Chaque année, la Journée internationale des droits des femmes est une occasion de mettre en lumière les inégalités persistantes, mais aussi les forces et les revendications qui façonnent nos sociétés. Si les questions de genre et d’égalité irriguent aujourd’hui le débat public, elles constituent depuis longtemps un matériau privilégié pour la création artistique. De l’évocation des figures historiques oubliées aux performances contemporaines qui participent à la déconstruction des stéréotypes de genre, en passant par les expositions dédiées aux artistes femmes, les propositions culturelles autour du 8 mars offrent un espace de réflexion et d’émotion.
Ni muse si soumise : les artistes femmes à l’honneur
Les récits et les images occupent également une place centrale dans ces questionnements. L’exposition « En pensant à Léona », organisée par le LaM hors-les-murs, rend hommage à l’artiste Léona Delcourt, née à Saint-André-lez-Lille en 1902, longtemps reconnue uniquement pour son rôle de « muse » d’André Breton, et aux artistes féminines du surréalisme et de l’art brut, en soulignant la dimension subversive de leurs œuvres.
À Roubaix, La Piscine accueille jusqu'au 30 mars un ensemble exceptionnel de sculptures de Camille Claudel, prêté par le musée Camille Claudel de Nogent-sur-Seine à l’occasion de sa fermeture pour travaux. L'exposition permet de redécouvrir le génie singulier de l’artiste, à travers des œuvres emblématiques mais aussi des études et variations moins connues du grand public. En rapprochant des versions différentes de mêmes sculptures conservées dans les collections des deux musées, l'exposition éclaire la démarche de Camille Claudel, son travail sur le mouvement et les émotions, ainsi que l’évolution de ses modèles et matériaux. Élève d’Alfred Boucher puis collaboratrice et muse d’Auguste Rodin, Camille Claudel s’est imposée comme une sculptrice d’exception, développant un style empreint de réalisme et d’expressivité.
Quand le genre se met en scène
Les stéréotypes de genre et les injonctions faites aux hommes et aux femmes constituent un autre axe majeur de réflexion. « Passons à autre chose », de la Compagnie Zaoum, interroge avec force et humour les schémas imposés par le patriarcat, et met en évidence la manière dont ils influencent les comportements individuels et collectifs.
Dans la continuité de cette approche, « Piano Rubato » de la compagnie Happés s’empare du langage du corps et de la voltige pour proposer une expérience à la fois poétique et politique, où la question des corps féminins dans l’espace public est posée avec une intensité rare.
D’un genre à l’autre, dialogues disciplinaires
D’autres propositions artistiques choisissent d’explorer les représentations des identités et des genres à travers des formes pluridisciplinaires. « Genre de Cirque », organisé par le pôle national du cirque pluridisciplinaire, le Cirque Jules Verne, interroge la manière dont le cirque, art du dépassement de soi et de la physicalité extrême, peut devenir un espace de dialogue sur la fluidité des identités. À travers des spectacles, des performances et des rencontres, l’événement invite à repenser les stéréotypes et assignations de genre au prisme du mouvement et de l’expression corporelle.
De même, le Palais des Beaux-Arts de Lille propose une programmation inédite, croisant différentes disciplines pour mettre en avant la place des femmes dans la création et l’histoire de l’art : concert du Quatuor Vivo (élèves du Conservatoire National de Lille) interprétant Mozart.
La poétesse iranienne en exil Mahvash Shafiei partagera ensuite ses textes, traduits par Jacques Devienne, avant un spectacle de danse hip-hop du collectif Crew-Stillant. La pièce chorégraphique « Voix Off » de Samba Sissoko questionnera la place des femmes dans l’espace urbain, avec des danseurs des centres sociaux de Lille accompagnés par la compagnie Ici et l’école de danse Street’s Light.
Redécouvrir le matrimoine
Au-delà du 8 mars, l’héritage des femmes dans l’histoire trouve une résonance particulière avec « L’École des Béguines », un programme transfrontalier qui se déploiera du 17 au 22 mars entre Valenciennes et Courtrai. À travers lectures, ateliers, conférences et visites des béguinages, ce projet met en lumière l’histoire singulière de Marguerite Porete, béguine et autrice du « Miroir des âmes simples », brûlée pour hérésie en 1310. Il interroge également la pertinence contemporaine de cette organisation sociale féminine et autonome. À l’invitation de l’Espace Pasolini, l’artiste Bryana Fritz et ses collaboratrices proposeront une exploration chorégraphique de cette mémoire à travers la pièce « Begin / The Mirror », tandis que des chercheurs, artistes et historiens de l’architecture s’attacheront à relier cet héritage aux enjeux actuels de la création et de l’urbanisme.
Un 8 mars en famille
Certaines propositions se tournent vers des figures iconiques pour interroger les héritages et les transmissions. C’est le cas du film d’animation « Hola Frida », programmé par La Faïencerie à Creil qui revient sur la jeunesse de Frida Kahlo pour explorer son rapport à la résilience, à la différence et à la création.
La question du matrimoine et de la visibilité des figures féminines dans l’espace public est également au cœur des réflexions menées à l’occasion du 8 mars. La visite des « Trois Grâces », organisée par l’Office de Tourisme de Lille, permet d'atteindre les trois figures féminines Intrigantes et énigmatiques qui surplombent la façade de la Voix du Nord sur la Grand’Place. Elles incarnent une présence forte au cœur de la ville. Cette visite est l’occasion de redonner la parole aux femmes oubliées de l’histoire et de réinterroger les symboles qui nous entourent.
L’agenda
- Passons à autre chose (Compagnie Zaoum) – Théâtre – Gare Saint-Sauveur (Lille), Salle des fêtes (Sailly-sur-bois), Théâtre Jean Vilar (Saint-Quentin) – 6 et 21 mars
- Piano Rubato (Compagnie Happés) – Arts de la rue – Le Boulon, Vieux-Condé – Samedi 8 mars, 20h30
- Genre de Cirque – Cirque – Cirque Jules Verne, Amiens – Du 11 au 14 mars
- Royaume (Compagnie Hors-Série) – Danse – Théâtre du Chevalet (Noyon), Le Mail scène culturelle (Soissons) – 7 et 8 mars
- Événements inédits au Palais des Beaux-Arts – Pluridisciplinaire – Palais des Beaux-Arts, Lille – À partir de 14h30 le 8 mars
- Le musée Camille Claudel à La Piscine – Sculpture – La Piscine, Roubaix – Jusqu’au 30 mars
- En pensant à Léona (Exposition du LaM hors-les-murs) – Arts visuels – Hôtel de Ville, Saint-André-Lez-Lille – Du 8 mars au 8 avril
- Le LAAC célèbre les droits des femmes – Arts visuels – LAAC, Dunkerque – 8 mars à partir de 14h30
- Hola Frida (André Kadi et Karine Vézina) – Cinéma – La Faïencerie, Creil – Samedi 8 mars, 14h00
- L’École des Béguines – Ateliers, conférences, visites et performances – Valenciennes et Courtrai – Du 17 au 22 mars
- Les Trois Grâces – Visite guidée – Façade de la Voix du Nord, Lille – Samedi 8 mars, 11h00-11h40
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