Le CHEC a cette fois-ci mené ses travaux dans deux lieux emblématiques : au Musée national de l’histoire de l’immigration, au Palais de la Porte Dorée, puis, une semaine après le Sommet de la Francophonie, à la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts.
Deux lieux se faisant écho pour accueillir des débats passionnants sur le dialogue des cultures et la manière dont les institutions culturelles permettent d’illustrer comment notre pays s’est construit d’apports extérieurs successifs. Ce module a également été l’occasion de comprendre, en revenant sur les réalités diverses de l’espace francophone, à quel point la langue française est plurielle et se réinvente constamment.
Retour sur les moments saillants de ce module
OUVERTURE DE LA PREMIÈRE JOURNÉE
C’est au Palais de la Porte Dorée qu’a débuté ce second module avec une intervention de sa directrice générale, Constance Rivière, qui en a retracé l’histoire, éminemment symbolique, de la construction d’un palais pour valoriser les colonies françaises lors de l’exposition universelle de 1931, à la création d’un musée national de l'histoire de l'immigration. Cet établissement a vocation à appréhender notre histoire de France autrement, en portant sur les phénomènes migratoires un regard à la fois éclairé et sensible pour nourrir des débats transparents et apaisés sur notre passé et pour mieux construire notre présent et notre avenir commun. Comment penser les liens entre le passé colonial et les revendications identitaires actuelles ? Quels enjeux pour l’avenir ? C’est autour de ces interrogations qu’a débuté la journée.
Celle-ci s’est poursuivie en compagnie de Laurent Petit et Fabienne Quéméneur de l’Agence Nationale de Psychanalyse Urbaine (ANPU) qui sont revenus ensemble sur leur intervention récente « l’ex empire colonial sur le divan » au Palais de la Porte Dorée. De façon à la fois décapante et très documentée, l‘ANPU fait apparaitre les non-dits et les points de blocage pour parvenir à les dépasser, qu’il s’agisse de sujets lourds liés à notre histoire et notre rapport au monde, ou de processus de rapprochements de collectivités.
L’après-midi a été consacrée à entendre des acteurs, qui, bien que très différents dans leurs statuts et leurs actions, s’attachent à faire dialoguer les cultures et les publics.
LES ACTIONS CULTURELLES D’UN BAILLEUR SOCIAL
Patricia Guérin, directrice de la culture de « Toit et Joie - Poste Habitat » a ainsi expliqué comment ce bailleur social a fait un choix stratégique en plaçant les actions culturelles au cœur de sa relation avec ses usagers. En montrant de nombreux projets menés, elle est revenue sur la nécessité d’inscrire ces actions dans le temps, et d’organiser une véritable participation des habitants pour construire du lien social de proximité à travers l’art.
DU PASSÉ AU PRÉSENT, L'APPORT DES ARCHIVES
En mettant à disposition les témoignages du passé, les archives apportent une inestimable contribution à la compréhension des débats du présent.
C’est d’abord Pierre Fournié, chef du département de l’action culturelle et éducative des archives nationales, qui a présenté le nouveau parcours permanent des Archives nationales à Pierrefitte, exposition remarquable qui a su rendre compte, à travers les documents exposés, d’une histoire française riche, sans occulter ses parts d’ombre (commerces d’esclaves, fichage des populations immigrées notamment).
Ce sont ensuite Jean-Charles Bédague, sous-directeur du pilotage, de la communication et de la valorisation des archives au Service interministérielle des archives de France, Lionel Kesztenbaum, directeur de recherche à l’Institut national d’études démographiques (INED), et Christopher Kermorvant, président fondateur de la société TEKLIA, qui ont présenté conjointement le projet de recherche sur l’évolution de la société française SOCFACE, qui, recourant aux ressources de l’Intelligence artificielle, permettra des recherches approfondies et des recoupements d’archives des recensements sur la longue durée.
LA RELÈVE
Enfin, pour clore cette première journée de module, Aurore Matondo, chargée de projet « La Relève » à la Direction générale de la création artistique (DGCA, Ministère de la Culture), a présenté le dispositif “La Relève”, programme créé par le Ministère de la Culture, visant à ouvrir les portes des métiers de la création artistique à une nouvelle génération et à valoriser la diversité des personnes, des parcours et des talents, avec l’ambition de disposer demain d’un ensemble de directions de structures culturelles qui soit une meilleure représentation de ce qu’est la France aujourd’hui.
OUVERTURE DE LA SECONDE JOURNÉE
La seconde journée du module 2 s’est déroulée à Villers-Cotterêts en compagnie du Collège des Hautes Etudes de l’Académie Diplomatique (CHEAD) du Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères (MEAE).
