Marcel OPHÜLS, réalisateur et documentariste de légende, nous a quittés à l’âge de 97 ans. Né dans un siècle tourmenté, il portait en lui l’héritage de l’exil entre l’Allemagne, la France et les Etats-Unis, à l’image de son père le cinéaste Max OPHÜLS.
D’abord tenté par la fiction à l’époque de la Nouvelle Vague où il avait côtoyé François TRUFFAUT et Jean-Paul BELMONDO, Marcel OPHÜLS avait fini par imposer son regard singulier dans le genre du documentaire. Son œuvre, marquée par la guerre et le désenchantement politique, avait trouvé une résonance internationale avant d’être reconnue en France. En 1989, Hôtel Terminus lui avait valu un Oscar, mais c’est surtout Le Chagrin et la Pitié en 1971 qui l’avait inscrit dans l’histoire du cinéma.
Avec ce long récit documentaire de plus de quatre heures, Marcel OPHÜLS avait fait voler en éclats l’image d’Épinal d’une France unanimement résistante. Le film, tourné à Clermont-Ferrand, avait révélé sans simplification la réalité de l’Occupation : une réalité faite de compromis, de silences et d’ambiguïtés. Il y avait donné la parole à une galerie de témoins, des résistants discrets aux collaborateurs assumés ou repentis en passant par des figures politiques contrastées. Refusé à la télévision française pendant plus de douze ans, Le Chagrin et la Pitié avait marqué une étape fondamentale dans l’exploration critique du passé français.
Assumant la subjectivité du monteur, mêlant entretiens et citations musicales, il faisait dialoguer mémoires, discours et images. Refusant le dogme et la fausse neutralité, Ophüls laisse un cinéma porté par la recherche de la vérité, fût-elle partielle et douloureuse.
J’adresse toutes mes condoléances à sa famille et à ses proches.
Rachida DATI
Ministre de la Culture