Madame la sous-préfète,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Monsieur le député, cher Pascal Bois,
Madame la vice-présidente de région, chère Françoise Bruneteaux,
Monsieur le maire de Cannes, cher David Lisnard,
Monsieur le président du Reed MIDEM, cher Paul Zilk,
Monsieur le directeur du MIDEM, cher Alexandre Deniot,
Mesdames et messieurs les professionnels de la filière musicale,
Mesdames et messieurs les artistes,
Chers amis,
C’est un immense plaisir pour moi de participer, à vos côtés, à ce bel et grand événement qu’est le MIDEM.
Immense plaisir de voir le monde de la musique se rassembler, comme chaque année.
Cette ambition n’avait pourtant rien d’évident, en 1966, lorsque le MIDEM a été créé.
Je veux ici rendre hommage à Bernard Chevry, qui nous a quittés il y a quelques semaines.
Si ces rencontres ont vu le jour, c’est grâce à lui. Grâce à son audace, grâce à son esprit d’initiative. Il avait choisi de les mettre au service de la musique. Au service de la culture. Qu’il en soit remercié.
Oui, la force du MIDEM, c’est de rassembler le secteur dans toute sa diversité : diversité de ses acteurs, diversité de ses métiers.
Ici, vous n’avez pas tous le même maillot, mais vous avez la même passion.
Certains participent à la production des œuvres et des artistes ; d’autres assurent leur promotion ; d’autres, encore, s’attellent à leur diffusion.
Mais chacune et chacun d’entre vous contribue à quelque chose d’absolument capital ; à quelque chose qui nous dépasse.
Vous êtes guidés par une même conviction : la conviction que nous avons besoin de la musique.
Pour tout ce qu’elle permet de transmettre et que les mots ne peuvent exprimer ; pour la Beauté qu’elle apporte au monde ; pour sa capacité à fédérer.
Cette capacité à fédérer, je l’ai vue, hier soir.
J’étais à l’Olympia, pour le concert de Roger Hodgson, le chanteur de Supertramp, à qui j’ai remis les insignes de Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres.
Dans le public, toutes les générations se mêlaient : les parents, qui avaient acheté le vinyle de « Breakfast in America » à sa sortie en 79, venaient avec leurs enfants, qui n’étaient alors même pas nés. Tous souriaient en repensant à ce que cette musique intemporelle leur évoquait. Tous vibraient au son des mêmes chansons.
C’est là toute la force de la musique. Face à elle, il n’existe rien d’autre que nos émotions partagées. C’est pour défendre ces moments de partage et de vie que nous devons nous battre.
Et, à l’heure où le secteur continue de connaître de profondes mutations, les combats ne manquent pas.
C’est ensemble que nous les mènerons.
J’en vois deux qui nous mobiliseront.
D’une part, il nous revient de protéger et développer l’écosystème français : ses artistes, ses entrepreneurs, ses start-up. Ce sont eux qui font la vitalité et le dynamisme économique de l’industrie musicale. Aujourd’hui, cet écosystème est mis à rude épreuve. Face à une concurrence internationale de plus en plus féroce, avec des géants du numérique aux capacités d’investissement considérables, nous devons préserver la diversité culturelle.
D’autre part, il faut collectivement tirer profit du retour de la croissance dans le secteur de la musique. C’est une opportunité considérable à ne pas manquer. A nous d’établir une stratégie de conquête à l’export.
Pour y parvenir, nous devons faciliter l’émergence de champions nationaux capables de promouvoir notre création et de rayonner dans le monde entier et poursuivre l’adaptation de l’industrie au digital et aux nouveaux modes de consommation de la musique.
Je n’ai aucun doute sur notre capacité à réussir.
Vous avez déjà montré que l’industrie musicale en France sait s’adapter, se renouveler, se remettre en question.
Vous avez été les premiers à subir les effets de la révolution numérique ; mais vous avez aussi été les premiers à y répondre en faisant émerger un modèle de croissance durable.
Nous réussirons, avec trois maîtres-mots, trois priorités, trois valeurs qui seront nos boussoles : la création, l’innovation, et l’union.
La création, d’abord.
Il n’y a pas de musique sans créateurs : sans les auteurs ; sans les compositeurs ; sans les artistes-interprètes.
A l’heure où les modèles économiques se restructurent autour des créateurs, nous devons, nous aussi, les replacer au cœur de nos politiques culturelles.
