Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Président, cher Xavier Bertrand,
Chers amis,
Je tiens d’abord à remercier la formidable équipe de Séries Mania. Ce qu’elle a réussi à faire ici à Lille, cette grande fête populaire de la série qui embarque le grand public, les jeunes, mais aussi des professionnels du monde entier, c’est tout simplement extraordinaire.
Je suis toujours aussi fascinée de voir à quel point un petit noyau de passionnés peut réussir à déplacer des montagnes, comme vous le faites ici. Un immense bravo à Anne Bouverot, la présidente de Séries Mania, à Laurence Herszberg, sa directrice et à toutes leurs équipes !
Et surtout un immense bravo à toi, cher Xavier et à tous les autres partenaires territoriaux. Vous avez soutenu cet événement depuis le début avec une détermination qui n’a pas faibli. Il faut le saluer car, en ces temps de contraintes budgétaires, on sait bien que la culture, c’est un choix et c’est toujours le bon ; la région Hauts-de-France montre l’exemple !
C’est le bon choix au niveau territorial, c’est le bon choix au niveau national et c’est le bon choix, bien sûr, au niveau européen.
C’est même notre signature, notre ADN, en Europe, cet attachement viscéral à la culture et à nos créateurs.
Cet attachement profond à notre culture et à la liberté de création, il va de pair avec un refus de nous laisser dicter par d’autres ce qu’on doit être, ce qu’on doit faire et comment on doit le faire.
Ces principes, on doit donc les réaffirmer plus que jamais aujourd’hui et en ce qui concerne la culture, la diversité est bien sûr le premier d’entre eux.
La diversité, c’est tout ce que font les artistes quand on leur donne les moyens de créer librement. C’est plus facile à montrer qu’à définir et c’est pour ça que des événements comme Séries Mania sont si importants.
Cette diversité, qui est le grand combat européen, elle crève l’écran ici, dans cette nouvelle édition de Séries Mania :
- c’est le drame intime espagnol Querer ;
- c’est la comédie horrifique française La Famille Rose ;
- c’est le biopic et drame historique italien Mussolini, Son of the century, pour ne citer que quelques exemples.
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Mesdames et Messieurs,
Depuis quelques semaines, le contexte international, géopolitique et militaire a poussé l’Europe à un vrai sursaut sur les enjeux de souveraineté, en matière de défense notamment.
J’appelle au même sursaut européen pour la culture – éminent sujet de souveraineté s’il en est.
Et pour que ce sursaut arrive, il va falloir nous débarrasser de deux choses :
D’abord d’une croyance qui persiste : oui, dans le domaine des séries, les États-Unis ont été pionniers et ont longtemps dominé nos écrans.
Mais aujourd’hui et depuis un bon moment déjà, – et vous le savez bien ici, à Séries Mania, l’Europe est revenue dans la course !
On produit des séries cultes, qui s’exportent dans le monde entier. Pour ne prendre que quelques exemples français de la dernière décennie : HPI, tourné dans les Hauts-de-France, a voyagé dans plus de 100 pays, tout comme Le Bureau des légendes, qui a même fait l’objet d’une adaptation américaine récemment, The Agency, produite par George Clooney !
On crée aussi des pépites européennes en unissant nos forces. Regardez la série Kaboul, une coproduction ambitieuse, en compétition internationale cette année à Séries Mania, qui raconte la prise de Kaboul par les Talibans. Elle a réuni 11 pays européens et a été accompagnée par le programme MEDIA.
Nous aussi, nous savons travailler ensemble pour porter de grands récits ambitieux, nous aussi, nous savons raconter le monde et embarquer le public.
Sur ce dernier point aussi, il y a beaucoup de raisons d’être optimiste.
On a longtemps vu la barrière de la langue comme le grand obstacle à l’Europe de la culture. Mais on a toute une génération qui a grandi en regardant des séries sous-titrées produites aux quatre coins du monde.
