Cher Hilton McConnico,
Dans votre « Manifeste pour la reconquête du rêve et de la fantaisie »,
vous imaginez un quotidien de nouveau en prise avec l’amour, la
compréhension et l’inventivité. Cette association du rêve et de la fantaisie à
des valeurs d’échanges et de partage est bien le propre d’un artiste
complet : à la fois scénographe, designer, décorateur, graphiste, peintre,
photographe, cinéaste et poète, vous êtes aussi celui qui fabrique des
narghilés d’images et d’objets pour tous ceux qui n’ont pas oublié Lewis
Carroll et se rêvent en chenilles sur un champignon.
Le natif de Memphis que vous êtes s’installe à Paris à 22 ans. Vous
débutez très vite votre carrière comme créateur de mode au sein des
prestigieuses maisons de couture Yves Saint-Laurent et Ted Lapidus. Le
succès rencontré vous ouvre les portes du monde du cinéma, pour lequel
vous créez d’innombrables décors et costumes. Parmi tous les films
auxquels vous avez participé, vous êtes nommé pour le César du meilleur
décor pour le film de Jean-Jacques Beineix, Diva, en 1980. L’année
suivante, vous remportez ce même César pour le film La Lune dans le
caniveau, du même réalisateur.
En 1987, vous faites des rencontres décisives qui vont définitivement
marquer votre carrière artistique. C’est d’abord la rencontre avec Jean-
Louis Dumas, président et directeur artistique de la Maison Hermès, qui
vous donne l’opportunité de créer les scénographies des expositions
thématiques de la Maison Hermès, en France, à Tokyo ou encore à Séoul.
Vous êtes amené par ailleurs à réaliser une dizaine d’oeuvres
audiovisuelles entre 1995 et 2003, notamment des vidéos des expositions
dont vous êtes à l’origine, comme Do Ré Mi Hermès La Si Do, ou Happy
Hand.
Parallèlement, vous rencontrez Clotilde Bacri, directrice artistique de la
Maison Daum, une manufacture d’objets de décoration en cristal. Clotilde
Bacri trouve en vous la personne idéale pour apporter une touche design à
l’entreprise. Vous créez ainsi cette célèbre collection de carafes en forme
de cactus, en cristal et en pâte de verre. Avec cette collection, vous alliez
la technicité du métier d’art à la créativité. Le succès de cette collection se
vérifie lorsque le Président Mitterrand l’offre comme cadeau d’Etat au
Président Bush en 1988.
Votre activité de designer vous entraîne alors vers les arts de la table, avec
la prestigieuse Maison Saint-Louis notamment, au linge de maison, en
passant par le mobilier, les tapis ou les luminaires par exemple. Votre
esprit créatif s’exprime dans tous les domaines artistiques dans une
profusion à la fois brillante et éclectique, comme en attestent vos
scénographies effectuées pour BNP Paribas mais également pour les
Galeries Lafayette ou à l’occasion de la crèche de Noël du château de
Vaux-le-Vicomte.
Vos dessins, proches de l’univers de Tim Burton, - je pense notamment à
votre Arbre sur ses feuilles de papiers assemblées -, et vos peintures aux
accents psychédéliques témoignent de la richesse de votre univers porteur
de rêves, fait de couleur et de chaleur.
Toutes vos oeuvres, peintures, dessins, aquarelles, photographies, design,
sont régulièrement exposées dans de très nombreuses galeries en France
et dans le monde. Le maître des objets que vous êtes se réinvente sans
cesse : on vous a retrouvé récemment au Salon Maison et Objet, où vous
avez présenté des créations commandées par Forge de Laguiole, Formia
Luxury Glass et Piano Pleyel. Votre parcours est jalonné par les prix
prestigieux : je citerai, entre autres, le « Talent de l’Audace », attribué par
le Sommet du luxe et de la création en 2005 pour l’ensemble de votre
production.
Pour votre extraordinaire créativité et votre capacité unique à nous faire
rêver, cher Hilton McConnico, nous vous remettons les insignes de
chevalier de la Légion d’honneur.
Monsieur l’Ambassadeur, Cher Moosa Bin Jaafar Bin Hassan,
Je ne sais à quel homme il me faut aujourd’hui remettre ces insignes de
Commandeur dans l’Ordre des Arts et Lettres tant votre parcours est
marqué par un constant engagement en faveur de la culture et de
l’éducation : le jeune géographe que vous étiez à Beyrouth, le docteur en
Droit de la Sorbonne, l’ambassadeur auprès de l’UNESCO, mais aussi
l’écrivain, également acteur et réalisateur, à qui l’on doit des pièces comme
Le Retour de Shanjoub ou Les Commérages sont sources de maux de
tête.
