Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Vice-Président de la Commission européenne, cher Stéphane SEJOURNE,
[Monsieur le Président de la Commission de la Culture, Cher Laurent LAFON,]
Mesdames et Messieurs les Parlementaires européens et nationaux,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Président du CNC, cher Gaëtan Bruel,
Mesdames et Messieurs les Directeurs et Présidents d’établissements publics et d’administration centrale,
Mesdames et Messieurs les professionnels du cinéma
Mesdames, Messieurs en vos grades et qualités,
Chers amis,
Cette année encore, Cannes est le lieu de toutes les promesses et de toutes les émotions. Et cette année encore, le Cinéma français en est le principal artisan !
Toutes sections confondues, parmi les 107 films sélectionnés, 39 sont français. Plus d’un tiers ! La France reste fidèle à sa vocation : soutenir la liberté de créer pour ses cinéastes, mais aussi pour les autres. C’est notre plus grande fierté.
Cette année encore, c’est un film français qui a ouvert les festivités. Après un court métrage si prometteur, Amélie BONNIN revient avec Partir un jour. A ce film, comme à tous les autres, je souhaite le meilleur succès !
D’ailleurs, quand on voit cette sélection officielle, je dois dire que l’on sait pourquoi on se bat !
Défendre notre exception culturelle est certes une grande et belle idée mais cette grande idée produit de grands et beaux résultats !
La fréquentation en 2024 a battu des records, notre cinéma a rebondi et les Français ne sont jamais allés voir autant de films français !
Cette exception culturelle, c’est l’un des piliers de notre modèle démocratique au même titre que la liberté d’expression par exemple. Ces piliers, il faut si longtemps à les ériger alors même qu’il ne faut qu’une fraction de seconde pour les voir s’effondrer.
C’est d’autant plus vrai dans ce secteur qu’est le cinéma.
Ce modèle nous permet de produire de grands films. Et quand on produit des grands films, notre mission c’est de les partager au plus grand nombre.
Car oui, le cinéma est un bien commun, qui nous rassemble tous, peu importe d’où l’on vient, peu importe où l’on a grandi.
D’ailleurs, je suis convaincue que mieux partager les œuvres, c’est ouvrir le cinéma à de nouveaux talents. Des nouveaux talents qui ne seraient peut-être pas venus d’eux-mêmes vers ce milieu.
I. J’avais annoncé l’année dernière avec un grand plan pour mieux diffuser les œuvres auprès de tous les Français.
Il a été mis en œuvre avec une rapidité et une efficacité remarquable. Merci au CNC, à Gaëtan BRUEL et Olivier HENRARD.
Soutien aux circuits itinérants et aux festivals locaux, augmentation du nombre de médiateurs, recrutement de 3800 jeunes ambassadeurs partout en France, soutien aux cinémathèques : les avancées ont été nombreuses pour démocratiser toujours plus le cinéma.
L’étape suivante, c’est l’éducation aux images. La mère des batailles. Et il faut agir dès l’école.
Je veux être très clair : le cinéma, ce n’est pas un écran de plus.
D’abord, c’est un lieu où on éteint tous les autres écrans, un lieu qui nécessite notre complète attention.
Avec la ministre de l’Education nationale, nous avions donc confié une mission à Edouard GEFFRAY sur l’éducation aux images. Aujourd’hui, 20% des élèves ont une éducation au cinéma, notre objectif c’est 100% dès septembre avec des dispositifs volontaristes.
2024 nous a donné beaucoup d’espoir : les films L’Amour ouf ou Le Consentement, notamment, ont réussi à attirer énormément de jeunes dans les salles et je salue le dispositif du Pass Culture qui permet aux jeunes d’aller au cinéma.
Alors ce modèle qui nous donne l’opportunité de produire des bons films, de les partager et de les faire aimer, il faut le pérenniser et continuer à le défendre ici en France, mais aussi à Bruxelles.
II. Car oui, en matière de cinéma comme dans tous les domaines, la France peut beaucoup, mais l’Europe unie peut encore plus.
Avec d’autres ministres de la Culture européens, nous avons signé une tribune pour appeler à un grand sursaut collectif.
Notre modèle a résisté pendant près de 80 ans, il a absorbé le choc de l’arrivée de la télévision dans tous les foyers, le choc du numérique et de l’arrivée des plateformes. A nous désormais de serrer les rangs pour qu’il résiste aux défis qui sont devant nous. Je pense à l’émergence de l’IA, aux tensions géopolitiques, aux coups de boutoir de la nouvelle administration américaine…
Je lance un appel aux artistes à se rendre à la Commission européenne pour défendre notre modèle.
Il faut d’ailleurs le dire : en Europe, le cinéma américain occupe plus de 60% de nos écrans. Et ce n’est qu’une moyenne : en France, c’est seulement 36%, bien moins que ce que représentent les parts de marchés de nos films nationaux. A l’inverse, c’est 70% en Allemagne, et 80% en Angleterre et en Espagne. Et on parle ici, d’immenses pays de cinéma.
Pourtant, il n’y a aucun mal à regarder des films américains, je tiens à le préciser ! Les Etats-Unis sont eux aussi un immense pays de cinéma. Leurs films ont depuis toujours cette ambition de parler au monde entier et ils y sont sans doute arrivés mieux que personne.
Mais ils ont aussi l’avantage d’une stratégie coordonnée pour conquérir les marchés étrangers. Face à eux, nous sommes encore une armée dispersée en Europe.
