Accompagner et construire l’émergence de nouvelles politiques culturelles territoriales, c’est, quelles que soient les échelles, prendre et donner le temps de révéler et d’écouter ces écosystèmes. C’est aussi recréer des espaces et cadres de coopération pour penser ensemble une nouvelle approche culturelle des territoires. Un défi à la fois humain, institutionnel et politique, dont les auditeurs du CHEC ont pu observer, du 14 au 16 mai, comment il était relevé sur deux territoires différents.
La première journée de ce module du Cycle des Hautes Etudes de la Culture s’est déroulée à Saint-Clément, petit village de 86 habitants, emblématique des actions culturelles menées dans la communauté de communes de Val Eyrieux, travaillant à partir d’un paysage remarquable et singulier.
Après une présentation par Jacques Chabal, président, et les autres élus, de ce territoire comptant 29 communes en territoire rural et montagneux, les auditeurs ont pu faire la visite de l’École du vent de Saint Clément, site exemplaire du Centre de Culture scientifique technique et industrielle de la communauté de communes, qui propose une expérience immersive et ludique autour du vent et du vol. Cette visite a été suivie d’une présentation des installations paysagères et œuvres d'art du parcours artistique « Partage des Eaux » du Parc Naturel Régional des Monts d'Ardèche.
Le début d’après-midi a été consacré à la présentation du cycle régional d’accompagnement des projets culturels de territoire animé par l’Observatoire des Politiques Culturelles. Construit avec la DRAC, les agences culturelles, les départements et les intercommunalités volontaires, ce cycle met au travail les enjeux actuels d’un projet culturel de territoire, depuis une vision ensemblière de dispositifs existants vers une approche globale des dimensions culturelles de la construction territoriale. Ce travail se nourrit des multiples échelles d'actions et de relations du local au macro, des enjeux complexes des transitions environnementales, sociales, politiques, et de la pluralité des dynamiques des parties prenantes. Ce processus de structuration de l’action publique permet de construire entre les acteurs un espace de négociation très fécond.
Après cette présentation générale de la démarche par les responsables de la DRAC (Jacqueline Broll et Noëlle Delcroix) et de l’OPC (Emmanuel Verges et Lucie Lejeune), les auditeurs ont pu entendre Mathilde Cognet, directrice du pôle culture, et les acteurs de Val Eyrieux, accompagnés d’artistes sur certaines actions, faire le bilan de leur engagement dans la démarche de projet culturel de territoire, et présenter l’ensemble de leurs actions, situées et itinérantes, et couvrant tous les champs de la culture, dans une démarche attentive aux droits culturels des habitants.
La fin de journée a été consacrée à la découverte de l’Atelier du bijou à Saint-Martin-de-Valamas, lieu d’artisanat vivant installé dans l’ancienne usine Murat du XIXème siècle, mettant en avant l'héritage industriel qui joue un rôle constant depuis le XIXème siècle dans la région.
La deuxième journée a permis de poursuivre l’exploration du territoire de Val Eyrieux, à Saint-Agrève et Le Cheylard et a été consacrée principalement aux rapports entre enjeux culturels et patrimoines et savoir-faire industriels.
Après une présentation par Michel Villemagne, maire de Saint-Agrève, du projet de réhabilitation de l’ancienne gare en site touristique et culturel, les auditeurs ont rejoint Le Cheylard en bicyclette via la Dolce Via, bel exemple de réutilisation des anciennes infrastructures ferroviaires pour favoriser les mobilités douces et la découverte des paysages.
La matinée s’est poursuivie par une découverte de l’Arche des Métiers. Situé dans une ancienne tannerie au cœur de la vieille ville du Cheylard, cet espace muséographique est dédié à la découverte des sciences, des techniques mais aussi des savoir-faire industriels, particulièrement importants en Ardèche, où l’on constate une reprise industrielle, malgré des enjeux d’attractivité sur les nouvelles embauches (espaces miniers, moulinages de soie et industrie textile, industrie du bijou, mais aussi de nombreuses industries mécaniques de pointe)
Les enjeux patrimoniaux ont aussi été abordés par une présentation du château de la Chèze, datant de l’époque médiévale, détruit en 1944, devenu propriété de la commune du Cheylard et reconstruit en 30 ans grâce notamment à des chantiers de bénévoles.
L’après-midi a été consacrée aux politiques culturelles portées par le Département de l'Ardèche.
Flore Vigné, chargée de mission patrimoine culturel et culture scientifique et docteure en géographie, a fait part de ses recherches sur les processus de patrimonialisation transformative des héritages industriels de l’Ardèche. A partir d’un travail d’inventaire, près de 700 anciens sites industriels sur le territoire et de recherche participative, elle a montré comment ces processus, de patrimonialisation des anciens sites industriels ruraux, pourtant peu connus et reconnus contribuent à la transformation des ruralités, en mettant en jeu des nouveaux modes d’habiter, en mobilisant des innovations sociales. Michel Rotterdam, chef du service culture et jeunesse du Département de l’Ardèche a procédé, à partir de son propre parcours professionnel, à un partage d'expériences sur le déploiement des politiques culturelles en métropole lyonnaise et dans les territoires ruraux ardéchois. Il a appelé à une attention constante aux pratiques culturelles existantes pour penser la médiation culturelle.
La soirée a été dédiée au vote du nom de la Session. La promotion 24-25 du CHEC, ayant travaillé cette année sur les enjeux d’identités et altérités, a choisi pour la représenter le nom de Koyo Kouoh, en hommage à la première femme africaine nommée commissaire de la Biennale de Venise, prématurément décédée en mai 2025.
La troisième journée de ce module s’est déroulée sur la Communauté de communes de Val de Drôme en Biovallée (Drôme) et a permis de réunir le CHEC et la promotion du master de direction de projets culturels de l’Observatoire des politiques culturelles
Après une ouverture de la journée par Jean Serret, Président de la communauté de communes, et Marc Drouet, directeur régional des affaires culturelles Auvergne-Rhône-Alpes, Clothilde Dutry, responsable du service Animation territoriale et culturelle a présenté la démarche globale d’exploration culturelle engagée depuis 4 ans. Les auditeurs ont pu ensuite échanger en petits ateliers avec différents acteurs sur des projets menés dans le territoire ayant amené à la mise en place de nouveaux formats d’action culturelle.
Ils ont ensuite visité la Gare à Coulisses avec Yannick Valin, son directeur général. L’objet de cette scène conventionnée d’intérêt national Art en territoire est de soutenir la création professionnelle des arts de la rue et de la piste. C’est à la fois un lieu-fabrique et le lieu de résidence permanent de la compagnie Transe Express. La Gare à coulisses accueille une trentaine de compagnies à l’année en résidence de création, programme des sorties de résidences à destination de publics qui souhaiteraient découvrir un processus de création en cours, des soirées spectacle, des évènements en Biennale autour du cirque (l’Autre cirque), des constructeurs du spectaculaire (Machin-Machines) et un festival itinérant annuel à la rencontre des habitants et acteurs du territoire (Fulgurance). La Gare à coulisses déploie également une forte dynamique autour de l’éducation artistique et culturelle centrée sur les notions de communs, de cheminement et d’aventure.
L’après-midi a été consacrée à expérimenter des ateliers d’intelligence collective communs entre les auditeurs du CHEC et les élèves du master de l’Observatoire des politiques culturelles afin d’identifier des leviers d’action concrets pour la mise en place d’une véritable coopération culturelle au service de projets émancipateurs ainsi que les pratiques managériales qui y sont liées.
Partager la page