Il y a un an, j’ai été alerté par les professionnels du photojournalisme sur la
fragilité de leur situation. J'ai alors témoigné de mon grand intérêt pour la
photographie, et de ma volonté de faire « bouger les lignes » en faveur
d’une profession, qui, si elle n’est pas nombreuse, représente selon moi un
enjeu majeur pour la liberté d’expression, le pluralisme, la diversité des
opinions et le droit à l’information, une profession qui est aussi un atout
pour la vitalité éditoriale de la presse française.
Les derniers mois m’ont permis de faire le point sur cette profession
complexe, à la croisée d’intérêts particuliers parfois contradictoires mais
qui ont tous en commun de vouloir servir un public toujours plus nombreux.
La fréquentation de Visa pour l’Image en témoigne chaque année
davantage. Je souhaite vous présenter aujourd'hui les premières
conclusions des travaux engagés et des décisions qui ont été prises ou qui
sont sur le point de l’être.
La photographie est pour moi un mode d'expression à part entière, tout
comme l'écrit, le cinéma, les différentes disciplines du spectacle vivant ou
l'architecture... Outil de création artistique, elle est aussi un mode
d'expression des réalités et de la complexité de notre temps, dimension
que le festival où nous nous retrouvons met particulièrement en valeur.
Aujourd’hui, avec Internet et les téléphones portables, elle devient un outil
de communication omniprésent.
Elle n’y a pas perdu pour autant son identité. Face à la révolution
numérique, comme tout au long de son histoire, la photographie s'adapte
en permanence aux mutations techniques.
La crise que le photojournalisme semble traverser actuellement n’est pas
nouvelle. Gisèle FREUND en faisait déjà le constat au début des années
70... Alors pourquoi nous retrouver aujourd’hui et évoquer les solutions à
apporter à cette crise ? C’est précisément parce que l’histoire de la
photographie, née d’une rupture technologique majeure, n’a cessé
d’évoluer depuis grâce à ces mêmes évolutions techniques. Elle s’en
nourrit même, pour devenir un outil toujours plus accessible, toujours plus
populaire. C’est pourquoi j'ai confiance dans l’avenir du photojournalisme.
Ce qui est en cause, ce n’est pas le photojournalisme lui-même, mais
plutôt le modèle économique, social et technologique dans lequel les
professionnels évoluent. Cette crise concerne plutôt la profession, les
photojournalistes, les agences, les éditeurs, et les conditions dans
lesquelles ils exercent leur métier. Les pratiques évoluent, les usages
changent, mais il est important que mon ministère reste vigilant et
accompagne ces évolutions en proposant des dispositifs qui permettent de
préserver un savoir faire, des valeurs, un regard créatif qui participe
pleinement à la vie démocratique de notre pays. C’est la raison pour
laquelle j’entends aujourd’hui proposer des pistes pour apporter des
« solutions à la crise », quarante ans après le constat de Gisèle FREUND.
Dans l’ordre des priorités, j’ai d’abord souhaité mettre en ordre de marche
l’organisation du ministère de la Culture et de la Communication afin que la
photographie y trouve la place qu’elle mérite.
Conservation et valorisation des fonds photographiques, création de
conditions économiques et sociales favorables à la production et à la
diffusion…. toutes ces dimensions étaient traitées de façon cloisonnée
alors que la réalité du quotidien des photographes exigeait qu’elles soient
réunies « sous le même toit ».
C'est pourquoi j'ai créé en mars dernier une « Mission de la
photographie », afin que les professionnels concernés aient un
interlocuteur à qui s'adresser au sein de l’administration, et que les
questions liées à la place de la photographie dans l’univers culturel et
médiatique puisse être traitées dans leur ensemble.
Dans ce cadre renforcé, cette mission suit tous les sujets liés à la
photographie, en liaison avec les autres structures du ministère, et
particulièrement avec la Direction générale des médias et des industries
culturelles, dont relève notamment les questions propres au
photojournalisme.