Introduisant cette journée conjointe réunissant le CHEAD et le CHEC, Marie Lavandier, présidente du Centre des Monuments Nationaux, a rappelé la nécessaire prise en compte de la diversité dans le domaine patrimonial notamment dans les problématiques de restauration et de préservation des différentes histoires, incluant également ce qu’elle nomme les « histoires intermédiaires » des lieux.
LE FRANÇAIS, LANGUE MONDE
A sa suite, Paul Rondin, directeur de la Cité internationale de la langue française a souhaité la bienvenue aux deux cycles en revenant sur le thème de cette rencontre : « Le français, langue monde ». Paul Rondin en a souligné le caractère évolutif, et relevé combien une langue se réinvente constamment, du fait de son appropriation par les jeunes, mais aussi par les peuples de l’espace francophone. C’est en quelque sorte parce qu’elle nous échappe qu’elle se réinvente et nous revient.
La matinée s’est clôturée avec l’intervention de Paul Petit, délégué général adjoint à la langue française et aux langues de France (DGLFLF, Ministère de la Culture) et ancien auditeur du CHEC. À travers un propos illustré et pédagogique présentant entre autres la loi Toubon (1994) et son actualité dans les débats contemporains, Paul Petit a mis en lumière l’aspect social de la langue française en tant qu’enjeu présent au quotidien, de l’ordre du droit du citoyen d’accès aux services publics mais aussi pour l’usager des services comme pour le consommateur.
L’après-midi de cette journée conjointe a été consacré à deux tables-rondes.
PREMIÈRE TABLE-RONDE
La première, « Après le Sommet de la francophonie, quels nouveaux chantiers pour demain ? », a été modérée par Myriam Gourrin, conseillère du directeur et chargée de missions transversales à la direction de la diplomatie culturelle, éducative, universitaire et scientifique (MEAE) et auditrice de la session 2024-2025 du CHEC. Réunissant Christophe Gigaudaut, délégué aux affaires francophones, direction des Nations Unies (MEAE), Valérie Senghor, secrétaire générale adjointe culture & commissaire du festival du Sommet de la Francophonie (MEAE) et Thibault Grouas, chef de mission Langue et numérique (DGLFLF, Ministère de la Culture), président et directeur par intérim de l’Alliance pour les Technologies des Langues (ALT-EDIC, institution relevant de l’Union Européenne créée en février 2024). Suites du Sommet, un festival de tous les talents pour accompagner et donner à voir, et la mise en place, à Villers-Cotterêts, d’un laboratoire dédié et recourant à l’intelligence artificielle ont nourri cette table-ronde stimulante.
INTERMÈDE MUSICAL
Lors d’un intermède musical, les membres de la compagnie « La clé des chants » ont interprété quelques extraits de leur prochaine production, « Poucette » de Mattéo Franceschini, revenant également sur leur démarche artistique et leur temps en résidence artistique à la Cité internationale de la langue française.
SECONDE TABLE-RONDE
Cette table-ronde, « La langue française dans le monde : quels enjeux, quelles influences ? », a été introduite en visioconférence par Jean-François Roberge, Ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Ministre de la Langue française, Ministre responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne, Ministre responsable des Institutions démocratiques, Ministre responsable de l’Accès à l’information et de la Protection des renseignements personnels, Ministre responsable de la Laïcité du Québec
À la suite de l’introduction du ministre, cette seconde table-ronde, modérée par Hélène Pichon, directrice de l’Alliance Française de La Haye, coordinatrice du réseau des Alliances Françaises des Pays-Bas et auditrice de la session 2023-2024 du CHEAD, a réuni Didier Le Bret, ambassadeur, directeur de l’Académie diplomatique et consulaire (MEAE), Juliette Salabert, adjointe à la sous-directrice de la langue française et de l’éducation, responsable du pôle coopération éducative francophone (DGM/DD/LFE), Direction de la diplomatie culturelle, éducative, universitaire, et scientifique (MEAE) ainsi que Paul Petit (Ministère de la Culture). Une francophonie ouverte, porteuse de la promotion de la diversité culturelle, celle même que la France a pu porter en 2005 à l’UNESCO, porteuse d’ouverture et de cohésion sociale, enfin tout le travail en cours sur l’apprentissage du français avec les partenariats engagés ont nourri les échanges de cette table-ronde.
En conclusion, ce second module du CHEC a une nouvelle fois montré combien le dialogue des cultures et des identités est au cœur des enjeux contemporains, tant pour les institutions culturelles que pour les acteurs de terrain. Comme le souligne Paul Rondin, « reconnaître la langue de l'autre » est une démarche essentielle pour ouvrir la voie à une véritable altérité, à la fois dans nos espaces communs et dans nos réflexions sur l’avenir des politiques culturelles.
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