Et nous devons nous interroger sur la place qui leur est réservée, au sein de notre société. Ils nous alertent sur leur précarité.
J’entends leurs inquiétudes, leurs préoccupations, le manque de reconnaissance dont ils souffrent.
Pour y répondre, j’ai souhaité engager une réflexion sur l’auteur et l’acte de création.
J’ai confié une mission prospective sur le sujet à Bruno Racine.
Elle doit nous permettre de trouver le cadre le plus favorable à l'épanouissement de la création et de la diversité culturelle, pour les prochaines années.
Le bouleversement de la chaîne de valeur induit des effets importants sur leur rémunération, et leur régime social et juridique doit prendre en compte ces évolutions.
J’ai souhaité que cette réflexion soit ambitieuse et réaliste, concertée et ouverte, multidisciplinaire et prospective, au service de tous les créateurs.
A ce titre, Bruno Racine a constitué un collège d’experts permettant d’apporter des regards croisés sur une économie de la création dont la diversité implique la mise en commun d’analyses issues de différentes disciplines.
J’ai également demandé la réalisation d’une étude sur l’autoproduction des artistes-musiciens, un phénomène en plein développement.
Les résultats de cette étude vous seront présentés lors des journées de l’IRMA en juin.
C’est une tendance déjà ancienne, mais en pleine recomposition et sur laquelle nous possédons peu d’éléments.
Il est important de chercher à déterminer son ampleur, ses effets et son caractère pérenne ou conjoncturel.
Si l’autoproduction est une clé pour déverrouiller la diffusion, je suis convaincu que les éditeurs et les producteurs sont indispensables aux artistes pour les accompagner dans leur développement sur un marché de la profusion.
La relation entre l’artiste et les entrepreneurs est une force, une richesse, et une chance.
C’est pourquoi je tenais à commencer ma visite au MIDEM par le « centre des artistes » en bon français, que vous avez appelé « Artist Hub ».
En offrant aux artistes tous les outils, tous les conseils, toutes les mises en relation qui leur permettent de déployer leur talent, l’Artist Hub incarne parfaitement cette volonté de placer l’artiste au centre.
Je tiens à féliciter le MIDEM pour cette initiative, et l’Organisation internationale des artistes pour leur contribution.
C’est une magnifique innovation.
L’innovation, justement, c’est le deuxième maître-mot de nos combats à venir.
C’est la clé de la réussite, dans une économie plus mondialisée et plus concurrentielle que jamais.
J’ai été heureux de rencontrer des start-up qui démontrent que la France est devenue incontournable sur le marché de la tech.
Je dois le dire : je suis admiratif du travail que vous menez.
De l’avenir que vous préparez. De tout ce que vous inventez.
Non seulement vous prenez part à l’innovation, mais souvent, vous la façonnez.
Je pense notamment aux start-up françaises finalistes du MIDEM Lab : Muzeek, LonofiI, Clapcharts, Joué et Odiho.
Je salue également le partenariat entre l’IRMA, CapDigital et la French Tech, qui vise à mieux valoriser les start-up musique et tech.
A toutes celles et tous ceux qui s’engagent pour l’innovation, je veux vous dire que le ministère de la Culture sera à vos côtés.
Il sera à vos côtés à travers ses dispositifs de soutien.
Je pense notamment à l’aide à l’innovation et à la transformation numérique du secteur de la musique.
Il sera à vos côtés par l’amélioration de la connaissance du secteur. Celle-ci est indispensable non seulement à la conception de politiques publiques, mais également pour permettre aux acteurs économiques d’anticiper, et donc d’innover.
La création du Centre national de la musique, sur laquelle je reviendrai, sera l’occasion de créer enfin l’Observatoire de l’économie de la musique. Enfin ! Car sa mise en place, maintes fois souhaitée, n’a que trop tardé.
Le ministère sera à vos côtés pour le partage des bonnes pratiques.
Le Forum « Entreprendre dans la culture » – qui s’est tenu il y a deux semaines et que j’ai eu le plaisir de visiter – en est un bon exemple.
Il sera à vos côtés, enfin, pour étudier les effets qu’ont les nouveaux usages sur la diversité culturelle.
A cet égard, mes équipes ont engagé une réflexion avec Deezer dans un premier temps, puis avec l’ensemble des services numériques réunis au sein du Syndicat des Editeurs de Service de Musique en ligne, sur la manière de mesurer la diversité culturelle à l’ère des playlists, des algorithmes et de la recommandation personnalisée.