Il importe, dans ce domaine comme dans les autres secteurs de la culture
et de la communication, que ce ministère sache s'ouvrir et travailler, sans
« a priori » avec l'ensemble des professionnels, artistes et
photojournalistes bien sûr, mais aussi techniciens, producteurs ou éditeurs
dont dépendent la richesse et la diversité de la création. En lien avec les
professionnels, à travers la mise en place de groupes de réflexion, la
mission a d’ores et déjà engagé un important travail et s’est dotée d’une
« feuille de route » pour les mois à venir. Plusieurs photojournalistes ici
présents ont été associés à ces travaux. Cette feuille de route a été
présentée en juillet à Arles, je n'y reviens pas.
Certaines de ces orientations présentées ont bien, dans mon esprit,
vocation à concerner le photojournalisme. Qu'il s'agisse de la conservation
et de la valorisation des fonds photographiques, par leur numérisation et
l'organisation de possibilités de dépôts, qu'il s'agisse de l'amélioration des
dispositifs d'aide à la création et à la diffusion. Il importe, en effet, que le
travail des photojournalistes bénéficie pleinement de la reconnaissance du
public et que ce dernier soit le plus vaste possible.
Mais, sachez-le, je suis également conscient des difficultés spécifiques au
métier de photojournalisme : difficultés économiques et sociales liées à la
crise que traverse la presse, émergence de nouvelles concurrences
encouragées par la démocratisation numérique, explosion d’une offre
portée aussi par la photo « amateur ». Tout cela provoque une profonde
déstabilisation des équilibres d’une profession, par ailleurs déjà fragilisée.
C'est pourquoi j'ai demandé à l'inspection générale du ministère de
d’établir un diagnostic précis de la situation du photojournalisme. Et j’ai
souhaité qu’elle me propose des pistes opérationnelles permettant
l'amélioration des conditions d'exercice du métier. Ce travail s’est fait en
concertation avec les représentants de la profession : photographes,
organisations syndicales et professionnelles, agences et éditeurs. Marie
Bertin et Michel Balluteau ont ainsi présenté un premier état des lieux en
mai dernier qui a pu être diffusé aux différentes organisations
professionnelles et syndicales. Complété par une étude chiffrée de la filière
du photojournalisme, ce travail a permis d’établir un diagnostic que
d’aucun était bien en peine d’établir l’an passé, à cette même époque. Une
réunion de restitution organisée en juillet autour de mon cabinet, avec la
Direction Générale des médias et des industries culturelles et la « mission
de la photographie » a permis aux rapporteurs d’amender et de compléter
leur travail. Ce rapport est aujourd'hui disponible.
Ainsi sur la base du diagnostic et des recommandations de l'inspection
générale du ministère des travaux conduits par la mission de la
photographie avec les groupes qu'elle a animé dans le courant du
printemps, des réflexions menées par la direction générale de médias, des
contacts que nous avons eu avec des parlementaires particulièrement
impliqués comme Mme Jacqueline Irles et Monsieur Michel Herbillon, des
travaux conduits au Sénat, je souhaite que nous puissions maintenant
élaborer des solutions concrètes dans le cadre d'un dialogue ouvert,
confiant et continu avec l'ensemble des partenaires mobilisés. Et donc voici
ce qui me paraît devoir être notre feuille de route pour les prochains mois
et les orientations que je retiens.
1. Création de l’observatoire du « photojournalisme »
Comme je le disais, la mission a été l'occasion de réaliser une étude
exhaustive sur la filière du photojournalisme. Produit par la société
ITHAQUE , il importe que ce travail ne reste pas sans suite. Les indicateurs
relatifs aux effectifs et aux rémunérations des photojournalistes doivent
faire l'objet d'un suivi régulier et attentif. Un observatoire permanent sera
créé, avec la double tâche d’assurer à la fois un suivi des principaux
indicateurs économiques et sociaux de la profession, son « bilan de
santé » en quelque sorte, mais aussi de réunir la profession afin
d’envisager, dans la concertation, toutes les adaptations nécessaires au
cadre général du photojournalisme. Le « tour de table » ainsi constitué
avec l'État et les représentants du secteur devra notamment bénéficier de
l'apport des organismes sociaux, de la commission de la carte, de
l'observatoire des métiers de la presse.
