Seul le prononcé fait foi
Madame la Ministre, chère Clara Chappaz,
Mesdames et Messieurs, chers amis,
Les échanges qui nous réunissent aujourd’hui s’inscrivent dans un moment particulier.
Particulier, parce que nous sommes collectivement confrontés à un bouleversement technologique sans précédent : l’irruption de l’intelligence artificielle et avec elle son lot de promesses, de risques, d’effets encore difficiles à mesurer sur nos modèles, nos métiers, nos repères.
Mais le Sommet pour l’action sur l’IA, organisé en février dernier, l’a montré avec clarté : si les inquiétudes sont légitimes, les opportunités, notamment pour nos industries culturelles et créatives, sont tout aussi immenses.
Pour la première fois, les secteurs de la culture et des médias ont trouvé toute leur place dans un sommet international consacré à l’intelligence artificielle.
Soixante états ont alors adopté une déclaration ambitieuse, appelant à une IA durable et inclusive, qui protège la diversité linguistique, les modèles culturels, les droits de propriété intellectuelle. Cette reconnaissance est un point d’appui précieux. Elle doit maintenant se traduire en actes.
C’est tout le sens de la démarche que nous avons engagée ensemble, chère Clara Chappaz, et qui nous rassemble aujourd’hui : faire émerger un cadre commun qui permette de tirer parti de ces avancées technologiques, sans jamais renoncer à nos exigences culturelles, éthiques, et démocratiques.
Car nous en partageons ensemble une conviction : celle qu’il ne peut y avoir de souveraineté technologique sans souveraineté culturelle.
Pour y parvenir, à nous désormais de regarder vers l’avenir.
Le règlement européen sur l’IA entrera en vigueur en août prochain.
Les négociations autour d’un code de bonnes pratiques avancent, mais elles sont difficiles. Jugées trop contraignantes par certains, trop permissives par d’autres, il faut pourtant qu’elles aboutissent. Car à défaut, la seule voie envisageable – d’ailleurs déjà empruntée par certains – c’est le contentieux. Or, c’est une impasse coûteuse, lente, et peu satisfaisante pour l’ensemble des acteurs.
Pourtant, je reste persuadée que nous avons notre carte à jouer.
Les données issues des secteurs culturels et des médias sont une richesse — en volume, en diversité, en qualité. Elles sont une matière première essentielle pour entraîner des intelligences artificielles respectueuses du droit d’auteur, fidèles à la pluralité de nos récits, à l’identité de nos sociétés.
Quelques acteurs ont commencé à ouvrir la voie en concluant des premiers accords. Mais ils sont encore trop rares. Il nous faut aller plus loin, ensemble, et inventer un cadre sécurisé, équitable, durable.
C’est pour cela que j’ai confié au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique une mission spécifique, visant à évaluer les conditions juridiques et économiques permettant l’émergence de telles solutions.
Les conclusions de ces travaux seront rendues publiques le 23 juin prochain. Elles poseront les bases d’un dialogue ouvert entre toutes les parties prenantes et permettront de nourrir le cycle de concertation qui s’ouvre aujourd’hui.
C’est une première : rassembler, dans un même espace de dialogue, les écosystèmes de l’IA et de la culture, avec leurs approches, leurs langages, leurs contraintes.
Mais c’est aussi une chance qui nous est offerte d’imaginer, ensemble, un cadre qui garantisse une rémunération juste de la création, tout en assurant aux développeurs d’IA un accès sécurisé à des données de qualité.
Ces derniers mois, trop souvent, les débats publics sur l’IA ont été structurés par des oppositions stériles : IA ou culture, technologie ou création, progrès ou droit d’auteur. Et je le regrette.
Ce n’est le choix que nous faisons aujourd’hui. Il ne s’agit plus d’opposer mais de travailler ensemble pour bâtir un écosystème éthique, équilibré, responsable.
Je fais confiance à vos échanges pour faire progresser ce débat comme je sais pouvoir compter sur Marc Bourreau et Maxime Boutron pour conduire ces travaux avec toute l’agilité — et l’exigence — requises. Je les remercie d’avoir accepté de conduire cette mission.
Je vous remercie également, toutes et tous, d’avoir accepté de vous prêter à cet exercice. Il sera peut-être parfois exigeant, mais je n’en doute pas : il permettra de faire émerger des solutions bénéfiques à tous, des solutions au service de notre intérêt commun.
Le ministère de la Culture, aux côtés de la Direction générale des entreprises, sera à vos côtés. Il jouera pleinement son rôle d’observateur et vous apportera l’appui logistique nécessaire. Mais il n’a pas vocation à interférer dans vos échanges.
La responsabilité vous revient entièrement — et sans vouloir ajouter à la pression, je sais que votre travail sera suivi avec attention, et bien au-delà de nos frontières.
Le moment du dialogue est donc venu.
Et je forme le vœu que nous puissions nous retrouver ici, dans quelques mois, au même endroit, pour mesurer ensemble le chemin parcouru. Je ne doute pas qu’il sera déjà important.
Je vous remercie.