Disons-le : nos cinéastes se battent contre des géants. Et ils se battent en plusieurs langues. On peut et on doit les aider mieux.
1. La première ligne de front que nous devons assumer de tenir, c’est la directive SMA.
Elle a été adoptée en 2018 et elle nous a permis en 2021 d’intégrer les plateformes à notre modèle.
Elles participent désormais, comme tout diffuseur, au financement de la création. Elles sont devenues de vrais partenaires pour nos créateurs et pour nos diffuseurs, avec de très beaux succès à la clé. Cette directive doit être préservée et je combattrai sa transformation en règlement.
2. Deuxième priorité pour l’agenda européen : la circulation des œuvres au sein même de l’Europe
C’est tout le sens de la tribune que j’ai souhaité porter avec les ministres européens.
Elle repose sur un constat partagé : le public européen construit aujourd’hui son imaginaire avec un œil sur son cinéma national et l’autre sur le cinéma mondialisé, bien souvent américain. Entre les deux, le cinéma européen non national demeure le grand absent de nos écrans, et donc de nos esprits.
Et pourtant, en Europe nous produisons d’excellents films, qui ont beaucoup de succès auprès de nos publics.
Cela suppose de mieux organiser la circulation de ces œuvres, de renforcer leur visibilité, de structurer leur diffusion.
Cela suppose aussi de travailler ensemble, de coproduire davantage. Une œuvre européenne coproduite est une œuvre qui circule plus, qui touche un public plus large, qui incarne une identité culturelle européenne forte et vivante.
Faciliter la création conjointe, soutenir une meilleure diffusion de nos œuvres : voilà les deux piliers que je porterai avec force dans le cadre des négociations sur le prochain budget pluriannuel européen. C’est une ambition culturelle, mais aussi un projet politique, au service d’une Europe plus unie, plus visible, plus souveraine sur le plan culturel.
3. Troisième priorité européenne : l’IA.
Là aussi, nous avons d’ores et déjà un cadre au niveau européen, avec le règlement sur l’IA.
L’enjeu est maintenant de s’assurer que son application soit à la hauteur de nos ambitions, notamment quant aux contours de l’obligation de transparence et à la rémunération des ayants droit des œuvres qui entraînent les IA.
Nous avons demandé à la Commission européenne, cher Stéphane, d’assurer que les mesures de mise en œuvre du règlement permettent d’assurer la meilleure protection du droit d’auteur et se traduisent par des obligations effectives pour les développeurs d’IA.
C’est aussi le sens des différentes missions que j’ai confiées au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique.
Un cycle de concertation entre ayants droit de la culture et développeurs d’IA, dans l’objectif de favoriser le dialogue entre les secteurs et créer des synergies pour le développement d’une IA éthique et de confiance a été lancé.
Je sais que l’IA est un sujet qui inquiète et c’est compréhensible. Mais ma conviction, c’est que s’il y a bien un pays qui est armé pour tirer le meilleur profit de ces nouvelles technologies, c’est la France.
Beaucoup redoutent la baisse de la qualité des œuvres, par exemple. Mais les commissions sélectives du CNC sont déjà un puissant garde-fou. Le CNC a entamé un travail de fond avec elles pour appréhender au mieux les projets qui mobiliseraient ces nouveaux outils.
Le CNC avec son observatoire dédié étudie les usages en temps réel, filière par filière, métier par métier. Pour accompagner au mieux les artistes, j’ai aussi demandé au CNC de lancer un appel à projets pour des résidences IA qui permettront d’explorer ces nouvelles possibilités.
III. Enfin, le cinéma se doit lui aussi d’être exemplaire
Aujourd’hui, partout dans le monde, on assiste à un recul de certaines causes qui nous tiennent particulièrement à cœur en France, mais aussi en Europe.
Si certains choisissent aujourd’hui de décrédibiliser le combat écologique ou les politiques de parité, nous, nous ne lâcherons rien. Et nous irons même encore plus loin.
Sur la parité par exemple, il y a un enjeu d’équité et de justice, mais aussi un enjeu de renouvellement des regards. Il suffit de voir la sélection de cette année !
Et il faut aller encore plus loin en renouvelant nos outils. Je veux saluer la commission d’enquête de l’Assemblée nationale qui a fait des recommandations en ce sens – en plus de son travail considérable sur les moyens de prévenir et de lutter contre les VHSS dans le milieu du cinéma.
Il est évident que le deux sujets, la parité et les VHSS, sont liés : les auditions ont bien montré comment de trop nombreuses femmes avaient été découragées de pratiquer leur métier à cause d’une ambiance de travail malsaine voire hostile.
J’ai donc demandé au CNC d’examiner chacune des pistes avancées dans le rapport de la commission d’enquête, concernant les VHSS et concernant la parité.
Certaines recommandations ont donc déjà pu être mises en œuvre dès la sortie du rapport. D’autres le seront dans les semaines et les mois qui viennent.
Je veux qu’on avance vite sur ces sujets, pour que les femmes prennent enfin toute la place qui est la leur dans cette filière.
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Chers amis, nos actions à Bruxelles pour défendre notre régulation, nos politiques en faveur de la parité, tout cela rejoint ce grand combat français et européen dont vous avez parlé ce matin.
Sans l’exception culturelle, il n’y aurait tout simplement pas de festival de Cannes. Ce lieu magique où - comme l’a dit Laurent LAFFITE mardi soir – on protège le cinéma du réel.
Alors vive l’exception culturelle et merci au Festival de Cannes d’en être chaque année la plus belle des vitrines !