Ces données et ces échanges sont en effet indispensables pour
l'ensemble des partenaires chargés de conduire les politiques relatives à
la photographie : définition des métiers, des compétences attendues, des
formations et des qualifications, évolution des cadres juridiques,
réglementaires ou contractuels...
Comme c'est le cas dans d'autres secteurs professionnels, je souhaite que
l’Observatoire du photojournalisme puisse se réunir une à deux fois par an
autour d'une personnalité indépendante, avec l'appui de la Direction
Générale des médias , du Département des études de la prospective et
des statistiques (DEPS) et de la mission de la photographie. Il publiera un
état des lieux régulier qui permettra d’alerter l'ensemble des acteurs
concernés sur les évolutions en cours, et pourra donner un avis sur
certains projets de textes qui pourraient concerner l'exercice de ce métier
ou les conditions de diffusion des photos dans les médias d'information.
2. Les conditions d'exercice du métier
Je sais que, dans sa première version, le rapport a pu susciter certaines
interrogations à propos de la loi Cressard qui fonde une présomption
simple de salariat au profit des journalistes rémunérés à la pige. Je
souhaite être clair sur ce point : je n’ai pas l’intention de toucher à cette
règle, de quelque manière que ce soit. Je souhaite donc que le métier de
photojournaliste continue à pouvoir s'exercer dans le cadre juridique qui
existe, laissant à chacun la possibilité de travailler dans les conditions et
les cadres contractuels qui lui conviennent le mieux.
Toutefois, les conditions d’exercice du métier ne se limitent pas au statut
des professionnels. Elles touchent l’encadrement général de son activité et
de son environnement, les conditions de rémunération et de protection
sociales. Sur ces points il faut pouvoir développer des conditions de
régulation et d'exercice s'adaptant aux évolutions profondes des pratiques
et à la réalité du métier.
Je souhaite que l’on réfléchisse, avec les instances de la Commission de la
Carte d’Identité des Journalistes Professionnels aux conditions d'attribution
de la carte de presse, notamment aux professionnels ayant choisi
d'exercer cette activité pour tout ou partie sous le statut d'entrepreneurs.
Nous devons par ailleurs revisiter la définition même des « agences de
presse ». La profession le réclame de longue date. Nous travaillons
actuellement à un toilettage de l'ordonnance de 1945, qui me semble
indispensable à l'heure où les médias connaissent de profondes mutations.
L'article 20 de la loi « Création et Internet », introduit par amendement
gouvernemental après une large concertation avec la profession, prévoit
qu'au terme d'un délai de 2 ans, un décret fixera les conditions de
détermination du salaire minimal dû au fournisseur occasionnel de
photographies. La question de la rémunération des photographes pigistes
est ici centrale. Trop peu d’organisations professionnelles ont engagé cette
concertation. La loi doit être appliquée dans son ensemble et je m’y
emploierai en réunissant dès l’automne l’ensemble des partenaires.
D’autres sujets sensibles et complexes, ne peuvent être traités que par un
dialogue continu entre les partenaires. Je souhaite que de telles pratiques
s'instaurent pour prendre en compte des environnements professionnels
de plus en plus diversifiés et en permanente évolution. Si les partenaires
souhaitent que l'État organise des procédures de discussion, voire de
médiation, il le fera. Je propose donc qu'à l'automne, autour de la
« mission de la photographie » et de la Direction Générale des médias, en
liaison avec les autres départements ministériels concernés, la liste des
chantiers à définir puisse être définie, ainsi que les modalités de leur
conduite. Plusieurs de ces chantiers, d’ordre technique, social ou juridique,
feront donc l’objet de groupes de travail Il en est ainsi de la définition des
règles simples permettant aux photojournalistes de cumuler des activités
de plus en plus variées en bénéficiant des mêmes protections sociales
que la plupart des acteurs économiques de notre pays.
