Monsieur le Président du jury, Monsieur le Directeur des rédactions du
Groupe Moniteur,
Mesdames et Messieurs les membres du jury,
Mesdames et Messieurs les lauréats,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis architectes,
Je suis ravi d'être ce soir parmi vous pour remettre trois distinctions parmi
les plus prestigieuses de l’architecture : l'Equerre d'argent, le Prix spécial du
MONITEUR et celui de la Première OEuvre.
J’ai eu déjà plusieurs occasions de le dire, ou de l’écrire, l’architecture est
pour moi indissociable de la culture. Elle est le ciment visible d'un
humanisme traduit en volumes et en lumière. Elle est au coeur de l’élan vital
de mon ministère, elle en est l’une des manifestations sensibles les plus
structurées, pour ne pas dire les plus structurantes. C'est donc avec fierté et
un sentiment intense de ma responsabilité que j'assume, à la tête du
ministère de la Culture et de la Communication, la tutelle de l'architecture et
des architectes.
C’est pourquoi, si vous me le permettez, je souhaiterais profiter de ma
présence ici à l’occasion de cette belle cérémonie, pour vous redire mon
attachement à l’architecture et aux architectes et pour revenir un instant sur
les critiques et les inquiétudes que j’ai entendues çà et là, au sujet
notamment de la place occupée par l'architecture au sein de la nouvelle
Direction générale des Patrimoines qui vient d’être mise en place. Croyez
bien que je suis sensible aux appréhensions qui ont pu se manifester et que
j'apprécie la vigilance des professionnels que vous êtes. C’est pourquoi il
me tient à coeur de vous rassurer tout à fait sur mes intentions.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire aux enseignants – et à l’ensemble des
personnels – de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Nantes et de
Clermont-Ferrand, que j’ai rencontrés il y a un peu moins de deux semaines
: depuis mon arrivée rue de Valois, j’ai accordé une attention scrupuleuse
au positionnement de l’architecture dans la réforme de notre administration.
Je considère que l'architecture et les architectes ont un rôle central à jouer
dans la construction de notre « vivre ensemble » et dans la genèse des
métropoles du XXIe siècle. J’en suis intimement convaincu, un projet urbain
à grand échelle sera un grand projet culturel ou ne sera pas. C'est la raison
pour laquelle je veux notamment faire de l'Atelier international du Grand
Paris, que le Président de la République installera prochainement au Palais
de Tokyo, le lieu de l'échange et de la confrontation des idées, un lieu
ouvert à toutes les énergies et à tous les talents.
La priorité accordée par le Président de la République à l'architecture
dans son action publique et l'importance centrale attribuée par le
Gouvernement à l'enseignement supérieur viennent conforter la place de
cette discipline au coeur des politiques publiques. L'enseignement de
l'architecture représente d'ailleurs la part essentielle, en nombre
d'étudiants et d'enseignants notamment, dans l'enseignement supérieur
rattaché au ministère de la Culture et de la Communication.
Je réfute l’idée que l’architecture disparaîtrait au sein de la Direction
générale des Patrimoines et qu’elle aurait perdu toute visibilité, et partant
toute légitimité, au ministère. Et pour commencer, j'ai souhaité que le
directeur, adjoint au directeur général des patrimoines, soit chargé de
l'architecture, ce qui manifeste la place éminente et pérenne réservée à
cette discipline. En un mot, ce n’est pas parce que nous avons changé
l’architecture des directions, qu’il n’y a plus de direction de l’architecture !
L’architecture étant par définition une activité de synthèse, le débat sur sa
place institutionnelle se pose partout en Europe. Dans 13 pays de l’Union
européenne, l’architecture est rattachée au ministère chargé de la Culture,
mais dans les 14 autres, elle est rattachée aux ministères chargés de
l’Aménagement du territoire, de l’Equipement, de l’Intérieur, et même
parfois au ministère chargé des Finances !
On pourrait gloser à l'infini sur les mérites respectifs de tel rattachement
ou de tel autre. Pour ma part, comme je vous l’ai dit, je n’ai aucune doute
sur l’appartenance de l’architecture à la culture.
Prenons l’exemple de l’enseignement. Depuis que l'architecture est
revenue à la Culture, en 1996, un investissement considérable a été
consacré aux vingt écoles et à leurs 20 000 étudiants. Nous avons engagé
un programme de rénovation, d'extension et de création d’écoles
tellement ambitieux qu’il nous a permis, en à peine 10 ans, de moderniser
60 % de notre parc.
