J’ai appris avec tristesse la disparition de Christian Dupavillon, grand serviteur de l’État et de sa politique culturelle. Architecte et homme de théâtre, il a su donner forme à ses idées visionnaires à travers la réalisation de grands projets qui ont marqué l’histoire de la culture française, festive et populaire.
Né en 1940, il quitte sa Savoie natale pour des études d’architecture. Passionné par le spectacle vivant, il s’intéresse en pionnier aux bâtiments qui y sont dédiés, dans un esprit d’éclectisme et de curiosité universelle. Il est ainsi l’une des chevilles ouvrières de la revue « Architecture d’aujourd’hui » et l’auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet. Il est aussi parmi les premiers à comprendre que les friches industrielles et les terrains délaissés sont autant d’opportunités pour inventer de nouveaux lieux culturels. En 1970, c’est lui qui souffle à Ariane Mnouchkine l’idée d’installer sa troupe du Théâtre du Soleil dans un ancien site militaire, donnant ainsi naissance à la formidable aventure de la Cartoucherie de Vincennes.
Mais sa carrière prend un tour décisif avec la rencontre d’un professeur de droit atypique et charismatique, véritable fou de théâtre et créateur passionné du Festival de théâtre universitaire de Nancy. Il s’appelle Jack Lang et le compagnonnage qui se noue alors avec Christian Dupavillon durera plus de trente ans.
A Nancy puis au théâtre de Chaillot, dont Jack Lang prend la tête entre 1972 et 1974, il devient un éclaireur et un dénicheur de talents. Grâce à lui, le public français découvre la troupe du Bread and Puppet Theatre, qui mêle spectacle de marionnettes et critique de la guerre du Vietnam, mais aussi le travail de Bob Wilson. Parcourant le monde entier, Christian Dupavillon se passionne aussi pour les carnavals et les festivités de plein air.
En 1981, lorsque Jack Lang est nommé ministre de la Culture par le président de la République François Mitterrand, Christian Dupavillon fait évidemment partie de son cabinet. Il reste aux côtés du ministre entre 1988 et 1993, puis de nouveau en 2001, à l’Éducation nationale.
Au ministère de la Culture, il suit les grands travaux, du Louvre à l’Opéra Bastille en passant par l’École de la photographie à Arles ou la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image à Angoulême. Comme directeur du patrimoine de 1990 à 1993, il pilote une ambitieuse politique de restauration des monuments.
Mais il est surtout le grand ordonnateur des projets festifs et des événements majeurs qui ponctuent les deux septennats de François Mitterrand : la cérémonie d’investiture au Panthéon, le 21 mai 1981, la première Fête de la musique en 1982, mais aussi le grand défilé des Champs-Élysées mis en scène par Jean-Paul Goude pour le Bicentenaire de la Révolution française le 14 juillet 1989, et tant d’autres moments qui ont laissé leur empreinte dans la mémoire des Français.
J’adresse toutes mes condoléances à sa famille et à ses proches et je salue la mémoire de cet homme passionné, qui sut mettre tout son enthousiasme au service de ses concitoyens et de la haute idée qu’il se faisait de la culture : une culture vivante, ouverte sur le monde et sur les autres. Christian Dupavillon se définissait par sa capacité à faire exister une idée. Ses réussites demeurent aujourd’hui un héritage précieux pour la culture française.
Rachida DATI,
Ministre de la Culture