Sans doute, aussi, conviendrait-il qu'en matière de cession de droits les
pratiques soient mieux encadrées, plus claires, tant d'ailleurs du point de
vue des photographes, que de celui de leurs employeurs ou de leurs
clients. Les professionnels ont largement fait part de la dégradation des
relations contractuelles, notamment entre photographes et agences. Je
souhaite éviter que la profession s’aventure dans l’impasse d’une trop
grande « judiciarisation des rapports » entre photographes et employeurs.
Il serait utile de clarifier les sources de contentieux, de s’interroger sur les
manières de les résoudre avant qu’elles n’entraînent des blocages définitifs
préjudiciables aussi bien aux photojournalistes qu’à leurs employeurs.
Et puisque j'évoque les conditions d'exercice du métier de photojournaliste,
je me dois de mentionner les risques physiques auxquels beaucoup d'entre
eux sont exposés, notamment lorsqu'ils se rendent dans des zones
périlleuses, dans des zones de conflits. En évoquant ce sujet, j’ai bien sûr
une pensée pour Hervé Ghesquiére et Stéphane Taponier, toujours
retenus en Afghanistan.
Dans le cadre des débats qui ont précédé le vote de la loi du 27 juillet 2010
relative à l'action extérieure de l'État, j’ai été personnellement attentif à ce
que les journalistes soient écartés de la disposition permettant à l'État de
demander le remboursement de tout ou partie des dépenses de secours à
l'étranger engagées, au bénéfice de personnes s'étant délibérément
exposées à des risques qu'elles ne pouvaient ignorer.
Le texte exclut expressément les personnes qui ont pris de tels risques
dans l'exercice de leur profession et le ministre des affaires étrangères a
été extrêmement clair à ce sujet : « Jamais nous ne léserons les
journalistes qui font leur métier, et qui prennent donc des risques inhérents
à leur profession. ».
Se pose également la question des coûts de la protection sociale auxquels
les journalistes sont aujourd’hui confrontés lorsqu’ils partent en reportage
dans des zones dites « périlleuses », qu’ils soient missionnés ou non. Ces
coûts sont devenus exorbitants. Une couverture individuelle sur une base
forfaitaire hebdomadaire s’échelonne aujourd’hui de 300 euros en Israël et
1.400 euros en Afghanistan, sans compter le prix des services du « fixeur »
local indispensable pour se repérer, traduire et circuler sur place.
L’ensemble de ces taux varie en fonction de l’instabilité politique des zones
de conflit concernées.
Le coût de cette insécurité croissante des journalistes couvrant les
événements dans les zones de conflit pose la question d’une couverture
sociale adéquate, particulièrement pour les journalistes non salariés et les
jeunes diplômés qui, la plupart du temps, ne sont pas mandatés par un
média. En effet, pour ceux-ci, le rapport coût du risque/paiement du
reportage confine aujourd’hui à l’absurde. Nous ne devons pas ajouter
l’insécurité sociale à l’instabilité du monde : il en va du droit à l’information,
il en va aussi de la liberté d’action de ceux qui donnent à voir « la vérité du
monde » (J.L Godard).
La mobilisation du ministère de la Culture et de la Communication sur cette
question n’a pas été vaine. De nouvelles polices d’assurances, conçues
avec et pour les professionnels du reportage, sont présentées ici même à
Perpignan suite aux contacts engagés par mon ministère dès 2009.
Comme plusieurs associations de journalistes professionnels le
souhaitaient, la tarification a été adaptée aux conditions d’exercice parfois
précaires des pigistes, les conditions d’accès à ces couvertures
essentielles ont été facilités et étendues. Ces évolutions correspondent
enfin aux préconisations de la mission d’information parlementaire confiée
à MM. Pierre Lellouche et François Loncle sur « le statut des journalistes et
correspondants de guerre en cas de conflit » déposée à la commission des
affaires étrangères de l’Assemblée Nationale en 2004.