Des marins omanais, qui établirent leurs comptoirs dans tout l’océan
indien, depuis Zanzibar jusqu’au Baloutchistan et aux côtes indiennes,
vous avez hérité à coup sûr de l’esprit voyageur. Votre carrière illustre
d’ailleurs parfaitement cette volonté d’ouverture à l’autre qui caractérise les
grands serviteurs de la Culture. Dès la fin de vos études, vous avez très
vite assumé des responsabilités de poids, en devenant Directeur des
relations culturelles au Ministère de l’Education du Sultanat d’Oman, puis
Directeur-général des missions et des relations extérieures. Le rappel de
vos charges en Oman me donne l’occasion de saluer la constance et la
vigueur de l’action du Sultanat en faveur de la préservation de son
patrimoine matériel et mémoriel. Si les sites archéologiques de Bat ou de
Al Khutm figurent à juste titre sur la liste du patrimoine mondial, le Sultanat
a également souhaité que ses traditions séculaires y soient également
représentées. C’est ainsi que les systèmes d’irrigation aflaj, furent ajoutés
à la liste de l’UNESCO en l’an 2000 : toujours en activité, ils faisaient déjà
l’objet de l’admiration de l’Occident à la fin du XVIIIème siècle – je pense
aux magnifiques illustrations du géomètre Carsten Niebuhr dans sa
célèbre Description de l’Arabie pour le roi du Danemark. La Terre d’encens
qui fit la fortune de votre pays rejoint également la liste de l’UNESCO en
2006.
L’UNESCO, cette vénérable organisation née de la volonté des Etats de
promouvoir la culture, l’éducation et les sciences sur tous les continents,
est aussi en quelque sorte votre maison : vous y avez occupé de multiples
charges dont celle si prestigieuse d’ambassadeur d’Oman, et vous y
oeuvrez toujours comme Conseiller auprès de l’Organisation.
Homme de Culture, Votre Excellence, vous êtes également un homme de
paix et de dialogue entre les religions et c’est à ce titre que la Fédération
interreligieuse et internationale pour la paix vous a décerné le titre
d’ambassadeur pour la paix dans le monde en 2007.
Votre attachement à la France, enfin, fait de vous l’un des plus brillants
ambassadeurs de notre langue et de notre culture dans la Péninsule
arabique.
Par votre engagement sans faille pour la mise en valeur du patrimoine et le
dialogue interculturel, vous faites partie des plus nobles artisans de notre
universel commun. Cher Docteur Moosa Bin Jaafar Bin Hassan, au nom
de la République française, nous vous remettons les insignes
de Commandeur dans l'ordre des Arts et des Lettres.
Cher Olivier Roellinger,
Vous êtes un chef-poète. Par votre cuisine, la Bretagne a retrouvé sa
vocation de vigie aux portes de l’Orient. Aventurier et historien du goût,
vous êtes l’auteur d’une gastronomie marine, et le conteur culinaire de la
découverte des nouveaux mondes. Nous comptons parmi les plus grands
cuisiniers français un chef qui a le souci de revaloriser les saveurs en
déshérence et de sauver les mémoires gustatives. C’est à l’un des plus
grands spécialistes des épices en Europe que j’ai le plaisir de rendre
hommage aujourd’hui – un intrépide voyageur au long cours qui, par sa
quête des parfums merveilleux, a réinventé pour la gastronomie française
la poésie des embruns et des océans.
Fils de médecin, vous vous destinez d’abord à l’étude de la chimie et
passez votre temps libre à régater sur cette mer qui vous fascine, près de
Cancale et de son port de pêche face à la baie du Mont Saint-Michel.
Victime un jour d’une grave agression à Saint-Malo, vous puisez dans
votre longue convalescence la volonté de mener votre barque d’une main
de maître. En 1982, vous ouvrez les tables d’hôtes des Maisons de
Bricourt avec votre épouse Jane. Cette bâtisse de la moitié du XVIIIème
siècle s’était enrichie au fil des courses vers les Indes Orientales et
Occidentales de la famille Heurtaut de Bricourt, de luxueuses soieries,
porcelaines de Chine et autres épices précieuses, imprimant avec vivacité
sur votre esprit un imaginaire qui fit votre réputation de grand chef.
Votre cuisine est une combinaison singulière d’ingrédients des terroirs
bretons, de la faune maritime et des épices orientales. Votre Saint-Pierre
« retour des Indes » vous ouvre les portes de la notoriété. Vous devenez
alors le chantre de l’odyssée culinaire avec un homard au vin de Xérès
célébrant l’union du cacao et du piment. Votre cuisine conte les aventures
des marins qui ont bercé votre enfance, de Duguay Trouin à Jacques
Cartier.
La reconnaissance ne se fait plus tarder, et vous êtes récompensé d’une
première étoile Michelin en 1984, d’une deuxième quatre ans plus tard,
d’un 19,5/20 au Gault-Millau en 1998, et en 2006, vous entrez dans le club
très fermé des trois étoiles, aux côtés des grands noms de la gastronomie
française comme Michel Bras ou Pierre Gagnaire. Bien que vous ne
cherchiez pas les honneurs, Le Coquillage et les Maisons de Bricourt se
voient étoilés par le guide Michelin en 2010.