On a toute une génération qui la vit, cette Europe, qui y a étudié, qui y a travaillé, qui y a voyagé, beaucoup plus que les générations précédentes.
Je suis donc convaincue que c’est le moment du grand sursaut culturel européen. Nous avons toutes les cartes en mains.
La deuxième chose dont il va falloir nous débarrasser pour y arriver, c’est ce sentiment de culpabilité que l’on veut créer chez nous sur la question de la régulation, alors même que l’interventionnisme est la chose au monde la mieux partagée.
C’était l’objet même de votre table ronde : en Europe, on régule pour d’excellentes raisons et on le fait bien. Car bien souvent, réguler, c’est protéger ; et j’assume les bienfaits de cette protection.
Et permettez-moi ici de citer le cas français : la France est le pays européen le plus exigeant en la matière, mais nous sommes aussi le seul où le public regarde plus de films nationaux que de films américains.
C’est donc que ça fonctionne. Le bilan du décret SMAD qui a été réalisé à la fin de l’année dernière par le CNC et l’Arcom l’a d’ailleurs largement démontré.
Mais, au-delà de la France, et je veux y insister, la directive SMA a fait la preuve de ses succès : les plateformes investissent presque partout en Europe et proposent désormais plus de 30 % d’œuvres européennes dans leurs catalogues alors qu’elles n’en présentaient auparavant pour certaines que 10 %.
C’est la régulation européenne qui nous a permis d’obtenir ce résultat, et elle doit donc être préservée à tout prix. C’est évidemment ma priorité.
Et cette régulation profite à tous : oui, c’est intéressant, pour une plateforme américaine, d’investir, par exemple, dans des séries françaises, pour séduire le public français.
En résumé : on a les œuvres, on a les publics, il faut maintenant multiplier les occasions de rencontres entre les deux.
Et pour cela, le programme européen MEDIA est absolument clé. Je porterai donc dans ce cadre plusieurs priorités pour l’avenir.
D’abord, mieux diffuser les œuvres à l’intérieur de l’Europe. Et pour cela, il y a beaucoup de choses à faire :
- Par exemple, renforcer Arte, outil majeur pour la diffusion des œuvres européennes et qui a su rajeunir son audience ;
- Mieux valoriser l’offre légale européenne et mieux faire circuler les grands succès européens sur tous les supports et bien sûr dans les festivals comme celui-ci ;
Et enfin il me semble essentiel aussi de nourrir la curiosité pour les œuvres européennes très tôt chez le jeune public. Parce qu’on sait tous à quel point ce qu’on a pu regarder plus jeunes a pu influencer ce qu’on regarde encore aujourd’hui.
Je veux porter ces priorités à l’occasion des discussions qui s’ouvriront dès cet été au sujet de l’avenir du budget européen. Donner corps à l’Europe de la culture, c’est lui donner les moyens de ses ambitions, au travers d’un budget renforcé.
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Avant de vous quitter et parce que nous sommes à Séries Mania, je voulais vous dire un mot d’un sujet qui me tient à cœur.
Ici, vous montrez les œuvres d’aujourd’hui, qui deviendront le patrimoine audiovisuel de demain.
Je veux aussi vous parler des œuvres de notre patrimoine audiovisuel qui doivent pouvoir être vues aujourd’hui aussi.
Et pour cela, il faut faire en sorte qu’elles soient disponibles pour le public : disponibles techniquement et disponibles juridiquement, ce qui pose la question de leur restauration et celle de la transmission des droits.
C’est pourquoi je voulais vous annoncer ici, à Séries Mania, que j’ai décidé via le CNC de confier à Michel Gomez une mission sur la préservation et la valorisation du patrimoine audiovisuel qui n’entre pas déjà dans le champ d’intervention de l’INA.
Là aussi, il y a de nombreuses pépites à découvrir ou à redécouvrir !
Je vous remercie.