de l’œuvre à l’inventaire réglementaire et, dans certaines régions, à l’octroi de subventions de l’État, notamment via le Fonds régional d’acquisition pour les musées (FRAM) ou les dispositifs de soutien à la restauration.
Ce cadre rigoureux garantit l’exigence scientifique et la cohérence des enrichissements, dans le respect du Code du patrimoine et au service de l’intérêt général.
Une reconnaissance pour le musée comtal de Boulogne-sur Mer
La cérémonie, à laquelle ont assisté l’Ambassadeur du Canada auprès de la France et de l’Union européenne, Son Excellence Stéphane Dion, le président du musée du quai Branly – Jacques Chirac, Emmanuel Kasarhérou, le Directeur régional des affaires culturelles des Hauts-de-France, Hilaire Multon, la conseillère Musées, Christine Lancestremer, ainsi que le sous-préfet de Boulogne-sur-Mer, Patrick Leverino, a souligné la portée exemplaire de cette démarche. Étaient également présents les donateurs, Alice Rogoff, Claude Baud et Michel Jacot, dont la générosité rend possible cet enrichissement sans précédent des collections publiques, ainsi que la directrice du musée de Boulogne-sur-Mer, Elikya Kandot, à l’origine de cette ambitieuse reconfiguration du parcours permanent.
Le nouveau parcours permanent "Mondes arctiques" illustre ainsi la manière dont les musées de territoire peuvent devenir les acteurs d’une politique patrimoniale ambitieuse, fondée sur des principes de rigueur scientifique, d’accessibilité et d’ouverture au monde. Il marque également la reconnaissance croissante, dans les politiques publiques, des expressions artistiques autochtones et de leur pleine légitimité au sein des récits patrimoniaux français.
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