Succédant à de premières approches situant l’être humain dans son interaction avec l’ensemble de la chaîne du vivant, la pensée naturaliste, notamment occidentale, a historiquement séparé l'homme des autres êtres, justifiant cette distinction par le fait que l'homme aurait quitté l’« état de nature » grâce à la raison et à la culture. Cette séparation a contribué à masquer nos interdépendances multiples avec les autres formes de vie, et à établir une hiérarchisation du monde vivant en fonction de l’utilité ou de l’agrément que nous pouvions en tirer.
Les rapports réguliers sur l’effondrement de la biodiversité, la crise de la COVID 19 , les avancées scientifiques mettant en lumière les compétences cognitives ou sociales, ignorées jusqu’alors, de certaines espèces, ont fait apparaitre les conséquences funestes de cette attitude fondée sur l’exploitation ou l’inattention envers les diverses formes de vivant, rendant chaque jour moins légitime la place à part, censément supérieure, que nous nous sommes octroyés. A l’heure où des courants de pensées transhumanistes proposent de sortir de l’impasse actuelle en dépassant notre condition animale confrontée à la finitude, rejouant ainsi encore plus dangereusement peut-être la séparation, il y a donc urgence à repenser notre rapport au vivant, et dépasser les catégories que nous avons forgées pour l’appréhender.
Or, la responsabilité écologique des acteurs culturels ne peut se limiter à l’attention nécessaire portée au bilan carbone de leurs activités et plus généralement à la sobriété de leur fonctionnement. Les acteurs culturels doivent également composer avec le vivant, sous toutes ses formes, c’est-à-dire en premier lieu reconnaitre sa présence et son agentivité située, et adapter ses actions à un contexte augmenté de ce « partenaire » supplémentaire. Enfin et surtout, parce qu’ils contribuent à forger et transmettre des imaginaires, ils ont un rôle important à jouer pour proposer d'autres récits qui réévaluent notre interaction avec tous les vivants, conçus comme autant d’altérités qui comptent, et qui contribuent à nous constituer.
Le groupe s’attachera à repérer sur ces enjeux les défis spécifiques auxquels sont confrontés, en fonction de leur secteur, les acteurs culturels, ainsi que les initiatives intéressantes déjà entreprises pour renouveler la représentation (au sens esthétique et politique) du vivant, et partant, de ce qui fait notre humanité. Il pourra sur ces bases proposer des pistes de politiques publiques ou d’actions situées permettant que la culture soit une alliée du vivant.
Référente : Frédérique AIT-TOUATI, historienne des sciences et metteure en scène, directrice scientifique du master SPEAP expérimentations en arts politiques à Sciences Po
• Margherita BALZERANI, directrice du Louvre-Lens Vallée, incubateur et lieu d’innovations culturelles et créatives
• Yannick CAUREL, conseiller action culturelle et territoriale, direction régionale des affaires culturelles Grand Est Bourgogne-Franche-Comté
• Alice CHARBONNIER, directrice du département développement des publics, marketing et éditions,
musée de l’Air et de l’Espace, aéroport de Paris-Le Bourget
• Mathieu FEREY, directeur du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon
• Olivier IBANEZ, directeur de la communication et du développement de la Fondation Carmignac
• Chloé TOURNIER, directrice de La Garance, scène nationale de Cavaillon
• Cynthia VALLERAND, secrétaire générale du Centre de nanosciences et de nanotechnologies au
Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
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