3. Les oeuvres « orphelines » et les droits réservé s
J'ai déjà eu, à Arles, l'occasion d'indiquer mon intérêt pour la proposition de
loi déposée au Sénat par Mesdames les Sénatrices Blandin et Tasca à
propos des « oeuvres visuelles » dites « orphelines » publiées sous la
mention « droits réservés ». Je partage la philosophie qui sous-tend la
mise en place d’un système de gestion collective des « droits réservés » et
je confirme ma disponibilité à l'égard d'une approche législative précisant le
code de la propriété intellectuelle sur ces sujets. Cette proposition de loi est
néanmoins perfectible sur plusieurs points. La définition des oeuvres
orphelines proposée par ce texte va par exemple au-delà de la définition
donnée par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique en
avril 2008. Des questions se posent par ailleurs sur la charge et les
conditions de la recherche du titulaire des droits, ou encore sur les
conditions dans lesquelles cette gestion collective sera assurée.
C’est pourquoi il est indispensable qu'une concertation s'ouvre sans délai à
ce sujet, autour du CSPLA. Je vais donc saisir sans attendre sa Présidente
afin qu’il poursuive les travaux qui ont conduit à ses premières
recommandations de 2008. La contribution du CSPLA devrait par ailleurs
nous assurer que la solution proposée n’entraîne pas d’effets pervers ou
ne puisse être contournée au préjudice des photographes et de l'ensemble
du secteur. Ce travail sera conduit dans le courant de l'automne.
Cette réflexion sera à l’ordre du jour, dès mercredi, d’une table ronde
organisée par le ministère de la Culture et de la Communication avec le
concours du festival « Visa pour l’image » pour lequel je tiens à remercier
Jean François Leroy d'avoir accepter de l’accueillir.
Parmi les questions qui se posent en effet, sans être exhaustif, je note celle
des photos dont l'auteur souhaite qu'elles restent « anonymes », l'usage
fait des dossiers de presse, la situation des oeuvres « animées » produites
de plus en plus largement par les photojournalistes, le cas des
photographies de particuliers « données » ou produites dans le cadre de
concours.
Il y a bien derrière ces questions un vrai problème de définition entre la
notion de « droits réservés » et celle d' « oeuvres orphelines ». Il importe
d'être précis dans les termes et de vérifier s'il est nécessaire d'introduire
dans le code de la propriété intellectuelle de nouvelles notions, permettant
de compléter celles qui y sont pour l'heure employées.
Par ailleurs, il nous faudra rapidement clarifier les conditions de gestion et
d'utilisation de la ressource ainsi dégagée.
Enfin, à l'occasion d'une discussion parlementaire ne conviendra-t-il pas
aussi d'aller plus loin en traitant du « droit à l'image », de l'indication des
retouches ? Ce sont des sujets dont nous savons qu'ils mobilisent certains
parlementaires.
Mais qui sont aussi au coeur de la définition de la création et de la
protection des auteurs à l’ère du numérique et de la digitalisation de
masse.
Je connais les points de vues différents quant aux pistes possibles
permettant de trouver des solutions face à des abus inacceptables.
Travaillons ensemble, travaillons efficacement et travaillons vite. Je
souhaite pouvoir prendre une décision dans le courant de l'hiver. Il faut
nous préparer, avec l'ensemble des professionnels, à un débat législatif qui
inscrive ses résultats dans la durée. Je veillerai à ce que les solutions
proposées apportent à la photographie des possibilités de diffusion et de
valorisation justes et efficaces.
4. La sensibilisation des publics, en particulier les plus jeunes
Toutes ces mesures doivent être étudiées à travers le prisme du public, de
ceux qui voient et apprécient à sa vraie mesure la photographie comme
moyen d'expression et de communication pleinement majeur. C’est à lui
auquel je pense en priorité dans cette mobilisation du ministère de la
Culture et de la Communication pour le photojournalisme. Les rapporteurs
de l’IGAC ont entendu cette remarque qui me semble fallacieuse pour
justifier la prétendue crise traversée aujourd’hui par le photojournalisme :
« la photo ne fait plus vendre ».
