Seul le prononcé fait foi
Madame la Ministre,
Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Messieurs les secrétaires généraux,
Monsieur le président du Muséum national d’Histoire naturelle,
Monsieur le président du Musée du Quai Branly-Jacques Chirac,
Mesdames et Messieurs les directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureuse de vous accueillir au ministère de la Culture. La cérémonie de restitution des trois crânes sakalaves dont celui présumé du roi Toera, relevant des collections du Muséum national d’histoire naturelle, marque un événement historique entre la France et Madagascar. Cette cérémonie symbolise aussi l’achèvement d’un processus à la fois historique, scientifique et mémoriel entre nos deux nations.
La cérémonie d’aujourd’hui me permet de rappeler à la fois le cadre dans lequel s’inscrit cette restitution et les étapes que nous avons franchies ensemble pour la rendre possible.
Vous le savez, depuis 2017, le président de la République s’est engagé résolument en faveur des restitutions. Il l’a fait avec la conviction que ces restitutions étaient l’élément indispensable des relations renouvelées que nous souhaitons établir avec nos partenaires internationaux. En particulier avec ceux du continent africain.
Cette politique de restitution contribue à l’apaisement des mémoires et rattache ce travail mémoriel à la culture ; elle regarde le passé avec lucidité. Elle est aussi soucieuse de bâtir ensemble un avenir partagé où nos peuples, et nos jeunesses en particulier, pourront se reconnaître et poursuivre leur dialogue, avec un soin particulier apporté aux échanges culturels.
Cette politique de restitution suppose aussi pour la France de regarder d’une manière renouvelée l’histoire de nos collections nationales et de leur constitution. Mon ministère s’est engagé dans ce travail, en particulier les équipes de la direction générale des patrimoines et de l’architecture et les équipes du secrétariat général. Leurs représentants sont parmi nous ce matin et je tenais à les remercier de leur engagement comme je veux souligner l’excellente coordination avec les services du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
C’est tout le sens du dispositif des lois cadre élaborés depuis 2023 pour faciliter les restitutions relevant du domaine public.
D’abord avec la loi relative à la restitution des biens spoliés dans le contexte des persécutions antisémites commises de 1933 à 1945 ; puis avec la loi sur la restitution des restes humains adoptée en décembre 2023. Sur ce sujet des restes humains, je tiens d’ailleurs à saluer l’investissement du Parlement, en particulier du Sénat qui s’est saisi de cette question pour la faire aboutir à travers une proposition de loi et dont la première application concerne justement Madagascar.
Madame la Sénatrice Catherine MORIN-DESSAILLY, je connais votre engagement de longue date sur ce sujet et je tiens à vous en remercier, au même titre que Messieurs les Sénateurs Max BRISSON et Pierre OUZOULIAS et Monsieur le député Christophe BUISSON. Je veux enfin saluer l’accompagnement précieux de l’ambassadeur Jean-Luc MARTINEZ, auteur d’un rapport décisif sur l’enjeu des restitutions.
Ce travail législatif va entrer dans sa troisième et dernière étape. Vous le savez, j’ai présenté en conseil des Ministres le 30 juillet dernier un projet de loi pour la restitution des biens culturels provenant d’États qui, du fait d’une appropriation illicite, en ont été privés.
Ce texte, très attendu par nos partenaires internationaux, a été transmis au Sénat. Nous aurons l’occasion d’en débattre dès le mois de septembre, afin de répondre là aussi à un objectif de réparation, matérielle et symbolique, du lien qui unit les États concernés à leur patrimoine et à leur mémoire.
Ce projet de loi, dont je souhaite l’adoption, viendra ainsi parachever le travail d’adaptation de notre droit patrimonial afin de pouvoir déroger au caractère inaliénable des oeuvres et des biens relevant des collections nationales.
Madame la Ministre, c’est avec émotion et consciente de la portée symbolique de cette cérémonie, que je vous reçois à nouveau ici, accompagnée de votre délégation, et de représentants de la famille royale sakalave.
C’est un moment historique que nous vivons aujourd’hui. Il témoigne de la force des liens qui unissent nos deux pays, et du rôle que la mémoire et la culture y jouent. En témoigne la présence ce matin des représentants de nos pays, de nos administrations et des établissements publics directement intéressés aux restitutions entre la France et Madagascar.
Nous venons de nous entretenir ensemble, avec le Ministre délégué au partenariats internationaux et à la francophonie. Nos échanges ont été l’occasion de rappeler les étapes importantes que nous avons franchies ces derniers mois.
En premier lieu, je pense bien entendu à l’installation en octobre dernier du comité conjoint auquel nous avions donné mandat d’instruire sur le plan scientifique et historique cette demande de restitution des trois crânes sakalaves.
Je veux rendre hommage à l’engagement de ses membres, français et malgaches ; leur travail a été essentiel pour établir de la manière la plus précise possible la provenance de ces crânes. Je tiens à remercier en mon nom et en celui du ministre de l’Enseignement supérieur, Philippe BAPTISTE, les équipes du Muséum national d’histoire naturelle pour leur concours précieux.
La remise du rapport élaboré par le comité en janvier, m’a permis, comme le prévoit la loi, d’informer le Parlement et de saisir le Conseil d’État d’une demande de sortie des collections publiques, adoptée par décret le 2 avril dernier.
Je pense également à la visite d’État du président de la République les 23 et 24 avril dernier à Tananarive. Lors de ce déplacement, le chef de l’État avait rappelé l’engagement de la France à ce que ces trois crânes rejoignent la terre de leurs ancêtres.
Le président de la République avait également exprimé son souhait que cette restitution contribue à un apaisement des mémoires. Cette mémoire entre nos deux pays comporte des aspects douloureux, liés au contexte colonial et à ses violences.
Les travaux du comité scientifique conjoint nous ont à nouveau permis de mesurer ce que signifie la figure du roi Toera, pour vos concitoyens dans leur ensemble et pour le peuple sakalave en particulier ; pour son identité, pour sa dignité, pour la conscience qu’il a de lui-même et pour le lien qu’il souhaite tisser entre le passé et l’avenir.
L’avenir, c’est aussi celui de notre partenariat bilatéral. La culture en représente un secteur prioritaire, comme le symbolise les accords dans le domaine des musées et du patrimoine que nous avons signés ensemble, Madame la Ministre, à Paris et à Tananarive. L’enjeu de cette politique de restitution, c’est aussi d’être accompagnée d’un travail permettant de renforcer les échanges entre les professionnels de nos deux ministères. Notre ambassade à Tananarive prend toute sa part dans la mise en œuvre de ces projets – et je veux l’en remercier.
Mesdames et Messieurs, avant de céder la parole au Ministre délégué aux partenariats internationaux et à la francophonie, je tiens à rappeler que c’est dans le respect dû aux morts, dans l’hommage que nous rendons à nos aïeux, que s’exprime à chaque fois notre commune humanité. C’est au coeur même de ce qui fait le caractère irremplaçable de chacune de nos cultures que nous affirmons une valeur universelle : le respect de la dignité de la personne humaine. C’est sous le signe de ce principe que je souhaite placer la cérémonie de restitution de ce jour. Je vous remercie.