Plutôt que d’imaginer dans l’urgence d’hypothétiques mécanismes de régulation, prenons d’abord le temps de cerner ensemble le phénomène et de mettre en lumière les éventuels problèmes qu’il soulève.
La révolution numérique requiert de tous, acteurs économiques mais aussi pouvoirs publics, davantage d’agilité.
C’est le message que porte le Président de la République.
C’est le message qu’il a porté, le 13 mai dernier, à l’Elysée – certains d’entre vous étaient d’ailleurs à mes côtés.
Il a notamment annoncé un effort sans précédent en faveur de l’accès des industries culturelles et créatives aux financements, à travers la création d’un fonds d’investissement de 225 millions d’euros géré par BPIfrance, et le renforcement des interventions de l’IFCIC en prêts participatifs.
Je souhaite que vos entreprises en bénéficient pleinement.
Je connais les difficultés qu’elles peuvent rencontrer, en matière de levée de fonds comme d’accès au financement bancaire.
Je crois fermement à l’utilité de ces dispositifs.
Ils sont conçus pour répondre à vos spécificités et à vos besoins.
Le renforcement significatif des moyens qui y sont consacrés aidera, j’en suis certain, de nombreuses entreprises musicales dans leur développement.
Dans cette même ambition de favoriser l’innovation, le Président de la République a annoncé l’organisation d’Etats généraux pour aboutir à la création d’un comité de filière des industries culturelles et créatives.
L’objectif est d’encourager les professionnels de la musique et des industries culturelles en général à des actions rapides, concrètes et coordonnées pour innover.
Car c’est par l’innovation industrielle que nous pourrons répondre aux nouveaux défis technologiques : pensons au défi de la blockchain en matière de sécurisation des droits et de remontée des recettes, ou encore à l’apport de l’Intelligence Artificielle.
La filière musicale a toujours été précurseur dans l’adaptation au numérique.
J’attends qu’elle prenne toute sa part à cet exercice inédit.
Le Président de la République a également appelé les industries culturelles à dépasser les clivages et à s’unir.
Le troisième maître-mot qui nous guidera sera celui-là : l’union.
Car l’union nous rend plus forts.
L’adoption de la directive du droit d’auteur dans le marché unique numérique le 17 avril dernier en est une nouvelle preuve. C’est une avancée majeure pour la reconnaissance et la consécration du droit d’auteur en Europe.
Il nous faut maintenant aller vite pour la transposer.
Nous travaillerons avec nos alliés européens, et la France compte bien montrer la voie avec un texte ambitieux.
Je tiens à remercier tous ceux parmi vous qui étaient à mes côtés, et l’ensemble des acteurs de la profession qui ont pesé lors des débats au sein des instances européennes.
Votre mobilisation a été capitale : elle a largement contribué au succès de notre démarche.
L’union, c’est ce qui préside au projet de Centre national de la musique.
Elle a prévalu à l‘Assemblée nationale, lors de l’examen de la proposition de loi visant à sa création, puisque celle-ci a été adoptée à la quasi-unanimité.
C’est le signe d’un soutien large, qui dépasse les clivages politiques.
Je m’en réjouis.
Et je remercie Pascal Bois, qui est parmi nous aujourd’hui et qui a porté ce texte avec un engagement remarquable.
L’union prévaut aussi pour préparer au mieux la création du CNM.
En parallèle de l’examen du texte de loi, j’ai souhaité la mise en place d’un comité de pilotage présidé par Catherine Ruggeri, dont je salue la présence aujourd’hui.
Le rôle de ce comité est crucial : il a vocation à traiter de l’ensemble des questions qui conditionnent la création effective et réussie du CNM.
Et si nous voulons qu’elle soit effective et réussie, cette création devra se faire dans l’adhésion et la concertation.
C’est pourquoi une instance de dialogue et de concertation a également été mise en place, afin de vous associer étroitement à ces travaux.
L’union prévaudra évidemment au sein du futur CNM.
Il a vocation à rassembler, au sein d’une maison commune, les outils de soutien, d’accompagnement, et d’observation de la filière musicale. Je compte sur vous pour en faire un lieu d’échanges entre tous les acteurs.
Je sais l’impatience de certains d’entre vous qui souhaiteraient que j’apporte aujourd’hui des réponses précises sur la gouvernance et le financement du futur CNM.