Permettez-moi d’en douter. Il suffit d’observer les chiffres de fréquentation
croissante de « Visa pour l’Image » ! Il suffit de mesurer le succès
rencontré par des manifestations comme les rencontres d’Arles, « L’été
photographique de Lectoure dans le Gers, ou bien encore le Festival
international de la photographie de mode de Cannes. Pas plus aujourd’hui
qu’hier, la photo ne fera vendre si on ne s’intéresse pas à la manière dont
le public s’approprie la photographie, à la manière dont il est sensibilisé au
rôle fondamental que la presse joue dans la formation de l’individu et dans
la conscience du citoyen.
Il faut pour cela sans aucun doute sensibiliser les partisans exclusifs de
l’écrit qui dans les rédactions, souvent, n’accordent pas au visuel, le rôle
qui lui revient. Combien de fois, des oeuvres exceptionnelles ont-elles été
publiées en vignettes indéchiffrables ? Je laisse cette décision aux
directeurs des rédactions dont la responsabilité est à cet égard
incontournable.
Il faut aussi sensibiliser le regard du public, lui donner les clefs pour
observer et apprécier l’oeuvre. Je profite donc de l'occasion qui m'est
donnée aujourd'hui pour vous annoncer que la « 22ème semaine de la
presse et des médias dans l'école », organisée chaque année au mois de
mars sous l'égide du Centre de liaison de l’Enseignement et des Médias de
l’information, aura pour thème en 2011 le photojournalisme et l’illustration
de presse. Cette manifestation touche chaque année 4 millions et demi
d'élèves, dans 15 000 établissements. Elle représente une vitrine
exceptionnelle pour les métiers de la presse et ceux du photojournalisme.
Conclusion
J’ai déjà eu l’occasion de l’affirmer, et je le répète : la photographie est une
oeuvre, dès lors qu'elle est originale, c'est-à-dire qu'elle porte l'empreinte
de la personnalité de son auteur. Elle a donc une valeur. A ce titre, il est
légitime que auteur soit reconnu comme tel et qu’il puisse être rémunéré
pour son activité.
Sans cela, comment imaginer que le photojournalisme poursuive sa
mission de témoignage et de mémoire pour les prochaines générations ?
Milan Kundera le dit clairement dans L’Immortalité : « La mémoire ne filme
pas, la mémoire photographie ». Certes, peu de formes de création ont
connu au cours de leur histoire - et celle de la photographie est courte -
autant de bouleversements techniques. La photographie pour autant a
toujours su faire face, rester un mode d'expression créatif, répondre à
l'intérêt toujours plus vif du public.
Aujourd'hui cependant nous avons à relever un autre défi, lié aux
transformations profondes de la presse. Contrairement à ce qui est parfois
annoncé, les médias, demain, resteront diffuseurs d'images. Car ce sont
elles, du moins celles de qualité, qui aimantent notre attention et nous
permettent de mémoriser de manière rapide les événements du jour.
« Visa pour l'image » est là pour nous montrer le formidable « réservoir de
contenus », d'histoires, que chaque jour les photojournalistes viennent
enrichir, avec des langages divers : montrer, faire rêver, choquer parfois,
éveiller nos consciences toujours... C'est là leur rôle, c’est là leur
spécificité. Cela suppose la diversité des approches, l'ouverture au monde,
la liberté de voir et de faire voir. Un lien fort doit exister entre information et
culture, pour répondre aux défis d'une mondialisation mal régulée , pour
permettre la pluralité et la diversité des regards.
Notre rôle et ma responsabilité consistent à penser les nouveaux modèles
économiques et sociaux d'une presse plus diverse, plus riche, mieux
diffusée. Ils consistent aussi à veiller à ce que, dans cet immense chantier,
les photographes bénéficient de la reconnaissance qu'ils méritent pour ce
qu'ils nous montrent et pour la façon dont ils nous le montrent. Je cède
maintenant la parole à ceux qui ont des questions à nous poser.
Je vous remercie