Discours de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication prononcé à l’occasion
Il s’agissait, disait alors le ministre, d’une « petite révolution », mais nous savons bien, derrière la modestie de la litote, que le « petit écran » est souvent le témoin et même le vecteur de « grandes révolutions ».
Or, ces grandes révolutions sont à la fois collectives et « intimes ». La télévision est à la fois dans notre intérieur, et elle nous réunit : nous sommes ensemble non seulement par tout ce que nous faisons, mais par tout ce que nous regardons ensemble, ce qui fixe notre attention au même moment.
Aujourd’hui, c’est une nouvelle révolution que nous sommes en train de lancer, une révolution technologique. Et elle est « de taille non petite », comme on dit chez Molière : il s’agit, vous le savez, du passage à la télévision numérique, ce qu’on appelle la TNT (Télévision numérique terrestre).
La numérisation est une technologie qui occasionne des progrès exceptionnels dans tous les domaines de la Culture et de la Communication, que ce soit l’accès à nos patrimoines (audiovisuel, le livre…) ou encore dans la télévision et la radio. C’est la raison pour laquelle j’ai fait de l’accélération et la mise en cohérence de nos politiques de numérisation l’une des grandes priorités de mon action au Ministère de la Culture et de la Communication.
Pour la télévision aussi, les avantages du numérique sont évidents et reconnus :
– en termes de qualité d’image et de son ;
– en termes de choix de chaînes démultiplié : 18 chaînes nationales gratuites ; c’est-à-dire trois fois plus que l’offre actuelle.
Tout cela vous a déjà été dit et je ne reviendrai pas sur ces aspects techniques. Je veux insister, en revanche, sur la chance exceptionnelle que cette révolution technologique va occasionner pour l’accès de tous à la culture.
Je l’ai dit, la culture est le domaine de l’intime : elle ne doit pas être le lieu de l’intimidation. Elle est, trop souvent encore, perçue comme une forme de « distinction » c’est-à-dire de discrimination. Or, je suis convaincu que cette révolution numérique, ces 18 chaînes gratuites, feront beaucoup pour une meilleure accession de tous aux chefs-d’œuvre du patrimoine et de la création.
Désormais, par exemple, des événements culturels d'exception pourront enfin être suivis dans les meilleurs conditions, avec un son et une image à la hauteur de la performance artistique. Et ce sera possible pour tous.
=> J’en veux pour preuve la diffusion lundi dernier 14 septembre, du spectacle d'ouverture de la rentrée de l’opéra de Paris : Mireille de Gounod. Cet opéra, diffusé sur France 3, a obtenu 5,2% de part d’audience, c’est-à-dire que la jeune provençale dont le grand poète Frédéric Mistral avait chanté les aventures, il y a tout juste 150 ans, a réuni plus de 1,1 millions de téléspectateurs…
La qualité du son, il n’est pas nécessaire d’y insister pour un opéra… Mais les cinéphiles savent l’importance de la qualité des images, non seulement pour le confort, mais pour la qualité esthétique des œuvres. Ils savent le rôle central du directeur de la photographie dans le cinéma d’art et d’essai : ils savent que Godard, sans Raoul Coutard, n’aurait pas été tout à fait Godard – et c’est d’ailleurs valable pour tous les réalisateurs de la Nouvelle Vague. Désormais, ces merveilles, ces finesses de l’image seront accessibles à tous.
Qualité technique du son et de l’image au service de l’art : mais l’enjeu est aussi celui de la qualité des programmes.
=> Certains, qui existent déjà, seront enfin rendus accessibles à tous. Par exemple, « La grande librairie » de François BUSNEL, à 20H35, sur France 5.
D’autres existent depuis plus longtemps encore et bénéficient de rediffusions attendues sur les nouveaux canaux gratuits. Je pense à Direct 8 qui, cette semaine, par exemple, diffuse Le comte de Monte Cristo avec Gérard Depardieu et un cycle consacré à Lino Ventura...
Cette qualité repose sur une diversité bien comprise. Je pense au philosophe Alain qui disait « je hais l’homme d’un seul livre » ; on pourrait dire « je hais l’homme d’une seule chaîne ». Alain disait aussi que la culture est un remède contre les tendances autoritaires, tyranniques, parce qu’elle « rend la diversité adorable ».
=> avec les nouvelles chaînes d’information, le pluralisme est accru et vivifié ;
=> Pour rester dans le domaine culturel, l’offre est assez diverse pour apporter, à ceux qui le souhaitent, une sorte de cinéma permanent.
Ces chaînes ne sont pas là seulement pour rediffuser des classiques : elles sont souvent de vrais foyers d’innovation et de créativité audiovisuelles. Ce sont de nouveaux talents, de nouveaux visages qui vont être visibles pour tous.
Elles ont aussi vocation à devenir la vitrine de notre création audiovisuelle, dans tous les domaines : je pense à la fiction, mais aussi au documentaire qui remporte l’adhésion des Français comme l’a montré le succès récent d’Apocalypse avec 6,5 millions de téléspectateurs.
C’est donc la chance d’une rencontre de notre création et du public qui est en jeu ici.
Un public enfin retrouvé, partout où il se trouve sur notre territoire. C’est important lorsque l’on garde à l’esprit que la télévision est le seul loisir culturel d’un grand nombre de Français et quand on connaît le rôle d’initiation et d’incitation culturelle qu’elle joue pour nombre de nos compatriotes.
Je sais l’effort qui est fait, notamment par le GIP France Télé numérique et son directeur M. Lévrier, pour aider les personnes isolées, le monde rural, les banlieues, les personnes les moins au fait des évolutions technologiques et des offres culturelles, et je veux lui rendre hommage.
J’apporte aussi tout mon soutien aux élus, acteurs sociaux, associations et médias dans la mise en œuvre de ce passage à la qualité et à la diversité, aussi important, et peut-être plus encore, que le fut autrefois le passage à la couleur.