Après vingt-six ans de bonheur, vous décidez de fermer le restaurant trois
étoiles de Cancale, le 15 décembre 2008, pour vous lancer dans de
nouvelles aventures. Par amour des histoires et désir de partager votre
cuisine, vous publiez l’année dernière Les parfums de l’enfance, où vous
racontez avec délice votre aventure « d’épices épicées ». C’est au
restaurant Le Coquillage, au Château Richeux, que l’on vous retrouve avec
votre fidèle équipage, en capitaine de navire voguant sur une simplicité
saine, généreuse et élégante.
Cher Olivier Roellinger, vous êtes le créateur d’une cuisine subtile et
sauvage. Vous avez rêvé une Bretagne épicée qui figure parmi les joyaux
de la gastronomie française. Au nom de la République française, nous
vous faisons Commandeur dans l'ordre des Arts et des Lettres.
Cher Keisuke Matsushima,
À l’heure où le Japon traverse une épreuve sans précédent, avoir le plaisir
de vous rendre hommage aujourd’hui revêt une signification particulière.
L’art culinaire, sous l’égide de chefs cuisiniers de votre talent, rivalise avec
l’art poétique. Le vocabulaire culinaire a souvent cette capacité unique de
délier lui aussi les langues, et de donner à certains mots l’occasion de se
parer de référents nouveaux, d’explorer de nouvelles combinaisons, pour
mieux adoniser l’expression du goût. Votre interprétation personnelle de la
gastronomie française participe de la même logique, elle qui convoque de
manière si singulière les traditions culinaires du Japon et de la
Méditerranée.
À 10 ans à peine, un enfant de Fukuoka exprime son désir d’ouvrir un
restaurant de gastronomie française en France : cette détermination
précoce vous amènera très vite à passer à la pratique. Ce sera l’école
Tsuji de Tokyo qui marquera le début de votre apprentissage. Au
restaurant Vincennes de Shibuya, à Tokyo, vous apprenez en salle les
essentiels du service, et vous vous découvrez une réelle passion pour les
vignobles français - avec aujourd’hui une prédilection pour les Bourgogne
et le Chardonnay. D’un naturel courageux, vous partez à 20 ans en
France, un pays où vous n’avez pas d’autre attache que votre passion du
goût. Dans votre tour de France, vous suivez les enseignements de Régis
Macon et des frères Pourcel.
Le jour de votre 25ème anniversaire, c’est au coeur de Nice que vous
ouvrez votre premier restaurant, le Kei’s Passion, où vous proposez une
cuisine aux confins des cultures, dans un autoportrait d’azur. Vos créations
internationales, méditerranéenne dans le choix des produits et des
parfums, française pour l’inspiration et les valeurs, japonaise pour les
cuissons et les détournements inattendus, sont récompensées d’une étoile
au guide Michelin, trois ans après l’ouverture du restaurant.
Le soleil niçois vous sourit, vous entreprenez donc l’ouverture d’un second
restaurant éponyme, dont vous confiez la direction artistique à Jean
Grisoni. Ce lieu vous ressemble : à la fois épuré et sensuel, chaleureux et
élégant, empli de discipline joyeuse et discrètement rêveur. Le plat qui a
largement contribué à votre réputation, c’est votre fameux Boeuf Simmental
sauce aïoli - mais je ne résiste pas à la tentation de citer, en prenant mon
temps devant un parterre qui attend l’ouverture des buffets, quelques unes
de vos spécialités délicieuses : le risotto au gorgonzola et truffe blanche
d’Alba, émulsion de jaunes d’oeufs, la daurade royale en carpaccio sauce
aïoli et soja. À vue de nez, ma préférence irait sans doute à votre
pigeonneau rôti, cuisse en farci et ses abats, suivi du chocolat noir manjari
fondant, d’un nougat au miel des Alpes-Maritimes et d’une glace à la
pistache.
L’année dernière fut pour vous celle des lauriers infiniment mérités : vous
êtes nommé Ambassadeur du Saké au Japon, sous le titre de « Saké-
Samouraï », et le guide Gault-Millau attribue trois toques sur cinq au
Keisuke Matsushima. Cette année vous recevez une deuxième étoile, et
vous voici aujourd’hui au Palais Royal - un lieu marqué lui aussi par les
plus belles aventures culinaires.
Cher Keisuke Matsushima, je salue votre créativité, votre esprit de
détournement des patrimoines culinaires, votre détermination aussi –
autant de traits de caractère qui font de vous aujourd’hui l’un des plus
grands ambassadeurs de la gastronomie française. Au nom de la
République Française, nous vous remettons les insignes de Chevalier
dans l’ordre des Arts et des Lettres.