Bordeaux, Nantes, Montpellier, Lyon, Saint-Etienne – dont je reparlerai
tout à l’heure –, Grenoble, Rennes, Lille, mais aussi, plus proches de
nous, Versailles, Marne-la-Vallée, Paris-Val de Seine, Paris-Belleville ont
déjà bénéficié de travaux importants. Les investissements s’élèvent à pas
moins 231 millions d’euros engagés entre 2001 et 2009.
La poursuite de ces opérations est un enjeu fondamental pour le
renouvellement de la profession d’architecte et pour sa diversification. Ils
correspondent à une exigence d’aménagement du territoire dans le
domaine de l’enseignement supérieur. Je poursuivrai cet effort jusqu’au
bout.
Je ne m'attarderai pas sur les dispositifs d'accompagnement et de veille
que nous mettons en place, afin d'être chaque jour à vos côtés dans la
défense des intérêts de la profession. Je pense, en particulier, à la
Directive Service qui requiert toute notre attention et toute notre énergie.
Je ne m'attarderai pas davantage sur l'ensemble des actions de promotion
de l'architecture que nous conduisons : les Albums des jeunes architectes
et des paysagistes dont j’aurai le plaisir de révéler le palmarès le 10 mars
prochain ; le Grand Prix national de l'architecture dont je proclamerai le
lauréat à la fin de cette année ; les Rendez-vous du Grand Paris qui ont
rythmé l'année 2009 par une série de conférences extrêmement
stimulantes à la Cité de l'Architecture et du Patrimoine, au Centre Georges
Pompidou et en région ; enfin, les Biennales internationales d'architecture
de Sao Paulo, et de Venise pour laquelle le Président de la République a
désigné Dominique PERRAULT comme commissaire du Pavillon français,
sans oublier l'exposition universelle de Shanghai, dont le pavillon français
sera construit par Jacques FERRIER.
Je voudrais maintenant revenir à ce qui nous réunit ici ce soir, et rendre
hommage à nos lauréats. Je suis, pour commencer, particulièrement
heureux que les oeuvres primées par le jury cette année constituent en
majorité des équipements à vocation culturelle : le choix du Conservatoire
de musique, de danse et d’art dramatique de Clichy-la-Garenne, de la Cité
du Design de Saint-Etienne et – d’une autre manière évidemment – du
Boulodrome de Meaux, renvoient bien à ce lien profond et indissociable
qui existe entre l’architecture et la culture.
Cher Bernard DESMOULINS, chacun peut constater in situ la qualité
exceptionnelle de votre travail. Vous avez su vous jouer des contraintes
techniques que recelait, su j’ose dire, ce « casse-tête clichois », avec un
brio qui force l’admiration des connaisseurs. Vous avez su créer un lieu à
la fois ouvert sur son environnement, inséré dans le tissus urbain, et
parfaitement autonome, clos sur lui-même tout en permettant une
excellente circulation dans les espaces intérieurs.
Cette réussite d’un nouveau Conservatoire est d’autant plus importante à
mes yeux que l’initiation aux arts, les enseignements artistiques et
culturels, font partie de mes priorités à la tête du ministère de la Culture :
votre travail contribue à ce nouveau souffle que j’entends leur donner.
Nous avons déjà engagé une réflexion collective et encouragé un projet
de loi sur le rôle des collectivités territoriales dans ce domaine. En
attendant qu’elle soit adoptée, il est essentiel que des lieux innovants et
parfaitement adaptés soient dédiés à la pratique artistique et viennent
favoriser sa transmission dans les domaines de la musique, du théâtre et
de la danse.
Je me réjouis tout particulièrement que ce nouveau médiateur de
proximité voie précisément le jour dans une commune de banlieue, ici à
Clichy-la-Garenne, dans l’un de ces territoires trop longtemps séparés de
Paris, relégués à la périphérie, parfois considérés comme plus éloignés de
la capitale que les régions mêmes. Leur intégration à ce Grand Paris que
nous sommes en train de construire contribue à une nouvelle architecture
de notre vivre-ensemble, plus citoyenne, plus ouverte à la diversité et au
partage.
C’est là, je crois, le sens de cette Équerre d’argent, qui ne vient pas
seulement récompenser la perfection architecturale et la prouesse
technique, mais aussi un accomplissement citoyen, une recherche
d’harmonie sociale.
Cher Bernard DESMOULINS, j’ai le grand plaisir de vous remettre cette
« Équerre d’argent 2009 », qui vous a été décernée par le jury du
Moniteur et vous consacre comme un grand nom de l’architecture.