Je suis conscient du caractère structurant de ces deux questions : on ne construira pas le CNM sans un effort financier à la mesure des enjeux et sans une gouvernance permettant de concilier efficacité, agilité, et association de la filière musicale dans toute sa diversité.
Mais il y a un temps pour tout : le financement du CNM sera précisé lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2020, et la gouvernance sera définie dans le décret statutaire en cours de préparation.
Je pense qu’il est essentiel qu’en matière budgétaire, le sujet soit abordé dans une perspective pluriannuelle, avec une montée en charge progressive des dispositifs et des soutiens.
J’ai également entendu les craintes de certains d’entre vous quant à la continuité avec le système actuel de financement.
Il n’est pas souhaitable de rigidifier la structure par une politique de fléchage, mais il est évident que les contributeurs actuels du CNV – Centre national de la chanson, des Variétés et du Jazz, ne doivent pas voir le soutien qui leur est accordé diminuer.
En ce qui concerne plus spécifiquement la question des réserves du CNV, il est essentiel qu’elles soient employées dans le cadre du périmètre actuel de l’établissement public.
Je vous invite donc à continuer à nourrir les réflexions conduites sous l’égide de Catherine Ruggeri.
C’est en confirmant, par nos travaux communs, l’existence d’une dynamique vertueuse déjà mise en lumière lors de l’examen de la proposition de loi à l’Assemblée nationale, que nous y parviendrons.
Le CNM aura notamment pour mission de soutenir le développement de la filière à l’export.
Il ne faut pas s’y tromper : nous sommes à un moment historique avec l’émergence, dans de nombreux pays en développement, d’une classe moyenne, et donc de nouveaux marchés.
Dans le secteur de la musique, la part des revenus générés à l’international représente désormais plus de 20 %.
A travers le Bureau Export, le ministère de la Culture ne cesse d’encourager la présence des artistes français à travers le monde.
Jean-Noël Tronc y travaille, avec d’autres, dans le cadre de la mission qui lui a été confiée pour soutenir et fédérer les industries culturelles dans leur développement à l’export.
Nous avons eu l’occasion de réaffirmer toute notre ambition en la matière, il y a quelques semaines, avec le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, en réunissant le comité stratégique sur les industries culturelles et créatives à l’export.
Dans le soutien à la filière, l’Union européenne a également son rôle à jouer.
Dans les prochaines semaines et les prochains mois, une nouvelle Commission européenne va être installée, dans la foulée des élections européennes.
La France sera vigilante pour que la Commission intègre un volet culturel ambitieux dans son agenda pour la prochaine mandature.
Je me félicite d’ores et déjà de l’avancée des travaux sur Europe Créative qui devrait apporter bientôt un soutien spécifique au secteur musical.
Je salue la volonté de la Commission, initiée dans le cadre d’un dialogue qui se tient depuis 2015, d’apporter un soutien spécifique au secteur musical.
Le vote en septembre 2017 par le Parlement européen s’est ensuite concrétisé en juin 2018 par la publication d’appels à projets dans une action préparatoire « Music moves Europe ».
Je tiens à féliciter le Bureau export, avec le réseau des Bureaux à l’export européens, qui a été retenu dans le cadre du premier appel d’offre.
Une autre initiative européenne qui me tient à cœur est l’adoption du Règlement dit « Platform to Business ».
Cette initiative, encouragée dès l’origine par la France, vise à instaurer un cadre de confiance pour les entreprises - dont celles proposant des services de musique en ligne -, qui utilisent les services d’intermédiation des plateformes numériques (je pense notamment aux magasins d’applications proposés sur les terminaux mobiles).
Il est en effet indispensable de réaffirmer une concurrence loyale dans le numérique et de promouvoir un cadre de régulation européen efficace.
L’adoption de ce Règlement constitue une première étape significative et apporte de la transparence aux entreprises utilisatrices.
Demain, il faudra aller plus loin en fixant des obligations plus contraignantes à l’égard des grandes plateformes – nous y travaillerons.
Mesdames et messieurs,
Chers amis,
Voilà les priorités qui seront les miennes, qui seront les nôtres, et que je voulais partager avec vous.
Création, innovation, union.
Ces trois mots doivent être nos guides pour l’avenir.
C’est à ces trois conditions que nous parviendrons à défendre et à faire croître notre filière musicale et sa diversité – cette diversité qui nous est si chère, et qui vous doit tant.
Merci à vous.