Chère Giulia ANDI, cher Finn GEIPEL [prononcer Gaillepèl’], j’ai déjà eu
l’occasion de vous exprimer – lors de l’inauguration de la Cité du Design,
le 1er octobre dernier à Saint-Etienne – toute ma satisfaction et même mon
admiration face à votre réussite véritablement exemplaire.
Exemplaire d’un équilibre entre le respect du patrimoine manufacturier par
le travail de rénovation, et l’innovation architecturale qui va jusqu’à ce que
j’appellerais un « design architectural », voire un « design urbain » : je
pense à cette « Platine » et à cette « Tour observatoire », à la fois très
impressionnantes et toujours à échelle humaine.
Votre travail est exemplaire aussi de l’exigence environnementale qui
s’impose aujourd’hui à chacun d’entre nous, et pour laquelle les
architectes, encouragés par les pouvoirs publics et par les concours
justement, possèdent à l’évidence une responsabilité cruciale : une
responsabilité que vous avez su assumer pleinement.
La véritable réussite d’un projet architectural se mesure non seulement à
son adéquation aux fonctions qui lui sont assignées, mais aussi à la façon
dont il peut les informer, leur donner sens, les pousser plus loin encore.
Par la distribution et la circulation des espaces, votre réalisation est, à
mon sens, exemplaire d’une volonté d’allier les disciplines, de les faire
dialoguer. Elle met la Cité du Design de Saint-Etienne sur la voie de
devenir un pôle d’excellence et de rayonnement reconnu tant en France
qu’en Europe, et renforce l’attractivité indissociablement culturelle et
économique de ce territoire.
Toutes ces qualités de votre travail, maints autres mérites qu’ont su y
déceler les yeux experts des membres du jury, vous ont valu, chère Giulia
ANDI, cher Finn GEIPEL, ce « Prix spécial du Jury 2009 » que j’ai le très
grand plaisir de vous remettre aujourd’hui.
Je me tourne à présent vers les benjamins de ce palmarès 2009, ces
jeunes talents qui constituent, plus que d’autres encore, l’avenir de notre
architecture.
Chère Pascale DALIX, cher Frédéric CHARTIER,
Je voudrais tout d’abord vous féliciter pour l’engagement social que vous
manifestez dans chacune de vos réalisations, remarquables non
seulement par leur qualités propres, mais aussi par leur nombre
impressionnant : en ce seul début d’année 2010, démarrent la
construction de « Foyers d’accueil médicalisé » près d’Amiens, d’un
« Foyer de jeunes travailleurs » à la Porte des Lilas, pour lequel vous
venez de remporter le concours de la Régie immobilière de la Ville de
Paris. Que de récompenses ! Il semble que cette année ne commence
pas trop mal…
Ce Boulodrome de Meaux, qui a su retenir l’attention d’un jury pourtant
difficile à satisfaire, s’inscrit dans cette même logique d’une « culture
sociale » qui me tient particulièrement à coeur. Car il s’agit d’un lieu de
convivialité, de rencontre, de dialogue et d’échange : un lieu de vie et de
vivre-ensemble, au sein d’un quartier en pleine restructuration, le quartier
Pierre COLLINET. Votre intervention est bien plus qu’architecturale, elle
est véritablement sociale, et même politique au sens noble.
Je n’ai malheureusement pas encore eu l’occasion de voir de visu votre
réalisation, mais je profiterai pour ce faire de l’une de mes prochaines
rencontres avec le député-maire de Meaux, Jean-François COPÉ. En
attendant, je dois dire que les photographies qui m’en ont été montrées
m’ont permis d’admirer sa légèreté presque aérienne, son mouvement et
je dirais presque son rythme – ce qui est important pour un boulodrome –
mais aussi ses éclairages nocturnes qui, d’après ces images, en modifient
l’allure d’une façon subtile et remarquable. Tout cela porte, sans l’ombre
d’un doute, la marque d’un style.
Je vous souhaite, à tous deux, la carrière exceptionnelle que laissent
présager cette oeuvre et ce prix : je suis convaincu que, comme le dit le
poète MALHERBE, « les fruits passeront le promesses des fleurs » – et
pourtant quelles fleurs ! Vous entrez, aux côtés des trois autres lauréats,
dans le cercle très fermé des grands architectes primés par le Moniteur.
Chère Pascale DALIX, cher Frédéric CHARTIER, j’ai le grand plaisir de
vous remettre, comme Ministre en charge de l’Architecture et des
architectes, le Prix de la Première OEuvre 2009.
Il me reste à remercier chaleureusement chacun des membres du Jury du
Moniteur, et en particulier leur Président, M. Bertrand FABRE, pour leur
engagement au service de l’architecture, donc de la Culture dans notre
pays.
Je vous remercie.